Question récurrente : à quoi servent VRAIMENT les différents exercices imposés lors de l’épreuve pratique hors circulation du permis de conduire moto ? Possèdent-ils une réelle utilité en conduite pratique, au quotidien, dans la « vraie vie » ? Oui, et voici pourquoi.

Première publication en décembre 2023
Cet article est à lire en complément de Plateau moto : pourquoi si compliqué ?

Les bases

Dans tous les pays du monde où vous devez posséder un permis de conduire pour conduire une moto, avec un véritable examen (je ne compte pas les pays où vous devez juste « acheter » un permis, ni ceux où il est possible de corrompre l’inspecteur, ni ceux où le permis moto gros cube se passe avec un scooter 125…), bref dans tous les pays un peu « sérieux » en matière de sécurité routière, que ce soit en France métropolitaine et dans ses départements d’outre-mer, en Europe occidentale, en Amérique du Nord, au Japon, en Australie / Nouvelle-Zélande… vous passez un examen pratique composé de deux épreuves : une « hors circulation » et une « en circulation ».

L’examen pratique moto hors circulation (appelé « plateau » en France », « circuit fermé » au Québec, « manoeuvres » au Luxembourg et en Suisse, « terrain privé « en Belgique) représente partout une épreuve, dite d’admissibilité : le candidat doit prouver sa maîtrise technique avant d’accéder à l’épreuve en circulation, dite d’admission.

Rien d’exceptionnel là-dedans, ce principe reste aussi valable pour tous les permis de conduire de catégorie « poids lourds » : camions de plus de 3,5 tonnes, véhicules de transports en commun, caravanes ou grosses remorques…

En fait, il n’y a que pour le permis B « voiture » que vous passez directement l’épreuve en circulation.
Pour toutes les autres catégories de permis de conduire, il existe toujours une épreuve de maîtrise hors circulation qu’il faut valider en premier.
Mais comme l’immense majorité des conducteurs ne possèdent et ne connaissent que le permis B, cette épreuve hors circulation du permis moto leur paraît extraordinaire.

Pourquoi existe-t-il partout cette épreuve hors circulation ?
Dans la mesure où la moto constitue un véhicule « à risque » pour son occupant, les pouvoirs publics veulent s’assurer d’un niveau de maîtrise suffisant avant de laisser un candidat partir sur la route, seul au guidon, sans aucun moyen pour un tiers (comme un expert / inspecteur du permis de conduire) d’intervenir concrètement en cas de problème.

La raison est la même pour les permis « groupe lourd », sauf que cette fois, ce genre de véhicules est surtout dangereux pour les autres usagers de la route. Il est logique de demander au préalable à un candidat chauffeur routier de prouver qu’il maîtrise correctement son camion ou son bus pour ne pas qu’il risque de provoquer une catastrophe sur la route…

Ce n’est pas le cas en voiture car l’évaluateur dispose (en général) de doubles commandes qui lui permettent d’intervenir en cas d’urgence, notamment pour ralentir ou stopper la voiture.
Je dis « en général » car dans certains pays (en Suisse, par exemple), les candidats automobilistes peuvent se présenter à l’examen de conduite avec un véhicule non équipé de doubles commandes. Dans ce cas bien particulier, l’expert doit au moins avoir accès facilement au frein à main.

Le saviez-vous ?

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Comparaisons internationales

Ce type d’épreuve hors circulation (qui comprend des exercices, des manoeuvres, un parcours à réaliser) se rencontre partout pour les examens du permis de conduire moto.
C’est le contenu de cette épreuve qui change, d’où une difficulté plus ou moins grande selon les cas.

Dans nombre de pays, notamment anglo-saxons et surtout aux Etats-Unis, l’épreuve hors circulation est très simple. Elle vise juste à vérifier que le candidat possède la maîtrise des commandes de base.

Dans la plupart des états fédérés des USA, un aspirant motard doit réussir un « skill test » hors circulation, où il doit démontrer sa capacité à accélérer, changer de rapport, freiner, tourner à basse et à haute vitesse, etc.
C’est le cas en Californie où cet examen dure moins de cinq minutes et comprend quatre exercices, comme expliqué dans la vidéo ci-dessous :

  • rouler à basse vitesse pour suivre un couloir de 30 cm de large, en ligne droite, sans chronomètre
  • effectuer deux fois un cercle de 8 mètres de diamètre, sur une bande de 1 mètres de large, sans pied au sol
  • effectuer un slalom sur cinq plots en ligne droite sur environ 30 mètres
  • démarrer, monter deux rapports, freiner, rétrograder deux rapports, faire demi-tour sans poser le pied au sol et revenir en ligne droite pour s’arrêter en souplesse.

Dans les états où il n’existe pas d’examen hors circulation, l’inspecteur demande au candidat de pratiquer sur la route les quatre manoeuvres basiques :

  • un freinage,
  • un évitement,
  • un virage « normal »
  • un demi-tour

Notez bien que ces exercices ne comprennent aucun freinage dit « d’urgence », ni aucune vérification de la maîtrise du contre-braquage à plus de 35 km/h.

C’est le même principe en Australie avec le MOST (« Motorcycle Operator Skill Test »), où le freinage et l’évitement s’effectuent à une vitesse comprise entre 20 et 25 km/h…

Au Japon, l’examen du permis de conduire moto ne comprend qu’une seule épreuve, hors circulation.
L’examen moto ne se déroule pas sur route ouverte, mais sur un « mini circuit routier » qui rassemble différentes situations : des intersections et des voitures d’école qui roulent au pas, avec de nombreux virages serrés à négocier à basse vitesse.

L’examen dure environ dix minutes sur une zone carrée de 150 mètres de côté et comprend huit exercices :

  • la planche, un rail surélevé de 15 mètres de long et 30 cm de large, à parcourir en 15 secondes pour les motos de moins de 390 cc et de 10 secondes pour les motos de 400 cc et plus
  • un slalom à moyenne vitesse autour de plots en ligne droite
  • l’échelle, une succession de barreaux qui simulent des rails saillants ou des pavés irréguliers, sur huit mètres de distance, à parcourir les fesses levées de la selle et en plus de dix secondes
  • un démarrage en côte, sans caler ni reculer
  • un double virage en S
  • un freinage d’urgence à 40 kmh pour s’arrêter en moins de 11 mètres sans bloquer de roue
  • une traversée de voie ferrée
  • une « baïonnette » avec deux virages serrés à angle droit, à franchir sans toucher les plots

Là encore, pas d’évitement, pas de slalom rapide, pas d’exercice de contrebraquage…

Au Royaume-Uni, le « off-road test » (appelé « module 1 ») se compose de sept exercices :

  • une manoeuvre sans moteur en marche arrière avec béquillage et débéquillage
  • un slalom et un « 8 » à basse vitesse sans contrainte d’espace
  • un couloir en ligne droite à basse vitesse, sans chronomètre
  • un demi-tour sur 8 mètres de large
  • un freinage en sortie de courbe
  • un arrêt d’urgence à 50 km/h
  • un slalom rapide et un évitement à 50 km/h

Les candidats doivent réussir ces différents exercices avec cinq fautes « mineures » (non dangereuses, comme un pied au sol) au maximum en tout. Il y a donc droit à l’erreur.

C’est à peu de choses près la même chose au Canada.
Pour en savoir plus, lire mon article sur le permis moto au Québec.

En Europe continentale en général et dans les pays membres de l’Union Européenne en particulier, les exercices demandés sont équivalents, parfois un peu plus difficiles.
Pour en savoir plus, lire ma série d’articles dédiés :

Reste le cas particulier de la France !
La France impose à ses motards débutants l’épreuve hors circulation la plus difficile d’Europe, donc (sans doute) au monde.

Il n’y a qu’en France que les candidats au permis de conduire moto doivent connaître deux parcours par coeur.
Dans tous les autres pays, il n’y a qu’un seul parcours à suivre et à connaître à l’avance.
De plus, les parcours français s’avèrent particulièrement complexes et difficiles à retenir. Sans compter que la réglementation de l’examen ne laisse aucun droit à l’erreur de parcours.

Il n’y a qu’en France que les candidats au permis de conduire moto doivent effectuer un exercice en duo, avec passager.
Dans tous les autres pays, l’examen hors circulation est intégralement réalisé en solo.
En effet, dans la plupart de ces pays, les motards débutants sont soumis à un permis provisoire et n’ont pas le droit de transporter un passager avant l’obtention de leur permis définitif, au bout d’un an ou parfois deux ans.

Il n’y a qu’en France que les candidats au permis de conduire moto doivent effectuer un parcours à très basse vitesse, avec un changement de braquage en espace restreint, avec un chronomètre minimal à respecter.
Dans tous les autres pays, les exercices à basse vitesse sont effectués en ligne droite. S’il y a chronométrage, c’est seulement sur une distance à parcourir dans un couloir (de plots ou de lignes au sol) en ligne droite. S’il y a slalom à basse vitesse, il n’y a pas de chronométrage.

Pour en savoir plus, lire Plateau moto : pourquoi si compliqué ?

Utilité réelle des exercices

Reste la question de base de beaucoup d’aspirants motards français : à quoi ça sert, tout ça ?

Bien sûr, il faut vérifier la bonne maîtrise des commandes de la moto et des compétences de maniement moto.
Chacun comprend bien qu’il est nécessaire de s’assurer qu’un(e) motard(e) débutant(e) sait démarrer sans caler, accélérer, changer de rapport, freiner, s’arrêter, tourner le guidon… comme pour la voiture.

Chaque motard comprend qu’il est important de savoir freiner court à plus de 30 km/h, voire à 50 km/h – même si tous les pays ne le demandent pas.
Encore faut-il apprendre à le faire correctement, pas juste à serrer le levier comme un sourd en se reposant sur l’ABS…
Pour en savoir plus, lire Freiner à moto (et en scooter) – Deuxième partie

Très peu de personnes remettent en question l’utilité de savoir pratiquer un évitement d’obstacle à 40 ou 50 km/h – même si beaucoup d’autres pays développés ne le demandent pas, sans pour autant connaître de mortalité plus élevée des motards.
Là aussi, il faut apprendre les subtilités de la technique d’inclinaison la plus efficace et le rôle des différents appuis.
Pour en savoir plus, lire Le contre-braquage, technique d’inclinaison par le guidon

C’est pourquoi la réglementation de l’examen plateau français prévoit que le slalom rapide doit être effectué à une vitesse minimale de 40 km/h, afin de s’assurer (théoriquement) que les élèves connaissent cette technique de contre-braquage.

C’est pourquoi elle prévoit également que la vitesse d’entrée dans le couloir d’évitement soit d’au moins 50 km/h, pour que l’évitement lui-même soit pratiqué à plus de 45 km/h, ce qui nécessite l’emploi de cette technique de contre-braquage.

Mais qu’en est-il des autres exercices ?

Le demi-tour

La maîtrise du demi-tour en espace restreint constitue une compétence fondamentale.
Il nous arrivera à tous de devoir effectuer un demi-tour sur la route et il importe de savoir le réaliser rapidement et correctement, sans risque d’être obligé de s’arrêter durablement en travers de la route.
Lire Faire demi-tour en sécurité.

Les consignes d’examen du plateau moto français imposent de le réaliser sur une largeur de six mètres, correspondant à la largeur standard d’une route départementale (soit deux voies de trois mètres de large).
Bien sûr, il existe des routes plus larges… mais aussi d’autres plus étroites !

Cette largeur de six mètres ne constitue pas une grande difficulté en elle-même : la quasi-totalité des motos routières du marché sont capables de réaliser un demi-cercle de six mètres de diamètre (quand elles sont bien maniées).
C’est évidemment plus compliqué avec certaines motos routières de grand tourisme, les « paquebots » très longs et lourds de plus de 400 kg, mais ça reste réalisable.

Il est préférable de savoir le réaliser sans poser de pied au sol, sans perte d’équilibre.
Je dis bien « préférable » car la réglementation de l’examen laisse la possibilité de poser trois fois un pied au sol sur l’ensemble du parcours, sans risquer de sanction. Voire quatre fois si le candidat ne commet aucune autre erreur. L’absence de pied par terre n’est donc pas une nécessité absolue.

S’il est recommandé de savoir effectuer un demi-tour un peu serré sans perte d’équilibre, c’est que celui-ci est réalisé dans des conditions « idéales » :

  • hors circulation,
  • dans un environnement sécurisé,
  • sur terrain plat,
  • sur une piste en bon état
  • avec une moto d’école de catégorie A2, assez légère

Dans la vraie vie, il pourra nous arriver de devoir effectuer cette manoeuvre en dévers, en pente (montante ou descendante), avec une moto haute et/ou lourde, parfois avec un passager, parfois au milieu d’autres véhicules, parfois sur des routes abîmées…
Dans ces cas-là, poser le pied au sol n’est pas toujours une option possible !

Savoir réaliser un demi-tour serré en toute sécurité, sans poser de pied au sol, en maîtrisant pleinement l’allure de sa moto, en sachant utiliser le frein arrière, le point de patinage de l’embrayage et les gaz, c’est aussi d’une grande aide pour négocier un petit rond-point bien serré… ou un virage en épingle !

Un virage serré en épingle, ce n’est rien d’autre qu’un demi-tour mais en déclivité, avec de la pente montante ou descendante.
Pour aller plus loin, lire Négocier un virage en épingle.

Ce n’est pas un hasard si, dans mes stages post-permis, je constate que les motards qui éprouvent des difficultés dans les petits virages en pente sont aussi ceux qui ne se sentent pas à l’aise dans les manoeuvres à basse vitesse…

L’arrêt-démarrage en courbe

Ce que beaucoup de formateurs appellent « l’escargot » se compose en réalité de trois exercices distincts, qui ont chacun leur utilité :

  1. un arrêt de précision en tournant, avec guidon braqué
  2. un démarrage en tournant, avec guidon braqué
  3. un demi-tour serré à basse vitesse

Présenté comme ça, je pense que vous saisissez mieux l’utilité de maîtriser ces différentes manoeuvres !
Dans la vraie vie, nous n’allons pas forcément les enchaîner comme sur le parcours d’examen, mais chacune d’elles est utile.

Sur la route, il peut arriver de nous arrêter au cours d’un demi-tour, par exemple parce que nous voyons une voiture arriver et préférons la laisser passer.
Il s’agit de savoir s’arrêter immédiatement sans se mettre par terre et de repartir sans perdre l’équilibre et sans sortir de la route… exactement comme dans ces deux premières manoeuvres !

Il nous arrive souvent de devoir nous arrêter à un carrefour avec le guidon plus ou moins braqué – quitte parfois à le redresser ensuite.
Il nous arrive de nous arrêter en ligne droite, puis de devoir repartir en tournant serré, sans prendre trop de vitesse pour ne pas élargir le virage.

Savoir s’arrêter efficacement, de façon précise, avec le frein avant, en étant capable de poser le pied droit ou le pied gauche en fonction d’un éventuel dévers… c’est bien utile !

Et surtout, savoir doser son frein avant, c’est un prérequis indispensable pour apprendre ensuite à freiner sur l’angle, en virage.
Pour en savoir plus, lire Freiner sur l’angle.

Le demi-tour avec passager

Chacun peut comprendre l’utilité (dans le cadre de l’évaluation des compétences d’un apprenti-motard) de démontrer sa capacité à maîtriser un demi-tour en duo, avec passager.
Dans la mesure où, en France, un motard débutant peut, a le droit, dès le lendemain de son permis tout neuf, transporter une autre personne sur sa moto.
Que ce demi-tour doive s’effectuer à basse vitesse sur une largeur maximale de six mètres ne me dérange pas.
Pour aller plus loin, lire Rouler à deux sans danger l’un pour l’autre

Mais pourquoi imposer le passage dans la porte de plots en plein milieu du demi-tour, ce qui ne laisse qu’une étroite bande de passage (de moins de 50 cm de large) pour ne pas risquer de toucher un des deux plots de la roue avant ou de la roue arrière ?
Bref…

Le parcours lent

Je suis le premier défenseur de l’importance de savoir maîtriser sa moto à basse vitesse, quand l’effet gyroscopique des roues est insuffisant à assurer la stabilité de la machine.
Je comprends tout à fait l’utilité de maîtriser une ligne droite et un virage serré à très basse vitesse.
Pour en savoir plus, lire Incliner à basse vitesse.

Mais j’avoue que pour autant, j’ai du mal à justifier l’utilité du niveau d’exigence du parcours français !
Le paroxysme de la difficulté technique réside dans le changement de braquage entre les deux portes de piquets.
En évoluant à très basse vitesse (pour respecter le temps minimal imparti), le candidat doit complètement changer le braquage de guidon pour effectuer un « S » sur une distance de moins de 5 mètres, et ce sans marquer d’arrêt avec pied au sol.
Il s’agit d’un exercice particulièrement difficile, surtout en conditions de stress à l’examen.

D’autant plus incompréhensible que je ne vois pas quelles conditions réelles il est censé refléter…
Même en interfile, quand il faut contourner des voitures à l’arrêt, c’est très rarement aussi serré.

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