Les examens des permis moto français A1 et A2 comprennent une épreuve hors circulation, communément appelée « plateau », qui impose de suivre un parcours « tout en un » bien précis, avec des consignes d’examen très exigeantes. Mais ce parcours plateau, le plus difficile d’Europe, est-il vraiment pertinent ? Est-il possible de faire plus simple tout en restant aussi exigeant techniquement ?

Publication en août 2023
Mise à jour en avril 2024

Pourquoi cet article ?

Si vous avez un peu suivi mon parcours pro, vous savez déjà que je suis formateur de conduite moto depuis 2008, mais avec une parenthèse de plusieurs années comme instructeur spécialisé en perfectionnement post-permis, de 2012 à 2022.

J’ai repris une activité comme moniteur en formation initiale dans une école de conduite (préparation aux permis A1 et A2, entre autres). Depuis septembre 2022, je confronte quotidiennement mes élèves aux parcours d’examen plateau en vigueur à compter de mars 2020.

En parallèle, je continue bénévolement à administrer ce site et à publier de nouveaux articles, comme la série sur les examens moto en Europe, pour laquelle j’ai commencé par les pays francophones (pour des raisons de facilité linguistique et d’audience concernée) avant de m’attaquer au Royaume-Uni et à l’Allemagne.

Cette série d’articles m’a permis de mieux connaître les épreuves demandées aux apprentis motards européens, sans oublier que je connaissais déjà celles demandées dans la plupart des autres pays développés, notamment en Australie et aux Etats-Unis.

Du coup, je me trouve assez bien placé non seulement pour comparer ces épreuves, mais aussi pour comprendre quelles difficultés elles posent aux élèves motards, sans oublier pour savoir comment elles sont encadrées par les inspecteurs du permis de conduire.

Et j’en ai tiré une conclusion simple : l’examen plateau moto français est INUTILEMENT compliqué.
Dans cet article, je vous explique d’abord d’où viennent ces parcours, en quoi ils sont vraiment compliqués et enfin comment faire mieux.

J’ai bien conscience que cet article n’intéressera que très peu de mes lecteurs : essentiellement certains de mes confrères formateurs, éventuellement de rares inspecteurs plus ouverts d’esprit que la plupart de leurs collègues, peut-être quelques apprentis motards un peu plus curieux que la moyenne… Et ça devrait s’arrêter là.

Mais en 2017, j’avais tout de même eu l’occasion de présenter à deux cadres de la Délégation à la Sécurité Routière et de sa sous-direction de l’éducation routière mes revendications présentées en 2016 dans l’article Mes propositions pour la sécurité routière des motards.
Peut-être qu’un jour, mes observations inspireront une réforme de l’examen plateau…

Mise à jour avril 2024 : dans son numéro n°266 (04/24), la revue professionnelle La Tribune des Auto-Ecoles a publié un article intitulé « Réforme adoubée, revoyure souhaitée » dans lequel plusieurs formateurs et représentants syndicaux critiquent différents points de l’examen moto actuel et proposent des pistes d’amélioration.
Pour autant, aucune info sur une possibe modification prochaine de cet examen par la DSR.

Le saviez-vous ?

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Pourquoi ces parcours plateau ?

Bref historique de l’examen

Le permis moto français n’a pas toujours comporté une épreuve « plateau » hors circulation.
Pour en savoir plus, lire Historique et arcanes du permis moto.

Pour résumer brièvement les choses, l’examen du permis moto se bornait avant 1973 à la maîtrise basique des commandes.
Depuis 1974, il existe un examen « plateau » dont les exercices ont évolué au fil du temps.

Une première version de l’examen, de 1974 à 1980, ne comportait que des exercices à basse vitesse.

De 1980 à 2013, l’examen comprenait quatre phases, avec trois épreuves pratiques et une théorique :

  • maniement de la moto sans moteur
  • allure lente
  • allure normale
  • interrogation orale

La première épreuve pratique comportait trois parcours possibles, un d’entre eux étant tiré au sort pour l’examen.
Pour la deuxième et la troisième épreuve pratique, quatre parcours étaient possibles pour chacune, avec là aussi un tirage au sort à chaque fois.

Point très important à comprendre pour la suite : chaque exercice était réalisé séparément par l’ensemble des candidats d’une session d’examen.
Tout le monde passait d’abord le maniement sans moteur, puis le lent, puis le rapide… Seuls ceux qui étaient ajournés aux exercices pratiques ne passaient pas l’oral.
Les candidats (dont j’étais en 2000) devaient apprendre 11 parcours différents au total – chacun d’eux restant assez simple, cela dit.
C’était une vraie usine à gaz, qui a quand même duré plus de 30 ans…

En 2013, une nouvelle réforme a modifié et simplifié l’examen plateau.
L’examen comportait désormais cinq épreuves, quatre pratiques et une interrogation orale :

  • maniement de la moto sans moteur
  • allure lente
  • allure rapide : évitement
  • allure rapide : freinage
  • interrogation orale

Les parcours sont simplifiés : alors qu’auparavant trois ou quatre parcours étaient possibles pour les épreuves pratiques, seulement deux parcours étaient alors possibles par épreuve, en miroir l’un de l’autre.

Comme depuis 1980, chaque exercice est réalisé séparément par l’ensemble des candidats d’une session d’examen. Or c’est bien là que le bât blesse…
L’examen plateau version 2013 prévoyait une durée maximale par candidat de 15 minutes. Trop long aux yeux du ministère des Transports !

Toujours plus de candidats, toujours moins d’inspecteurs

Si on regarde les chiffres sur les 30 dernières années (depuis 1990), on est sur une moyenne annuelle autour des 101.000 permis moto « gros cube » délivrés en France chaque année.
Au cours des 20 dernières années, la moyenne du nombre de permis moto de plus de 125 cm3 tourne autour des 105.000 par an.

De façon assez régulière, des modifications réglementaires (en 1996, 2012 et 2016) provoquent des « pics » d’inscription de candidats qui veulent échapper aux nouvelles dispositions. Ces périodes d’engorgement sont à chaque fois suivies de deux ou trois ans de « creux ».

Le souci est que pendant ce temps, le nombre d’inspecteurs du permis de conduire (IPC) n’a pas augmenté.
En 2021, on comptait moins de 1.400 IPC pour l’ensemble du territoire français, métropole et outre-mer. C’est-à-dire le même nombre qu’en 2008… Ce nombre était encore plus bas au milieu des années 2010. Il devrait légèrement augmenter pour atteindre les 1.500 IPC d’ici 2025.

Ces inspecteurs sont des fonctionnaires d’Etat qui travaillent cinq jours et pas plus de 35 heures par semaine depuis 2002.
Depuis 20 ans, ils doivent faire face à une augmentation régulière du nombre de candidats au permis de conduire B (voiture), qui a déjà dépassé le chiffre du million de candidats par an pour atteindre plus de 1,1 million en 2021.

Face à ces réalités, les différents gouvernements font feu de tout bois et imaginent toutes les mesures possibles pour réduire les délais, accélérer les procédures et surtout faire passer plus de candidats par jour et par inspecteur.
Concernant le permis moto, cela a donné la réforme de 2020.
Pour en savoir plus

Conséquences

En 2020, une quatrième réforme des examens change l’épreuve hors circulation.
Les vérifications mécaniques et l’interrogation orale disparaissent pour être intégrées dans l’épreuve théorique moto (ETM), préalable au plateau.
Pour en savoir plus

L’examen plateau ne comprend plus qu’un seul parcours « tout en un », mélangeant exercices à allure lente et exercices à allure rapide.
L’épreuve devient exclusivement pratique et les différents exercices s’enchaînent à la suite. Ces exercices demeurent globalement les mêmes qu’avant, mais chaque candidat réalise son parcours (avec deux essais possibles), sans temps mort entre deux exercices.

En clair, tout est fait pour réduire la durée par candidat de l’examen hors circulation.
On ne va pas se mentir : le principal but de la réforme de 2020 était de faire passer plus de candidats par jour, avec une durée par candidat ramenée de 15 à 10 minutes (grand maximum).
Un tiers de temps en moins par candidat, c’est 30% de candidats en plus chaque jour…

Une large part du temps gagné se fait en « zappant » la reconnaissance du parcours d’examen et en raccourcissant les consignes données oralement aux candidats par l’inspecteur.
Les instructions officielles stipulent clairement que : « Il n’y a pas de reconnaissance du parcours, celui-ci doit être appris lors de la formation. Les explications sur la façon de procéder pour réussir l’exercice ne doivent pas être indiquées au candidat.« 

A quoi sert le plateau ?

Dans tous les pays développés qui demandent un examen pratique pour l’attribution d’un permis de conduire moto, cet examen comprend deux phases :

  • un examen de maîtrise technique hors circulation,
  • un examen de respect des règles de circulation sur la route.

L’examen pratique hors circulation (appelé « plateau » en France », « circuit fermé » au Québec, « manoeuvres » au Luxembourg et en Suisse, « terrain privé « en Belgique) représente partout une épreuve d’admissibilité : le candidat doit prouver sa maîtrise technique avant d’accéder à l’épreuve en circulation.

Pour en savoir plus, lire En vrai, à quoi sert le plateau moto ?

Et sur le papier, l’examen technique ne devrait être que cela.
Il s’agit de montrer qu’on maîtrise correctement sa moto pour conduire en sécurité dans le cadre du respect des règles de circulation (le Code de la Route en France). Mais pas de faire preuve d’un niveau avancé de maîtrise technique dans des exercices d’un niveau tellement élevé que même les titulaires du permis ne sont pas capables de réussir, même avec plusieurs années d’expérience !!!

Précision importante

Ce « nouveau » (depuis 2020) parcours d’examen plateau représente une avancée positive par rapport à ceux qui existaient auparavant.
Je comprends les contraintes auxquelles ont dû se conformer ses concepteurs : obligation de conserver la piste de 130 m x 6 m, réduction du temps de passage par candidat…
L’aspect « tout en un » ne pose foncièrement pas de problème technique, c’est juste compliqué à retenir pour certains candidats.

Par ailleurs, je salue nombre d’évolutions mises en place en 2013 et en 2020 :

  • l’exercice d’arrêt et de démarrage avec guidon braqué est tout à fait utile,
  • l’exercice d’évitement est implémenté de façon bien plus sûre qu’avant,
  • le chronométrage du parcours lent est une bonne idée,
  • tout comme l’abandon du chronométrage sur le rapide au profit de la mesure de vitesse par radar…

Je n’ai jamais été convaincu par l’intérêt de pratiquer un freinage « d’urgence » juste après un évitement : si on a su éviter un danger, pourquoi devoir s’arrêter juste après ? Cet exercice était à la fois irréaliste et dangereux car beaucoup d’élèves chutaient en voulant freiner trop tôt, alors qu’ils étaient encore dans l’évitement. Cet exercice jouait beaucoup dans la « peur du frein avant » qui a gêné des générations de motards français.

Il ne s’agit pas du tout pour moi de demander un retour en arrière !
Cet article se veut une critique constructive afin de peaufiner ce parcours, de l’améliorer à la marge, sur certains points précis.

Ces parcours devaient faire l’objet d’une évaluation avec « clause de revoyure » au bout de deux ans, soit en mars 2022.
Problème, à cause de la crise Covid-19 et des mesures sanitaires mises en place de 2020 à 2022 inclus (avec notamment l’interdiction d’emmener un passager), cette évaluation n’a pas pu être menée à bien.
Résultat, des parcours corrects mais perfectibles.
Quatre ans après la mise en place de ces nouveaux parcours, peut-être serait-il enfin temps de procéder à une évaluation de leur efficacité…

En quoi le parcours est-il compliqué ?

Le parcours de l’examen hors circulation du permis moto français est exceptionnellement compliqué par rapport à l’ensemble des parcours imposés pour le même type d’épreuves dans les autres pays d’Europe de l’ouest.

Pourquoi ?
Un simple dessin vaut mieux qu’un long discours…

Voilà voilà…
Je défie quiconque de pouvoir apprendre ces parcours sans aucune erreur en moins de dix minutes.
Même mes élèves qui savent déjà faire de la moto, avec un bon niveau de maîtrise technique, ont besoin de 4 à 6 heures de cours pour apprendre ces deux parcours par coeur : est-ce normal pour une épreuve d’admissibilité technique ??

Cela dit, avec quelques dizaines de répétitions, ces parcours s’apprennent assez facilement par coeur. Mais disons que ce n’est pas intuitif. Cette complexité pénalise les candidats qui présentent des difficultés cognitives et/ou mémorielles.

Là où les autres pays européens demandent d’enchaîner entre cinq et huit exercices qui se suivent l’un après l’autre au long d’un parcours bien séquencé, les parcours français enchaînent six exercices séparés par trois demi-tours, en mélangeant les exercices à allure lente et ceux à allure rapide, avec des allers-retours constants le long de la piste qui conserve les mêmes dimensions que la version 2013.
Pour en savoir plus

Les concepteurs de ces parcours avaient en effet à coeur de proposer une nouvelle organisation des exercices, mais en conservant les pistes existantes depuis 2013, pour ne pas bouleverser les conditions de travail des centres d’examen et des écoles de conduite.
Il fallait se cantonner à des changements de marquage au sol, mais pas plus !

Je détaille maintenant les vraies difficultés présentes dans ces parcours.

Pourquoi deux parcours ?

La France est (à ma connaissance) le seul pays en Europe avec DEUX parcours possibles pour l’examen plateau.

Non seulement les élèves doivent apprendre par coeur deux parcours différents (au lieu d’un seul partout ailleurs), mais ces deux parcours se ressemblent beaucoup puisqu’ils sont symétriques « en miroir ».
Avec le stress de l’examen, cela induit de fréquentes erreurs de parcours, immédiatement sanctionnées par une notation C, éliminatoire.
Une part non négligeable de candidats se trouve ainsi ajournée (et encombre les centres d’examen), non pas par manque de maîtrise technique, mais seulement à cause d’un déficit cognitif, causé surtout par le stress.

Si ces deux parcours étaient vraiment différents, avec des exercices différents (comme c’était le cas dans la période 1980-2013), cela pourrait se comprendre : les élèves d’alors devaient apprendre tous les exercices, mais n’en passaient qu’une partie à l’examen.

Le principal argument des concepteurs de ces parcours est que les apprentis motards doivent démontrer leur capacité à exécuter l’ensemble des exercices demandés dans les deux sens, à cause de la latéralisation psycho-motrice.
Pour en savoir plus

On peut déjà leur rétorquer dans la vraie vie, chacun a bien le droit de choisir entre un demi-tour vers la gauche ou vers la droite selon sa préférence…
Mais surtout, cet argument ne tient pas selon moi.
En effet :

  • l’exercice de maniement à basse vitesse est composé d’un « S », avec donc un virage à gauche et un autre à droite ;
  • l’exercice de freinage se pratique en ligne droite, la latéralité cérébrale n’y joue aucun rôle ;
  • l’exercice d’évitement requiert avant tout la compréhension et l’application d’une technique d’inclinaison qui ne change pas selon le côté ;
  • le slalom à allure rapide comprend deux changements d’inclinaison de chaque côté ;
  • l’exercice qui implique le plus de différence de latéralité est le demi-tour, or le parcours implique forcément un demi-tour dans chaque sens en bout de piste et un autre dans chaque sens à basse vitesse (dont un avec passager).

La présence de deux parcours à apprendre amène une complexité cognitive inutile qui n’est justifiée par aucun bénéfice technique.
Nous pourrions tout à fait atteindre le même niveau de maîtrise technique avec un seul de ces deux parcours.
Exemple :

Pourquoi un tel niveau d’exigence « scolaire » ?

Non seulement les concepteurs de ce nouvel examen ont tenu à imposer deux parcours possibles, mais ils ont également voulu conserver une tradition bien établie depuis des décennies en France : l’ajournement sur erreur de parcours.

Dans les instructions officielles de 2020, il est parfaitement stipulé que : « le candidat doit obligatoirement effectuer le parcours retenu, aucune erreur n’étant admise. »

L’erreur de parcours qui entraîne une note éliminatoire est apparue avec la réforme de 1980 et les nombreux parcours possibles (rappel, entre 3 et 4 parcours par exercice !).
Elle semblait alors justifiée puisque les candidats ne devaient pas se tromper entre les différents parcours possibles sur un même exercice. Ne pas sanctionner une erreur de parcours aurait enlevé tout fondement à l’existence de ces différents parcours.

Mais là, on arrive au paroxysme du culte du bachotage par coeur sans aucun fondement technique !!

Observez bien le tracé des parcours à suivre.
Ceux proposés en début d’article ne sont pas à l’échelle.
On se rend (un peu) mieux compte sur cette représentation en hauteur.
Notez bien la mention « échelle indicative » en bas à gauche…

Premier exemple

L’exercice d’allure lente sans passager comprend deux parties, l’une chronométrée et l’autre non. Dans cette seconde partie, le candidat doit rester sur le premier rapport de boîte pour :

  • sortir du parcours chronométré par une porte de plots,
  • traverser la piste en diagonale pour contourner le « mur » d’évitement,
  • passer dans le couloir d’évitement
  • traverser de nouveau la piste en diagonale pour se présenter au point 4.

Pourquoi traverser deux fois la piste dans sa largeur ?
Il n’y a aucun intérêt technique, aucune difficulté particulière, à passer par le couloir d’évitement.
L’apprenti-motard pourrait tout à fait poursuivre sa route tout droit en sortant du parcours lent et aller directement au point 4.
Techniquement, cela ne changerait absolument rien.

Deuxième exemple

Non seulement le candidat doit (inutilement) traverser deux fois la piste, mais en plus, il doit absolument passer par un point précis : en sortant du couloir d’évitement, il doit passer – selon le parcours tiré au sort – soit à droite, soit à gauche du premier plot du slalom (situé entre la ligne C6 et le point 4).

Je réexplique pour bien souligner la stupidité de la chose : sur une distance d’environ 20 mètres à parcourir à basse vitesse (sur le premier rapport de boîte), le candidat doit impérativement passer d’un certain côté du plot, et surtout pas de l’autre, sous peine d’ajournement.

Pourquoi imposer un côté de passage sur ce plot de 20 cm de largeur ?
Qu’est-ce cela changerait techniquement de le contourner par la gauche au lieu de la droite et vice-versa ? Il n’y a là AUCUN enjeu de maîtrise technique ! C’est purement scolaire, une complication inutile pour créer de la difficulté et une possibilité supplémentaire d’ajournement sans aucune utilité technique.

Je souligne d’ailleurs que ce point ne fait l’objet d’aucune mention dans les « instructions fixant les modalités d’évaluation de l’épreuve pratique de l’examen du permis de conduire des catégories A1 et A2 », publiées par la sous-direction de l’Éducation Routière et du permis de conduire en mars 2020.
En page 20, ce guide de l’examinateur stipule simplement que le candidat doit « démarrer ; effectuer un ‘S’ en roulant au pas (sauf véhicule équipé d’une boite automatique) ; franchir le couloir d’évitement ; effectuer un arrêt de précision en courbe. »

Rien ne prévoit explicitement qu’il faille impérativement passer d’un côté ou de l’autre du plot en sortie du couloir d’évitement.
Mais comme le schéma représenté sur la fiche passe par là, tous les inspecteurs considèrent que ne pas respecter ce tracé constitue une erreur de parcours.

Troisième exemple

Après avoir redémarré au point 4 (marqué par un plot bleu) et exécuté un demi-tour sur la largeur de la piste, le candidat doit traverser la piste en diagonale pour rejoindre le premier demi-tour en bout de piste.
Pour « effectuer le parcours prévu sur la fiche » (explicitement mentionné dans les instructions officielles), cette traversée de piste doit impérativement s’effectuer AVANT les 3e et 4e plots du slalom.

Pour information, chaque plot du slalom est distant des autres de 17,50 mètres.
Et il y a 25 mètres entre le 4e plot du slalom et celui du demi-tour.

Sur une distance totale de 60 mètres à parcourir sur le rapport de boîte de son choix et sans condition de vitesse, qu’est-ce qu’on s’en fout de passer à droite ou à gauche de ces deux plots ?
Tant que le demi-tour en bout de piste est effectué correctement, dans le bon sens et dans les limites latérales imparties, qu’est-ce que ça changerait techniquement ?

Mais là aussi, il faut aveuglément suivre le parcours tracé sur le schéma. Si le candidat se trompe de côté, c’est l’erreur de parcours et l’ajournement – même si cela n’a aucun sens, aucun fondement technique !

Quatrième exemple

Il ne s’agit pas ici d’une erreur de parcours, mais d’un autre motif de notation éliminatoire : l’exercice non réalisé.

Après avoir effectué un demi-tour en bout de piste, le candidat revient en ligne droite et doit atteindre une vitesse de 50 km/ sur le troisième rapport de boîte avant d’effectuer un freinage à partir de la ligne C6.
Cet exercice, officiellement appelé « freinage d’urgence à une vitesse de 50 km/h sur une distance maîtrisée », fait l’objet d’une mention particulière dans les instructions d’examen :

Anticipation du freinage d’urgence : la notation C n’est appliquée que lorsque le freinage d’urgence est déclenché sans ambiguïté possible avant la ligne C6. En effet, il ne saurait être reproché au candidat (la vitesse de retour étant de 50 km/h pour un repère [ligne C6] mesurant 10 cm de large) une anticipation de quelques centimètres.

Ce qui semble une forme de « tolérance » cache en fait une exigence très précise : l’action de freinage ne doit en aucun cas être déclenchée avant le passage de la ligne de pointillés. Certains inspecteurs exigent même que les doigts ne soient pas posés sur le levier de frein avant cette ligne.
Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un freinage « d’urgence », censé rester imprévu, non anticipé.
Sauf que c’est totalement ridicule, artificiel, scolaire !

Evidemment que ce freinage est mentalement anticipé…
Il ne prend d’ailleurs en compte aucun temps de réaction. Le candidat est parfaitement informé qu’il va devoir freiner fort, en ligne droite, sur un sol plat et un revêtement en bon état, avec un freinage à partir d’un point précis et une distance d’arrêt imposée de 15 mètres en arrivant à 50 km/h.

Il s’agit d’un exercice de freinage appuyé en ligne droite, pas du tout d’un freinage d’urgence.
L’exigence de ne pas freiner avant la ligne C6, de ne même pas préparer le freinage, s’avère d’autant plus hypocrite que la décélération est elle autorisée. Si le candidat voit qu’il arrive « trop vite » (notion subjective), il a le droit de lâcher l’accélérateur en approche de la ligne C6. Ce qui équivaut à préparer le freinage…

J’y vois deux problèmes :

  1. Certains candidats peuvent se voir pénalisés et même ajournés pour avoir posé les doigts sur le levier de frein juste avant la ligne C6 ou avoir déclenché un freinage un tout petit peu trop tôt au goût d’un inspecteur spécialement tatillon sur ce point ;
  2. La dénomination officielle de cet exercice peut donner l’impression aux candidats reçus qu’ils savent effectuer et maîtriser un « freinage d’urgence », alors qu’ils n’ont appris qu’à freiner relativement fort dans un cadre totalement sécurisé et anticipé.

Une solution simple au premier point serait d’appliquer une notation B en cas d’anticipation du freinage.
Ce serait d’autant plus fondé que le non-respect de la vitesse minimale imposée de 50 km/h reste lui sanctionné de la note C, quoi qu’il arrive. Si le candidat freine vraiment fort avant la ligne, il la passera de toute manière à moins de 50 km/h.

Quant au second point, il suffirait de ne plus qualifier cet exercice de « freinage d’urgence », mais juste de « freinage ».

Pourquoi un tel niveau d’exigence technique ?

Le parcours d’examen plateau français se distingue de tous ceux imposés dans les autres pays européens par :

  • sa complexité (deux parcours au lieu d’un, extrêmement compliqués à retenir)
  • une exigence de précision de parcours inutile et injustifiée
  • une exigence technique inutile

Je détaille ce dernier point.

Premier exemple : l’escargot

Il s’agit là encore d’une application « bête et méchante » du tracé illustré sur les fiches officielles remises aux inspecteurs, qui ne sont pas à l’échelle (les fiches, pas les inspecteurs !).
Il me faut par ailleurs reconnaître que certains de mes confrères formateurs sont ici au moins autant responsables que les inspecteurs.

Sur le schéma de la fiche, on voit ceci :

Sur cette image, les plots du slalom apparaissent très proches les uns des autres.
Du coup, on a l’impression qu’il faut redémarrer du plot bleu (le point 4) en tournant à 90 degrés, puis effectuer tout de suite un demi-tour complet, soit une spirale à 270 degrés, d’où le surnom de cette manoeuvre, « l’escargot ».

Beaucoup d’élèves ne comprennent pas l’utilité de cet exercice et en dénoncent la complexité excessive.
Et en effet, dans la vraie vie, personne n’irait démarrer en tournant serré à gauche (par exemple), puis virer à 180 degrés à gauche ! Il serait bien plus simple et rapide de démarrer en tournant directement à droite.

En réalité, les instructions officielles prévoient simplement que le demi-tour doit être effectué avant le premier cône de slalom… soit à 18 mètres du plot bleu !
Cela laisse amplement la place au candidat, après le démarrage en courbe, de redresser le guidon et d’aller chercher le bord extérieur de la piste afin de bénéficier de toute la largeur de piste pour un demi-tour.
Le problème est que ce n’est pas écrit clairement, explicitement…

A l’examen, les inspecteurs ne sanctionnent pourtant pas le fait de redresser la moto après le démarrage en courbe au point 4. Ils considèrent que les formateurs sont libres d’enseigner ce qu’ils veulent, tant que les instructions officielles sont respectées. Ce sont bien les formateurs qui se croient obligés d’apprendre à leurs élèves cette manoeuvre compliquée de l’escargot, la plupart du temps par méconnaissance des consignes d’examen.
Là encore, nous payons les conséquences d’un parcours inutilement compliqué, peu clair et mal expliqué.

Ces deux manoeuvres (le démarrage guidon braqué et le demi-tour à basse vitesse) constituent en fait deux exercices séparés, distincts, et non un seul et même exercice compliqué à maîtriser pour des débutants.
Les effectuer en trois temps (démarrage guidon braqué, redressement de la moto, demi-tour) s’avère à la fois plus simple à réaliser et surtout plus réaliste par rapport aux situations potentiellement rencontrées dans la vraie vie : un démarrage serré avec guidon braqué d’une part et un demi-tour serré à basse vitesse en solo d’autre part.

Deuxième exemple : le parcours lent

Que ce soit clair, je suis le premier défenseur de l’importance de savoir maîtriser sa moto à basse vitesse, quand l’effet gyroscopique des roues est insuffisant à assurer la stabilité de la machine.

D’ailleurs, tous les pays européens prévoient au moins un exercice de maîtrise à basse vitesse dans leurs examens moto hors circulation.
Mais dans les autres pays francophones d’Europe, la maîtrise de l’équilibre à basse vitesse passe par un exercice en ligne droite à l’allure dite « au pas » (environ 5 km/h) en conservant les pieds sur les repose-pieds de la moto :

  • en Suisse, il s’agit de suivre un couloir rectiligne large de 1,2 m et long de 12 mètres, à parcourir en 15 secondes minimum ;
  • en Belgique, il s’agit de suivre un couloir rectiligne long de 10 mètres, à parcourir en 12 secondes minimum ;
  • au Luxembourg, deux exercices sont consacrés à la maîtrise à basse vitesse,
    • effectuer un slalom à allure lente en contournant 7 cônes placés en ligne droite, distants de 3,3 mètres les uns des autres ;
    • passer au pas dans un couloir rectiligne large de 1,2 m et long de 12 mètres.

Le permis moto français est le seul à imposer de parcourir un tracé incurvé, comprenant trois virages, en passant non pas entre des cônes distants de 1,2 mètre, mais entre des piquets métalliques d’une hauteur de 1 mètre qu’il est impératif de ne pas déplacer (et de préférence, de ne même pas toucher).
Le problème n’est pas tant le temps imparti, mais bien la difficulté du parcours en elle-même.

Le candidat doit :

  • démarrer en ligne droite ;
  • effectuer un premier virage à 90 degrés vers une porte de piquets de 1,20 mètre de large située à une distance de 5 mètres, soit une diagonale de 5,80 mètres maximum ;
  • changer complètement de braquage pour effectuer un deuxième virage serré vers une seconde porte de piquet, située de l’autre côté de la piste, soit à moins de 6 mètres de distance latérale, avec une distance longitudinale de 4,50 mètres ;
  • changer de nouveau de braquage pour effectuer une ligne droite sur 3,90 mètres de long.

Pour parcourir une distance totale d’environ 17 mètres, le candidat doit mettre plus de 14 secondes pour recevoir la note B et plus de 16 secondes pour obtenir la note A.

Mise à jour : « La nouvelle formule de l’exercice à allure lente sans passager est bonne car elle impose de savoir utiliser l’embrayage […] Mais le temps imparti de 16 secondes est paradoxalement trop long et oblige presque à faire du sur place. Il faudrait le réduire à 14 secondes pour rester cohérent », affirme Lorenzo Lefebvre, vice-président de Mobilians-ESR (syndicat patronal des écoles de conduite), dans un article de La Tribune des Auto-Ecoles en avril 2024.

Le paroxysme de la difficulté technique réside dans le changement de braquage entre les deux portes de piquets.
En évoluant à très basse vitesse (pour respecter le temps minimal imparti), le candidat doit complètement changer le braquage de guidon pour effectuer un « S » sur une distance de moins de 5 mètres, et ce sans marquer d’arrêt avec pied au sol.
Il s’agit d’un exercice particulièrement difficile, surtout en conditions de stress à l’examen.
D’autant plus incompréhensible que je ne vois pas quelles conditions réelles il est censé refléter…
Dans quelles circonstances un motard doit-il passer d’un bord à l’autre d’une route (pas juste d’une voie de trois mètres, mais bien d’une route de six mètres de large) à très basse vitesse et sur une distance inférieure à cinq mètres ???

Je comprends tout à fait l’utilité de maîtriser une ligne droite et un virage serré à très basse vitesse.
Mais deux virages serrés et surtout enchaînés aussi près l’un de l’autre ?!? Avec en plus la difficulté de ne pas toucher les piquets ??

Sans perdre sur la compétence technique nécessaire pour assurer la sécurité de conduite de motards débutants et sans changer les temps impartis, plusieurs solutions simples pourraient être mises en place :

  • remplacer les piquets par des cônes, tout simplement ;
  • et/ou déplacer la porte de départ en la déportant dans l’axe longitudinal de la piste, en face de la première porte de piquets, afin de supprimer un des trois virages ;
  • ou remplacer la porte de départ par une simple ligne au sol, sans plots ;
  • et/ou décaler la 2e porte de piquets et la 2e porte de plots d’une distance de deux mètres vers la ligne C4, afin d’élargir le troisième virage.

Troisième exemple : le demi-tour avec passager

Sur le parcours de l’épreuve pratique hors circulation du permis moto français, les candidats doivent réaliser au total cinq demi-tours sans dépasser des limites latérales de la piste.
Parmi ces cinq demi-tours serrés à réaliser, deux se distinguent par leur complexité technique :

  • celui avec arrêt au milieu (avec arrêt et démarrage guidon braqué) ;
  • celui avec passager.

Ce dernier constitue un des exercices du parcours d’examen les plus difficiles à maîtriser pour des motards débutants.
Le candidat doit en effet réaliser un demi-tour, non seulement avec passager, non seulement sans sortir des limites latérales de la piste (soit six mètres de largeur), mais avec en plus l’impératif de passer à un endroit précis, soit entre deux plots distants de 1,20 mètre l’un de l’autre et placés au beau milieu du demi-tour.

Avec le passager en selle, le candidat doit réussir plusieurs phases :

  • démarrer sans caler ni chuter,
  • traverser la piste en diagonale,
  • passer dans une première porte de piquets,
  • passer dans une porte de plots,
  • passer dans une seconde porte de piquets,
  • s’arrêter dans une zone précise entre la seconde porte de piquets et la seconde porte de plots.

Par ailleurs, le demi-tour doit être maîtrisé dans les deux sens : le sens (de gauche à droite ou de droite à gauche) sera imposé par le parcours tiré au sort lors de l’examen.
Il est donc nécessaire de s’entraîner pour les deux sens, comme pour tous les exercices.

Encore une fois, je comprends tout à fait l’utilité (dans le cadre de l’évaluation des compétences d’un apprenti-motard) de démontrer sa capacité à maîtriser un demi-tour en duo, avec passager.
Que ce demi-tour doive s’effectuer à basse vitesse et sur une largeur maximale de six mètres ne me dérange pas en soi.
Mais pourquoi imposer le passage dans la porte de plots en plein milieu du demi-tour, ce qui ne laisse qu’une étroite bande de passage (de moins de 50 cm de large) pour ne pas risquer de toucher un des deux plots de la roue avant ou de la roue arrière ???

Techniquement parlant, tant que le demi-tour en duo est effectué en moins de six mètres, sans sortir des limites du terrain et sans perte d’équilibre, quelle importance de passer à tel ou tel endroit de la piste dans l’espace alloué à cette manoeuvre ?

En quoi cela démontre-t-il une maîtrise technique nécessaire à la conduite en sécurité d’une moto A1 ou A2 en conditions réelles ???
Encore une fois, c’est une complication purement scolaire, déconnectée de la réalité, inutilement compliquée pour des candidats déjà en état de stress élevé.

La France est le seul pays en Europe à imposer un exercice avec passager.
Dans tous les autres pays, l’examen hors circulation est intégralement réalisé en solo. Pour une raison bien simple : dans la plupart de ces pays, les motards débutants sont soumis à un permis provisoire et n’ont pas le droit de transporter un passager avant l’obtention de leur permis définitif.

Nous pourrions très bien nous passer de cet exercice.
Après tout, les examens des permis A1 et A2 français ont tous été réalisés sans passager entre mars 2020 et décembre 2022 inclus, à cause de mesures de restriction dans le cadre de la crise Covid-19.

Mise à jour : l’article dans la revue professionnelle La Tribune des Auto-Ecoles d’avril 2024 explique que « beaucoup de voix [parmi les formateurs moto] estiment qu’il faut conserver cet apprentissage avec passager dans la formation, sans pour autant l’inscrire à l’examen. Sauf que « tout ce qui n’est plus à l’examen passe souvent à la trappe en formation », observe un enseignant » – avis que je ne peux que partager.
Soit on supprime l’exercice avec passager de l’examen et de la formation initiale…
Soit on maintient un exercice avec passager, mais en le facilitant : même en conservant cet exercice de demi-tour avec passager, il serait facile de ne pas imposer le passage dans la porte de plots.

On pourrait par exemple imaginer que l’inspecteur (ou l’accompagnateur) enlève ces deux plots le temps du passage du candidat, puis les remette en place juste après.
Ou ces deux plots (qui servent de point de déclenchement du chronomètre au parcours lent) pourraient être remplacés par une ligne de peinture au sol, ce qui supprime toute manipulation en cours d’examen.

Quatrième exemple : l’évitement

Soyons clairs, je ne remets pas du tout en cause l’intérêt de l’exercice d’évitement !
Je ne conteste pas les dimensions du parcours et surtout pas la technique nécessaire pour réaliser et exercice.
Je comprends la vitesse imposée à l’entrée du couloir d’évitement de 50 km/h, afin d’obliger le candidat à utiliser la technique d’inclinaison par braquage inverse.
Je ne vois pas bien l’utilité d’imposer une allure d’arrivée sur le troisième rapport de boîte, tant les machines modernes sont parfaitement capables d’atteindre 50 km/h en 2e. Mais pourquoi pas ?

Plus encore, il pourrait être intéressant d’enseigner aux motards débutants à savoir pratiquer un évitement avec frein arrière. Dans la vraie vie, en cas de danger immédiat, on freine d’abord, toujours ! C’est seulement si la distance n’est pas suffisante pour s’arrêter qu’on évite l’obstacle. Cet évitement sera facilité par le fait de continuer à freiner de l’arrière, tout en relâchant le frein avant, bien sûr.
C’est un exercice utile et pertinent à maîtriser.

Conclusion

J’espère vous avoir convaincus que l’examen plateau du permis moto français est perfectible, inutilement compliqué et bien trop exigeant par rapport à la moyenne des autres pays européens.

Et dans le fond, pourquoi pas ?
Si c’est utile pour la sécurité routière des motards, la complexité technique pourrait même être plutôt une bonne chose.
Sauf que… non, en fait !

En France, les différents changements des modalités de l’examen hors circulation n’ont jamais entraîné de baisse de la mortalité routière des conducteurs de motos de plus de 125 cm3.
Les chiffres de mortalité routière des motos dont je dispose, qui vont de 1960 à 2016, ne démontrent pas de variation significative et surtout pas corrélée avec les réformes de 1973, 1980 et 2013.

En 2018, 4.176 usagers de deux-roues motorisés sont décédés sur les routes en Union Européenne (contre 4.409 en 2017, soit une baisse de 3%). Sur ce total, 96% des tués sont conducteurs, soit 4014 motards, contre seulement 4% de passagers (159 tués).

Si on regarde le taux de tués à moto par pays de l’UE en 2018, le classement pour un million d’habitants donne :

1. Grèce : 21 tués
2. Chypre : 19 tués
3. Malte : 18 tués
4. Luxembourg : 16 tués
5. Croatie : 15 tués
6. Portugal : 15 tués
7. Italie : 14 tués
8. Autriche : 13 tués
9. France : 12 tués
10. Espagne : 10 tués

Hormis l’exception luxembourgeoise (tout petit pays de moins de 700.000 habitants, où le moindre tué va fausser les stats) et autrichienne, tous ces pays appartiennent à l’Europe du Sud.
La France, avec cet examen plateau très difficile, recense plus de tués à moto par million d’habitants que la Suisse, la Belgique, l’Allemagne ou le Royaume-Uni…
Tous pays où l’examen plateau est pourtant bien moins difficile que chez nous.
Exiger artificiellement un haut niveau de maîtrise technique ne protège pas les motards !

L’Observatoire national interministériel de la sécurité routière de France (ONISR) pointe lui-même :

  • l’absence d’anticipation des motocyclistes,
  • leur trop grande confiance dans leurs capacités,
  • leur tendance à sous-estimer leur vulnérabilité.

Hmm… Cette trop grande confiance des motards dans leurs capacités ne pourrait-elle pas être liée à un examen plateau sur-valorisé (par rapport à l’examen sur route), aux exigences très élevées qui génèrent une sur-évaluation des capacités de maîtrise de la part des motards l’ayant réussi ?

En tant que formateur, comment puis-je expliquer à mes élèves que leur sécurité dépend avant tout de leur comportement, alors que l’administration de mon pays, la Direction de la sécurité routière, les inspecteurs du permis de conduire… leur font ressentir que le plus important pour obtenir leur permis moto n’est pas de savoir conduire en sécurité sur la route, mais de ne pas toucher des piquets, de bien penser à passer de ce côté d’un cône et pas de l’autre, de ne pas poser plus de trois fois le pied par terre pendant leur parcours d’examen ?
Vraiment, c’est ça la priorité pour conduire en sécurité ???

Quand est-ce que les « experts » de la DSR et leurs interlocuteurs professionnels (syndicats d’enseignants de conduite, représentants des exploitants d’écoles de conduite et des inspecteurs du permis de conduire) vont-ils réellement tenir compte, non pas de leurs intérêts catégoriels, mais des travaux scientifiques (nationaux et internationaux) sur les modalités d’apprentissage de la conduite moto en termes d’apport pour la sécurité routière ?

Mise à jour : « L’objectif de la réforme [de 2020, NDLR] était d’avoir un plateau moins technique pour consacrer plus de temps à la circulation. Il vaut mieux former de bons conducteurs, inutile d’en faire des pilotes ! Sur ce plan, le bilan est mitigé puisque l’accidentologie motarde ne baisse pas », expose Patrick Bessone, président de Mobilians-ESR (syndicat patronal de l’éducation routière), dans l’article de la revue professionnelle La Tribune des Auto-Ecoles.

21 thoughts on “Plateau moto : pourquoi si compliqué ?”
  1. Bonjour,
    J’ai 55 bientôt 56 ans, je roule en 125 depuis bientôt 3 ans environ 7000km au compteur. J’envisage de passer le A2, car je trouve que la 125 est dangereuse quand vous avez besoin d’accélérer franchement et prendre l’autoroute est impensable avec un si petit moteur… Bref, ce que vous indiquez sur le plateau me tétanise ! Je ne suis pas certain de pouvoir apprendre un parcours par coeur et de le réaliser parfaitement sous le coup du stress d’un examen. En plus c’est coûteux, je n’ai pas envie de devoir le passer x fois et que cela me ruine. Bref, je ne suis pas certain du tout de vouloir me lancer. Je vais plutôt m’orienter vers une électrique dont la puissance est supérieure et correspond à mes besoins. Vraiment dommage, car franchement j’aurais préféré une thermique.
    En tout cas merci pour cet article.

  2. Bjr , j’ai 53 ans et je viens de rater le plateau qui ressemble plus à un entraînement en vue d’un numéro de cirque !! Je trouve la notation très sévère au niveau du nombre de pied posés au sol (3) sur tout le parcours . Pour ma part celui-ci devrait être augmenté ( 3 sur le parcours lent ) qui est plus sécuritaire que d’essayé de ne pas en mettre dutout et risquer la chute ) et 3 autres sur tout le reste du parcours . Ensuite le chronométrage ( on se croirait à une compétition à celui qui va rester le plus longtemps dessus sans poser un pied ). Dans la réalité sur la route , je ne pense pas que je vais parier a aller le moins vite possible sans poser de pied . Ensuite la sortie du cadre , des 6 mètres. Sur la route si je peux prendre large au delà des 6 mètres pourquoi s’en priver et si c plus court , je m’arrête, je descend de la moto et je tourne à pied . Donc pour l’examen une voir 2 légère sortie du cadre autorisé. Le demi-tour avec passager y a du pour et du contre . C là où je me suis planté, la piste a un léger devers et je me suis fait une fixette dessus .( j’assume ma connerie et sorti légère du cadre. Pour le reste slalom et évitement effectivement la notion de vitesse est à repenser .
    Sur l’examen en lui même , il est sévère et sanction direct . Pas d’échauffement possible , que 2 essais dans un lieu que l’on ne connait pas et durée d’attente pour le repasser trop long . Le passer sur son propre plateau serait une bonne chose . L’examen ailleurs et raté, ne reflète pas dutout les séances d’entraînement sans faute enormement de fois sur son plateau . En 1 ,Le comportement sur la route qui est par contre plus important que le plateau .que je mettrais en 2 et plus souple. Bonne journée à tous .

  3. Bonjour, j’ai lu en entier votre texte, il est vraiment très représentatif de la réalité je suis motard en 125 depuis plusieurs mois et je vais passer mon permis A2 et votre discours confirme ce que je pense tout bas dans ma tête mais, il est vrai, cette épreuve plateau est inutilement difficile, elle ne reflète pas du tout la difficulté de la route, et ne nous prépare pas à affronter les dangers. Votre texte devrait être pris en considération à plus grande échelle.

  4. Bonjour

    Etant débutant dans ce monde de la moto, bien que ce plateau soit difficile à réussir je pense qu’il est nécessaire afin de mieux appréhender la route. Pour ce qui est des accidents beaucoup de travail reste a faire sur le comportement des motards et automobilistes. Les Français ne sont sensible qu’au portefeuille, donc les sanctions doivent êtres plus sévères.
    I

  5. Merci pour cet article qui rassure un peu.
    J’en suis à mon deuxième échec au plateau. Tout se passe bien aux entrainements, mon moniteur me dit que j’ai largement le niveau. Arrivée à l’examen, Ultra-concentrée je passe le lent sans pied parfaitement (18 sec), puis en sortant, trou noir, je ne sais plus le parcours. J’échoue.
    C’est très frustant et surtout cela me fait perdre confiance en moi, et ne fait qu’augmenter mon angoisse.
    Je pense que je ne suis pas la seule et du coup on pollue les centres d’examens déjà bien pleins. Ici (Haute-Savoie) c’est un mois d’attente pour repasser. De quoi mettre encore plus la pression.

    1. Pour être moniteur moto sur Annecy, nous vivons en ce moment une période particulière de transition entre deux centres d’examen.
      L’ancienne piste (à Epagny) n’est plus disponible à partir du 1er novembre et la nouvelle (à St-Martin-Bellevue) n’est pas encore terminée – à cause des intempéries, quelle surprise pour une fin octobre !
      Du coup, il n’y a aucun examen plateau programmé sur la première quinzaine de novembre 2023.
      Forcément, ça décale tout.
      En temps normal, il faut compter 10-15 jours pour repasser l’examen.

  6. Bonjour, j’ai réussi cette épreuve du plateau la semaine dernière.
    Effectivement c’est très très (trop) scolaire. Je dirais que c’est très français. On aime bien infantiliser les gens et les revoir prendre dès que c’est possible, la poste de l’élève. Bref j’ai l’impression qu’on préfère une tête bien pleine que bien faire. Avoir à apprendre par cœur deux parcours qui s’entremêlent, ça ne sert pas à grand chose. Et pendant qu’on passe des heures là dessus, on n’est pas en circulation.
    J’ai la quarantaine, je n’avais jamais posé mes fesses sur une moto, j’ai passé en tout 28 heures là dessus.
    J’ai réussi l’épreuve à la première présentation et au premier essaie. Chouette….. Ça me fait une belle jambe. Je vis dans les Hautes-Alpes, ici nous n’avons que des routes pleines de virages, plus ou moins sinueux… Des cols… Et des conditions hivernales bien sympa .
    Je n’ai fait que 4 heures de conduite, j’en ferai encore deux demain et mercredi matin j’ai l’examen de conduite… Autant dire que je flippe, les virages ça me fait peur et c’est pas près de changer. Je suis d’un naturel très prudent.
    Au final, j’espère avoir mon permis bien entendu mais je ne saurais pas vraiment piloter ma moto.
    J’aurais bien pris des heures de conduite mais mon moniteur est très pris par le temps et forcément, il est beaucoup moins rentable de faire conduire un ou deux bleus que d’avoir trois ou autres élèves sur plateau.
    Ça sent le stage de perfectionnement au plus vite… Je n’ai ni envie de finir paraplégique ou pire, au cimetière, et encore moins envie de mettre la vie d’autres personnes en danger.
    Je crois que le cœur du problème est là : la complexité du plateau est chronophage et les heures de conduites réduites à peau de chagrin alors qu’on devrait, je pense, mettre le paquet sur la circulation.

    1. Sans prétendre, du tout, du tout, être formateur moto, je suis néanmoins Gapençais et envisage à peu près correctement les virages… Une fois le permis en poche, n’hésite pas à faire signe si tu veux partager un petit roulage. Merde pour l’exam et peut-être à de ces jours.

      1. Tu te débrouilles très bien, Jean, ne te dévalorise pas… 😉
        J’allais te recommander à ce débutant, s’il ne vit pas trop loin de Gap.
        Rouler avec toi serait une excellente préparation à un cours de perfectionnement post-permis consacré aux virages.
        Ce dernier pourra se faire soit avec l’association Trajectoire Moto Sécurité 05, soit avec moi et Passion Moto Formation.

        1. Merci du compliment ! Toute occasion est bonne pour rouler, et je n’invente rien en disant que rien ne vaut l’expérience. Pour ce qu’il en est des virages, c’est bien dommage d’en avoir peur parce que c’est le sel de la moto !

          Et, avantage suprême, on peut y prendre énormément de plaisir en avoinnant (ce qu’il m’arrive de faire), comme en enroulant paisiblement. Motard solitaire par défaut, je partagerais la route avec plaisir pour faire oeuvre de « désensibilisation » .

  7. Merci pour vos réponses.
    Je pense m’être mal expliqué.
    Qu’il y ait une épreuve de maîtrise technique reproduisant des situations de conduite dans un espace sécurisé pour démontrer ses capacités à conduire, je le comprends et je l’admets car il s’agit alors de valider le Savoir-Faire du candidat.
    Que cela soit une épreuve d’admissibilité, je l’ai bien compris.
    Que les centres d’examen aient leurs spécificités, je le conçois.
    L’épreuve en circulation est à mon sens une épreuve servant à valider le Savoir-Etre du candidat donc son aptitude à utiliser les techniques apprises au Plateau en fonction des situations et de les adapter ( pour simplifier ).
    Ce que je reproche à cet examen d’admissibilité, dont je ne nie pas l’utilité, c’est d’imposer au candidat des techniques sur lesquelles on se base pour l’admettre à l’épreuve de circulation puis de ne plus se baser sur l’utilisation de ces mêmes techniques et de leur adaptation par le candidat en fonction des situations rencontrées. C’est en ça que je considère que le Plateau est hors-contexte. Sans parler de son côté chronovore et du fait que pour beaucoup il est devenu l’épreuve d’admission au permis.
    Je ne cherche pas du tout à aller à l’encontre de ce que tu dis, je suis même d’accord avec toi.
    Je souhaite juste à préciser mes dires.

  8. Bonjour,
    Article très intéressant et pertinent.
    Etant également formateur moto, je vous rejoins sur ces différents points notamment sur les sens de parcours et le 1/2 tour passager que je trouve plus dangereux qu’utile ( on est je pense sur un niveau ex mention 2 roues demandé à des débutants ). Résultats : de la crispation, des chutes plus ou moins brutales. Il y a 3 mois j’ai lourdement chuté sur la tête et le dos suite à une perte de contrôle de l’élève ( pour info : ce dernier n’en était pas du tout à son 1er demi-tour passager, il ne voulait surtout pas franchir la ligne blanche 1 semaine avant son examen ), direction urgence ( trauma crânien léger et lumbago ).
    Dans la réalité, rarissime sont les motards qui font des 1/2 tours sur 6m avec passager en passant à un point précis sans poser plusieurs pieds au sol au risque de tout faire basculer. Et la plupart n’auront jamais de passager.
    Comme vous, je pense qu’il serait souhaitable des ajustements quant à cette réforme 2020.
    Bien à vous,

    1. « Dans la réalité, rarissimes sont les motards qui font des 1/2 tours sur 6m avec passager en passant à un point précis sans poser plusieurs pieds au sol au risque de tout faire basculer ». Parfaitement d’accord, et pour compléter :
      1) mettre le pied au sol pour assurer le coup n’est pas un échec dans la vraie vie, mais une attitude raisonnable, et de plus en plus étant donné l’état des chaussées ;
      2) mettre le pied au sol est aussi une compétence utile (bon coup de talon pour rattraper un début de chute, perte d’adhérences dans les stations services, manoeuvre sans moteur qu’on fait très souvent assis sur la moto, parfois on n’a pas même le choix) ;
      3) la « stigmatisation » du pied à terre est anti-naturelle et contribue au stress qui parasite l’examen, avec des effets de bord comme votre accident (dont j’espère que vous êtes bien remis).

  9. Bonjour, comme indiqué plus haut j’ai passé mon A2 il y a un an. N’étant plus un jeune fou, et d’un tempérament prudent je ne me suis pas senti pilote une fois le permis en poche pourtant lorsque l’on commence à bien maîtriser le plateau il y aurait presque de quoi. Le principal problème je pense et que la difficulté technique du plateau il fait passer 80 % de notre temps de formation il serait plus raisonnable de passer 20 % sur de la technique et 80 sur l’apprentissage de la route. Merci en tout cas à Fab et au site qui ont fait partie des éléments déclencheurs de mon inscription au permis ✌️

    1. Le 80 / 20 est illusoire.
      Il faut se rappeler que certaines personnes commencent le permis A2 en n’ayant absolument aucune notion de la conduite moto, ni même aucune expérience en deux-roues motorisé, voire en deux-roues tout court.
      Une proportion de 50 / 50 constituerait déjà un énorme progrès…

  10. Salut,
    Intéressant de voir un formateur remettre en cause cet examen, j’approuve, même si mes raisons sont différentes.
    Personnellement je trouve ce Plateau inutile car décontextualisant les situations. Les candidats passent des heures à enchaîner des manoeuvres qu’ils sont souvent incapables de réaliser en circulation. Ou qui ne sont pas vérifiées en circulation donc en contexte.
    Le demi-tour pourrait par exemple être une manoeuvre à réaliser sur route ouverte, comme en voiture. Le contre-braquage pourrait être vérifié lors de la Trajectoire. Le démarrage roue braquée lors d’un départ à un Stop .
    Bref, si je comprends qu’il ne faille pas lancer sur la route des motards qui n’ont pas la technique, on en arrive malheureusement à ça à cause notamment du bachotage induit par cet examen.
    Soulignons enfin que nombre de formateurs ne sont techniquement pas à niveau ( il suffit de voir les stratégies développées pour le lent, le slalom et l’évitement ) ainsi que l’inaptitude technique de nombre d’inspecteurs à évaluer correctement les candidats.
    Un Plateau OUI mais qui réflète la circulation et soit ensuite validé sur route ouverte. Sinon il ne sert à rien.

    1. Bonjour Olivier, effectivement ayant passé mon A2 il y a un an c’est encore bien frais, il n’est pas évident de transcrire ce que l’on fait sur le plateau à la route une fois le permis en poche. Je me suis forcé en continuant à m’entraîner sur les parkings mais je pense qu’il serait plus profitable le pratiquant sur la route lors de l’apprentissage.
      Bonne continuation

    2. Je me permets de relativiser plusieurs points.
      Je ne remets pas en cause l’examen lui-même, mais seulement certains points précis du parcours, c’est très différent.
      Les règles des examens de conduite français prévoient que tous les candidats soient traités de la même façon, avec les mêmes exigences et les mêmes exercices.
      Or la variété des environnements selon les centres d’examen moto fait qu’il est difficile de demander aux candidats d’exécuter certaines manoeuvres : un centre d’examen en pleine ville ou dans une région de plaine ne permet pas toujours de conduire en virages.
      Réaliser un demi-tour sur la voie publique, au milieu du trafic, peut s’avérer dangereux.
      Un candidat qui rate un démarrage guidon braqué sur le plateau dépasse la ligne, mais ne se met pas en danger. La même manoeuvre ratée en circulation peut entraîner un accident.

      L’examen plateau est une épreuve d’admissibilité où le candidat doit démontrer sa capacité à réaliser en sécurité les manoeuvres de base qui lui seront utiles sur route.
      Chaque mot compte.
      Rien de moins, rien de plus.

    3. Je suis complètement d’accord avec tous ce qui ce dit . Cela fait 6 fois que je loupe mon plateau la cause le stress de l’examen alors qu’en cours j’arrive à tout sans problème….. j’ai demandé à mon moniteur de faire 2h de circulation car je n’en peux plus du plateau .

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