La moto de route n’est pas à proprement parler un « sport », mais elle n’en reste pas moins une activité physique. Bien pratiquée, elle peut apporter beaucoup de bienfaits pour la santé physique et mentale du motard. Mal pratiquée, elle peut aussi lui nuire.

Première publication en avril 2020.

Tous mes remerciements à :

  • Alain Goldsac, pour l’idée de l’article et ses apports ;
  • Dr Adel Bouraghda, Dr David Popesco, Dr Philippe Roche et Dr Stéphane Vervoux, pour leurs contributions.

Lire la première partie de l’article, sur les bienfaits de la moto sur la santé.
Lire la deuxième partie de l’article, sur les risques de la moto sur la santé.

Cette troisième partie concerne spécifiquement certains risques physiques pour la santé liés à l’environnement, à certaines conditions extérieures et à certaines pathologies.

Bien évidemment, la liste aurait pu être bien plus longue, voire interminable, tant les cas particuliers et maladies rares sont nombreux. Nous avons dû nous limiter aux risques les plus communs.

La fatigue

La fatigue et surtout ses conséquences (hypovigilance, assoupissement) constitue certainement la pire ennemie du motard.
Il s’agit du risque physique le plus répandu et d’un danger évident pour la santé.

La fatigue est augmentée par les facteurs environnementaux : le bruit et l’inconfort de la moto et/ou de son équipement (voir cet article), le type de route (lire Circuler sur voies rapides), mais aussi la forte chaleur ou le grand froid.
Voir plus bas.

La prévention la plus évidente consiste à bien dormir avant un long trajet, à ne pas se trouver en « dette de sommeil », sachant que nous ne sommes pas tous égaux devant le sommeil.

Les besoins en sommeil varient en fonction de l’âge et baissent à mesure que l’on vieillit.
Mais à l’intérieur d’une même fourchette d’âge, les besoins peuvent varier du simple au double selon les individus, leur condition physique, leur alimentation, leur qualité de sommeil, leurs conditions de sommeil…
Chaque cas est particulier et il est important de faire attention à vos besoins.

En cours de trajet, il faut se ménager des pauses de 5 à 30 minutes à intervalles réguliers.
Ces intervalles de temps de conduite peuvent varier selon son expérience, son endurance et la difficulté du trajet.
Autant un débutant devra s’arrêter toutes les heures pour souffler, autant un vieux briscard, bien protégé sur une moto confortable qu’il connaît bien et sur un trajet facile (autoroute ou voie rapide), peut rouler trois ou quatre heures d’affilée sans ressentir de fatigue excessive.

Pendant ces pauses, la pratique d’exercices de relaxation musculaire et mentale est recommandée, que ce soit avec de la sophrologie, du qi gong, du yoga, du tai chi…

L’alimentation et l’hydratation (encore une fois !) jouent un grand rôle dans la prévention de la fatigue au guidon.
Avant et pendant un long trajet, il faut privilégier des repas légers (trois à quatre fois par jour), avec pas ou peu de sucres rapides, avec pas ou peu de sucres fermentescibles (appelés FODMAPs).
Et bien sûr, sans AUCUN alcool !

Pour bien digérer et éviter les digestions lourdes qui mobilisent une grande partie du flux sanguin au détriment de l’irrigation du cerveau, il faut bien sûr manger léger, mais aussi éviter de porter une ceinture trop serrée, de se sentir engoncé dans son équipement au niveau du ventre.

En cas de « coup de barre », il est possible d’avoir recours à des « excitants », mais en gardant à l’esprit que leur effet restera toujours ponctuel (quelques minutes ou quelques heures au plus).

Pour diminuer temporairement la somnolence et augmenter l’attention, le stimulant légal le plus couramment utilisé reste la caféine, sous forme de café (plus ou moins court / serré), de thé ou de boisson dite « énergisante » (éventuellement combinée avec de la taurine)

La caféine peut aider à garder les yeux ouverts pendant un temps, variable selon votre sensibilité à ce stimulant psychotrope.
La consommation de caféine n’élimine pas le besoin de dormir, elle ne fait que diminuer temporairement la sensation d’être fatigué : ses premiers effets se font sentir moins d’une heure après l’ingestion et disparaissent au bout de trois ou quatre heures.

Attention, elle entraîne des effets secondaires !
A court terme, elle est diurétique et vous obligera à une nouvelle pause pour aller uriner. Elle est vivement déconseillée en cas d’incontinence.
A moyen terme, elle crée rapidement une accoutumance si on en consomme régulièrement (plusieurs fois par jour).
A long terme, elle peut entraîner de nombreux effets indésirables.

A haute dose, elle est toxique pour l’être humain, voire mortelle.
Il est recommandé de ne pas dépasser une consommation quotidienne de caféine (toutes sources) de 600 mg/jour, ce qui équivaut à environ six tasses de café ou deux à trois litres de thé par jour.

Pour vous redonner un « coup de fouet » très ponctuel et sans effets secondaires, il est préférable de respirer de l’huile essentielle chémotypée de menthe poivrée (quelques gouttes sur un linge propre).
On peut aussi en appliquer une goutte (diluée dans un peu d’huile végétale vierge) sur le front et les tempes.
Ne pas appliquer sur la peau avant une exposition solaire. Ne pas utiliser pure sur la peau.

Pour en savoir plus sur ces différents points, lire Rouler au mieux de sa forme.

La forte chaleur

Beaucoup croient que rouler à moto est forcément agréable quand il fait très chaud… Grossière erreur !

Pour en savoir plus, lire La conduite à tenir par forte chaleur.

Cas particulier : en cas d’insuffisance veineuse et par forte chaleur, le port de chaussettes de contention classe 2 est fortement recommandé.
L’insuffisance veineuse est une pathologie très répandue dans la population générale, même si on n’en connaît pas exactement la prévalence.

Le grand froid

« Le froid vivifie, la chaleur tue », disait un de mes instructeurs. Mouais…
A partir d’un certain point, le froid tue aussi ou peut au moins se révéler franchement gênant, voire dangereux.

Pour en savoir plus, lire Les troubles de santé liés au froid.

La pollution

Un véritable « ennemi invisible »…
La pollution atmosphérique nous tue lentement, de façon insensible. Nous cherchons à la fuir, mais les motards qui circulent au quotidien dans les grandes agglomérations y sont forcément exposés.
Les personnes sensibles (asthmatiques, insuffisants respiratoires, allergiques) sont les premiers à ressentir ses effets et se trouvent parfois obligés de limiter leurs déplacements au guidon.

Tout le monde ressent les méfaits de l’ozone, ce gaz agressif pour les muqueuses oculaires et respiratoires (picotements et irritation des yeux, gêne respiratoire).
La concentration de ce poison est maximale en milieu de journée et dans les endroits confinés (tunnels).

L’utilisation d’un masque respiratoire léger ne prémunit que contre les particules les plus lourdes, de toute façon stoppées par les muqueuses des voies respiratoires et nasales.

Ce type de protection reste utile : en évitant un encrassement excessif des muqueuses, il réduit l’effort de respiration et la quantité totale de particules absorbées.
Préférez les masques de type médical, souples et enveloppants, aux modèles semi-rigides, moins performants.

Pour en savoir plus, lire Le deux-roues, polluant ou pas ?

Les piqûres d’insectes

Un grand classique du printemps et de l’été !

En roulant (surtout en campagne) et même s’il fait chaud, il faut garder la visière fermée, ou au moins en partie abaissée pour laisser juste un filet d’air.
Si vous tenez à rouler avec le casque ouvert, il faudra remonter la bulle (si c’est possible) et/ou porter des lunettes.
Des protège-mains peuvent limiter les entrées par les manches.
Et surtout, vraiment, portez toujours un tour de cou, même léger, pour éviter les piqûres au niveau de la gorge.

Si jamais vous vous faites piquer…
Le venin des hyménoptères est thermolabile, c’est-à-dire que la chaleur inactive sa toxicité.
On peut facilement inhiber la réaction locale et générale par un moyen très simple, en l’exposant le point de piqûre à une forte chaleur localisée.
Chez les fumeurs, il suffit d’allumer une cigarette et d’en approcher le bout incandescent du point de piqûre tout en tirant dessus. Les autres peuvent approcher la flamme d’un briquet. Le soulagement est immédiat et les effets généraux n’ont pas le temps de se produire.
Attention, il ne s’agit pas d’écraser la cigarette sur sa peau (vécu) !

Les sujets allergiques aux hyménoptères auront une réaction allergique grave, en plus des effets toxiques.
Ils doivent toujours emporter avec eux une trousse d’urgence contenant un antihistaminique, une seringue d’adrénaline et un corticoïde (cortisone pour le grand public).
Normalement, on a déjà dû le leur recommander…

Si une piqûre sur un membre génère un œdème (gonflement) qui dépasse une, voire deux articulations, ou entraîne une réaction générale, la prochaine risque d’être une urgence vitale : consulter avant.

Les piqûres au visage ou dans le pharynx (la gorge), les piqûres multiples sont problématiques.

En cas de malaise, mieux vaut faire le 112 ou le 15, il peut s’agir d’une urgence vitale !

En cas de piqûre à la main, ôtez vos bagues et autres bijoux, dès que vous le pouvez, avant que ça enfle.

En cas de piqûre d’abeille
Contrairement aux guêpes et frelons qui possèdent un aiguillon lisse leur permettant de piquer plusieurs fois, les abeilles ont la particularité d’avoir un aiguillon dentelé qui ne peut ressortir de la peau après la piqûre.
Elles ne piquent donc qu’une seule fois, laissant dans la peau leur dard
et leur glande à venin, puis meurent.
Du coup, le venin continue d’être injecté pendant plusieurs minutes après la piqûre.

Quelques conseils :

  • Retirez, le plus rapidement possible et avec précaution, le dard de l’abeille, par grattage avec l’ongle ou avec le bord non tranchant d’un couteau (en glissant parallèlement à la surface de la peau) ou d’une carte bancaire.
  • N’utilisez pas de pince à épiler : la glande à venin comprimée pourrait éclater et libérer encore plus de venin dans la plaie.
  • Désinfectez minutieusement.

Dans tous les cas de piqûre (de guêpe, abeille, frelon ou bourdon), même en cas de piqûre sans gravité, essayer d’identifier l’insecte en cause.
Désinfecter la piqûre avec de l’eau et du savon, puis appliquer une solution antiseptique.
Si possible, appliquer sur la zone piquée de la glace (enveloppée dans un tissu pour ne pas brûler la peau).

Après une piqûre, cessez toute activité physique et restez tranquille pendant 30 minutes, de préférence assis ou allongé (pour ne pas tomber de haut en cas de malaise).
Les symptômes doivent s’atténuer progressivement.
En l’absence d’aggravation, reprenez la route.

En cas de gêne (de type démangeaison avec rougeur) dans les 24 heures, même sans terrain allergique, vous pouvez appliquer une pommade antihistaminique à condition que l’aiguillon ou le dard ait été retiré
et que la piqûre ait été correctement désinfectée.

Consultez si la zone piquée reste rouge, enflée et douloureuse après 24 heures.
S’il s’agit d’une infection au point de piqûre, le médecin la traitera.
Si les démangeaisons sont importantes, il pourra vous prescrire des antihistaminiques par voie orale pendant quelques jours pour vous soulager.

Le diabète

Le diabète et ses traitements peuvent affecter la capacité de conduire, plus encore à moto.

Un diabète déséquilibré pourra être à l’origine de malaises.
Les complications chroniques du diabète – telles que rétinopathies, atteintes vasculaires, cérébrales, coronariennes – peuvent rendre la conduite plus dangereuse.

Les traitements hypoglycémiants oraux, ainsi que l’insuline, peuvent parfois entraîner des altérations transitoires de la conscience.
Les médicaments prescrits pour traiter un diabète peuvent interagir avec d’autres classes de médicaments et augmenter le risque de malaise ou de coma hypoglycémique, donc le risque d’accident.

L’alcool augmente le risque de malaise ou de coma que présentent potentiellement tous les médicaments antidiabétiques.

Pour un conducteur diabétique de type 1, il est essentiel de :

  1. faire un contrôle de glycémie avant de partir (puis, au besoin, toutes les deux heures), donc de conserver à portée de main un lecteur de glycémie ;
  2. d’éviter de conduire si l’on pressent des symptômes d’hypoglycémie ;
  3. de toujours conserver à portée de main une collation, du sucre (friandise, boisson…) ;
  4. et de s’arrêter au moindre doute pour procéder à un contrôle glycémique et se « resucrer ».

Le risque d’hypoglycémie est d’autant plus important avec le diabète 1 à moto que l’exercice musculaire augmente les effets de l’insuline.

Les médicaments

De très nombreux traitements médicamenteux peuvent entraîner des effets secondaires indésirables, dont certains gênants ou dangereux pour la conduite moto.
Il est impossible de tous les lister.
Nous avons retenu les plus courants.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Ces médicaments, très répandus (ibuprofène, kétoprofène), sont souvent utilisés en auto-médication contre la douleur car plus efficaces que le paracétamol.
Mais ils présentent plus d’effets secondaires, surtout en cas de déshydratation et de prise prolongée.
Ils sont potentiellement néphrotoxiques (dangereux pour les reins), en particulier en cas de mauvaise hydratation.
Or la déshydratation est l’état pathologique le plus facile à reproduire quand on pratique la moto.
Ils présentent aussi de nombreux risques d’interactions médicamenteuses, en particulier avec certains anticoagulants ou certains antihypertenseurs : IEC (inhibiteurs de l’enzyme de conversion), ARA2 (sartans).
Une prise ponctuelle d’AINS sur 24 à 48h est envisageable, mais la prise chronique et non surveillée médicalement est à bannir.

Les antiagrégeants plaquettaires
Ces médicaments de la maladie artérielle comme la maladie coronaire, notamment l’aspirine (Kardegic, Aspégic, Plavix), peuvent augmenter le risque d’hémorragie en cas de traumatisme important, pouvant mettre en jeu le pronostic vital.

Les anticoagulants
Ces médicaments de la maladie rythmique et du risque artériel et valvulaire sont prescrits chez les personnes à risque thrombo-embolique. Ils fluidifient le sang ou le rendent moins coagulable, notamment les antivitamines K (AVK) et les nouveaux anticoagulants oraux (NACO).
Ils présentent un risque hémorragique majeur, en particulier cérébral, en cas d’accident.
La prise de risque est majeure et doit alerter les motards soumis à ces traitements. Certains médecins considèrent qu’il s’agit là d’une contre-indication à la pratique moto.

Les coliques néphrétiques

Les sujets à risque peuvent souffrir de coliques néphrétiques à moto, plus particulièrement lors de trajets avec beaucoup de secousses sur de longues distances.

La meilleure prévention consiste en une hydratation abondante : au moins deux litres d’eau par jour, voire plus en cas de transpiration. On s’arrête plus souvent pour vider la vessie, mais c’est bon signe !
Pour en savoir plus, lire La conduite à tenir par forte chaleur.

En cas de crise, ne pas tenter de finir son trajet !
Poser la moto et trouver la position antalgique (qui fait le moins mal). Demander de l’aide pour se rendre aux urgences de l’hôpital le plus proche.
Ne plus boire : cela aggraverait la tension du bassinet.

La crise hémorroïdaire

Toujours dans la même région du corps, parfois mise à mal par la position assise prolongée avec vibrations, par une selle inconfortable (trop molle ou trop dure), la transpiration qui peut créer des irritations…
Pour les sujets déjà à risque, avec des troubles de la circulation sanguine, plus spécialement l’été avec le risque d’un manque d’hydratation…
la crise hémorroïdaire peut survenir pendant ou après un trajet à moto.

La meilleure prévention reste une hygiène alimentaire adaptée.
Améliorer le confort de la selle aidera également.
Pour en savoir plus, lire Rouler sur long trajet.

2 thoughts on “Moto et santé : la prévention des risques spécifiques”
  1. Très, très bon article.
    Je voudrais simplement rajouter que, dans le cas des personnes qui sont sous traitement anticoagulant, que ce soit les AVK ou les NACO, ils devraient impérativement porter sur eux la carte qui en théorie doit se trouver dans chaque boîte de ce type de médicament, de manière à ce que les services de secours puissent optimiser leur intervention. Je crois même avoir vu des autocollants, que l’on doit trouver à la vente, que l’on appose sur le casque (ou sur le pare-brise de la voiture) disant qu’on est sous anticoagulant. Il faut ne pas prendre ce risque à la légère, ce peut être une urgence vitale.

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