Le phénomène de guidonnage, souvent mal compris, effraie nombre de motards qui ne savent pas toujours comment le prévenir et encore moins comment réagir au cas où ça leur arriverait. Explications et conseils sur les symptômes du guidonnage, ses causes, les erreurs à éviter et les bons comportements à adopter.

Publication en mars 2024

Résumé

Explications et conseils pour identifier, empêcher et rattraper un guidonnage sur la route à moto.
Cet article ne concerne pas le pilotage de vitesse sur circuit.

Introduction

Le guidonnage fait partie des états dégradés de la stabilité d’une moto.
Ces états dégradés peuvent être définis comme les différents comportements d’une moto qui engendrent une gêne, aléatoire ou constante, du conducteur et/ou du passager lors de l’utilisation normale du véhicule.
J’ai déjà abordé certains de ces états dans un autre article : Comprendre les comportements anormaux de la partie-cycle

Parmi ces états, les plus gênants sont appelés :

  • le shimmy
  • le louvoiement
  • le « kick back »
  • le guidonnage

Il faut bien distinguer ces différents états dégradés, dont les symptômes peuvent se ressembler, mais dont les causes et conditions n’ont rien à voir.
Les anglophones parlent généralement de « wobble », mais ce terme recouvre des phénomènes différents.

Le shimmy

Le shimmy est décrit comme une ondulation, mais qui n’affecte que le train avant et disparaît lors de l’accélération à des vitesses plus élevées.
Il se produit principalement lors de la décélération.
L’amplitude de l’oscillation diminue généralement avec la vitesse de la moto.

Facteurs contribuant au shimmy :

  • Pression de gonflage
  • État d’usure du pneu, en particulier du pneu avant
  • Déséquilibre/excavation du pneu avant
  • Pneus avant/arrière différents
  • Irrégularités de la jante (en particulier sur les jantes à rayons)
  • Roulements de la tête de direction usés ou mal réglés
  • Fourche avant mal entretenue
  • Répartition de la masse du chargement (passager, bagages…)

Le louvoiement

Lors d’un louvoiement (ou « weaving » en anglais), la direction (avec fourche et roue avant) et l’arrière (avec cadre, moteur et roue arrière) oscillent en décalage de phase autour de l’axe de direction. En même temps, la machine s’incline autour de l’axe longitudinal et vertical du véhicule.
Le louvoiement se manifeste par un mouvement ondulatoire du véhicule, entre 2 et 4 cycles par seconde, suivi d’une trajectoire en « S » sur la route.
Le phénomène apparaît généralement à partir de 120 km/h (selon le type de moto et les conditions environnementales, le vent notamment).
Le louvoiement commence souvent après une période prolongée de conduite à une vitesse constante.
Il devient plus grave à mesure que la vitesse augmente.
Il ne peut être arrêté qu’en coupant les gaz.

Facteurs contribuant au louvoiement :

  • Pression de gonflage des pneus
  • Différence d’usure des pneus (pneu arrière usé avec pneu avant neuf)
  • Accessoires supplémentaires (top case, sacoches latérales, bulle…)
  • Répartition de la masse du chargement (passager, bagages…)
  • Alignement de la roue arrière (non alignée avec la roue avant)
  • Déséquilibre / usure des pneus (surtout le pneu arrière)
  • Bras oscillant ou roulements de roue desserrés
  • Amortisseur arrière trop mou / endommagé
  • Conditions environnementales (surtout le vent)
  • Vêtements larges et amples du motard
  • Roulements de la tête de direction et fourche mal entretenus

Le Kick back

On parle de « kick-back » lorsque l’ensemble fourche, roue avant et guidon subit une secousse soudaine autour de l’axe de direction.
Cet effet est indépendant de la vitesse de conduite.
Il se déclenche lorsque le pneu avant se soulève, puis revient en biais, par exemple lors d’une forte accélération en sortie de virage ou lors du passage d’une bosse dans un virage.
En fonction de la vitesse et de l’angle de contact, le pneu avant accumule soudainement des forces latérales, qui sont perceptibles dans le guidon sous la forme d’une légère contraction ou d’une forte secousse.
Habituellement, un kick-back comprend un ou deux mouvements alternatifs du guidon autour de l’axe de direction, puis le châssis se calme rapidement.
Ce phénomène est notamment observé en compétition de vitesse. Il peut entraîner une éjection du pilote, appelée « high side ».

Facteurs contribuant au kick-back sur la moto :

  • Géométrie très sportive de la moto
  • Réglage de l’amortissement trop dur
  • Répartition de la charge en masse (trop peu de charge sur l’avant)
  • Pression des pneus

Le guidonnage (ou « high speed wobble »), au sens strict du terme, constitue un phénomène différent des trois autres états dégradés décrits ci-dessus.
Si les symptômes du shimmy peuvent s’avérer proches, les conditions d’apparition (décélération) sont exactement à l’inverse de celles du guidonnage : un shimmy ne peut donc pas évoluer en guidonnage.
Le louvoiement est quant à lui un mouvement ondulatoire à vitesse moyenne et stabilisée, il ne peut pas non plus évoluer en guidonnage.

Les symptômes du guidonnage à moto

Un guidonnage est vécu comme l’oscillation soudaine et violente du train avant d’une moto.
Il s’agit d’un phénomène vibratoire dans la partie-cycle qui va en s’amplifiant très rapidement, ce qui engendre un mouvement violent de la direction de la moto autour de son axe de rotation.
Le mouvement du guidon allant de butée en butée est très brutal.

Le guidonnage n’est pas progressif, comme le louvoiement par exemple.
Bien au contraire, le mouvement du guidon se déclenche en quelques dixièmes de seconde et peut réellement causer la chute.

Le guidonnage se produit généralement dans les phases d’accélération, lorsque l’appui de la roue avant sur le sol est diminué.

Concrètement, ça donne ça :

Assez souvent, ça se termine mal…

Les causes du guidonnage à moto

Même si le guidonnage se ressent pour le motard au niveau du guidon, le guidonnage n’est pas forcément dû à un problème de train avant, encore moins de guidon. C’est même plutôt le contraire : le guidonnage est souvent dû à un train arrière (pneu et/ou suspension) qui ne fonctionne pas correctement.

Il résulte par exemple d’un choc (entre la surface du pneu arrière et le sol) qui se répercute dans la direction de la moto.

Même rigide, un cadre doit conserver une part de souplesse structurelle. C’est la fonction même des suspensions – qui doivent absorber les chocs et gérer l’assiette de la moto. Si l’une des composantes de la partie-cycle ne fait pas correctement ce travail d’absorption des vibrations, le guidonnage se produit.

En d’autres termes, vous pouvez être victime d’un guidonnage lorsque vous conduisez à grande vitesse, lorsque vous accélérez rapidement (surtout au démarrage) ou lorsque vous accélérez à la sortie d’un virage. Surtout si vous conduisez sur une route accidentée ou en mauvais état, avec des trous et/ou des bosses, des rainures…

Les causes de guidonnage proviennent principalement d’un problème dans les réglages de la moto :

  • Une fourche mal réglée ou mal entretenue
  • Une suspension arrière mal réglée ou déficiente
  • Un amortisseur arrière trop verrouillé, avec une hydraulique réglée trop dur
  • Un pneu arrière usé et/ou à la carcasse fatiguée
  • Un top case trop chargé
  • Un mauvais alignement des roues
  • Un embout de guidon (masselotte) manquant ou inadapté (trop lourd ou trop léger)

Sur une sportive notamment, une fourche mal réglée (désaccord grave entre compression et détente) ou mal entretenue (huile manquante, ressorts fatigués) peut déclencher le phénomène de façon précoce.
Mais le guidonnage peut aussi être déclenché par une suspension arrière mal réglée ou déficiente.

Certains guidonnages sont également déclenchés ou aggravés par des facteurs environnementaux :

  • Un revêtement en mauvais état, irrégulier, endommagé
  • Des bosses sur la chaussée ou un sommet de montée
  • Une température froide qui va figer l’huile des suspensions

Ces facteurs, internes et externes, ne sont pas exclusifs l’un de l’autre : un guidonnage peut être le fruit de plusieurs causes simultanées.

Généralement, un guidonnage à moto sur la route intervient lorsque les réglages en hydraulique des suspensions sont trop fermes, empêchant alors les roues de suivre les inégalités du revêtement.
Or nombre de motards considère que durcir les suspensions serait gage de bonne tenue de route…
C’est faux : c’est une suspension qui travaille sur toute sa course (et de façon cohérente, linéaire) qui garantit les meilleurs résultats.
Pour en savoir plus, lire Réflexion sur les fausses certitudes motardes

Une usure excessive des pneus et/ou une pression inadaptée peuvent évidemment constituer un facteur aggravant.

De nos jours, la plupart des sportives et autres motos très performantes sont dotées en série d’un amortisseur de direction, dont le rôle est justement de freiner les mouvements brusques du guidon dés le début du guidonnage.
Malgré tout, un amortisseur de direction mal réglé ou endommagé peut se transformer en cause de guidonnage.
Et de toute façon, l’amortisseur de direction ne fera pas de miracle sur le comportement de la moto si elle est en mauvais état, avec des suspensions mal réglées ou des pneus usés ou mal gonflés.

Autre cause, un chargement mal réparti sur la moto (sacoches mal placées, inadaptées et surchargées par exemple, ou encore un top-case excessivement lourd) peut engendrer des guidonnages, en participant à délester l’avant lors des accélérations.

Même problème en cas de conduite en duo : le poids du passager assis à l’arrière nécessite (d’autant plus sur une moto coupleuse) de modifier la précontrainte de l’amortisseur arrière, de façon à maintenir une assiette normale. 

En dernier lieu, un mauvais alignement des roues avant et arrière est à considérer en cas de guidonnages récurrents sur différents revêtements.

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Les remèdes pour prévenir un guidonnage

Les solutions pour empêcher un guidonnage s’exercent à deux niveaux, la moto et le motard.

Côté moto

Un guidonnage reste avant tout provoqué par des suspensions de la moto mal réglées, usées, endommagées, déficientes…
Pour diminuer le risque de guidonnage, il faut une moto avec :

  • un châssis en bon état,
  • des pneus aux bonnes pressions,
  • des suspensions efficientes et bien réglées.

Pour en savoir plus, lire Entretenir ses suspensions et Bien gonfler ses pneus

La base pour l’éviter est d’entretenir et de régler la fourche et l’amortisseur :

  • inspecter régulièrement les suspensions avant et arrière pour détecter d’éventuelles fuites d’huile
  • les faire réviser tous les 20.000 à 40.000 km (changer l’huile et les joints, voire les ressorts)
  • remplacer l’amortisseur ou les combinés arrière au-delà de 100.000 km parcourus
  • revoir les réglages en cas de pertes récurrentes de stabilité

Après une session sur piste, il ne faut pas oublier de « libérer » (assouplir) la détente de la fourche, de revenir à des réglages moins extrêmes, et plus généralement de repartir sur la base des réglages de suspensions préconisés par le constructeur.

Autre point important : il faut respecter la charge maximale de votre moto, indiquée dans le manuel de l’utilisateur et sur la carte grise.
Ne surchargez pas la moto avec des bagages.
Avant de rouler en duo, assurez que vos poids additionnés peuvent être supportés par la moto.

Attention au chargement et au duo sur des motos « sensibles » : on ne remplit pas un top-case de 50 litres sur une sportive à roues de 16 pouces des années 1980 !

Côté motard

Tenir convenablement un guidon ne s’improvise pas.
Pour en savoir plus, lire Savoir se positionner sur un deux-roues moteur

Quelques conseils basiques en vrac :

  • les coudes et les épaules doivent rester souples
  • les avant-bras doivent être parallèles au sol
  • les poignets doivent se trouver dans le prolongement des avant-bras
  • les deux mains doivent être posées sur les poignées au plus près des cocottes
  • le dos doit être souple et droit

Les erreurs à éviter en cas de guidonnage

Trois gestes, généralement exécutés de façon instinctive sur l’instant, sont à bannir :

  • Couper les gaz brutalement
  • Freiner fort de l’avant
  • Lâcher le guidon

Dans la panique ou la confusion, certains motards commettent l’erreur de lâcher leur guidon, ce qui conduit fréquemment à la chute.
Mais vous ne devez pas non plus vous cramponner au guidon.
Si vous tenez le guidon trop fermement, vous amplifiez les vibrations et risquez de perdre l’équilibre.

Lors d’un guidonnage, la direction de la moto n’est pas contrôlable.
La machine va avoir tendance à tirer tout droit. N’essayez pas de la faire changer de direction, de braquer le guidon ou d’incliner la moto par contre-braquage : c’est la chute immédiate garantie !

Les bons gestes à adopter en cas de guidonnage

Pour rattraper un éventuel guidonnage, reprendre le contrôle de la moto et éventuellement changer de direction, il vous faudra combiner trois actions.

Action sur les commandes

Il faut exercer une action douce sur les freins pour réduire la vitesse et sortir de la plage de vitesse qui provoque le guidonnage.

Cela se fait de préférence avec le frein arrière (qui va abaisser le centre de gravité de la moto), mais peut aussi s’effectuer avec un freinage de l’avant savamment dosé, avec un seul doigt : le léger transfert de masse vers l’avant va aider à rétablir graduellement l’appui du pneu avant sur le sol.
Pour en savoir plus, lire Freiner sur l’angle

Dans le même temps, il faut évidemment réduire les gaz – mais pas d’un coup !
Les guidonnages se produisent généralement à régime très élevé, lors de grandes accélérations. Il ne faut surtout pas couper les gaz d’un coup, mais diminuer progressivement le régime moteur, en rendant la main millimètre par millimètre, en souplesse. Revenir à mi-régime suffit à retrouver la stabilité.

Action sur les appuis du corps

Même si vous avez déjà une bonne position pour tenir la moto, le guidonnage fera trembler votre corps façon Parkinson.
Pour remédier à cela, vous devez utiliser vos cuisses : il faut serrer au max la moto avec vos jambes.
Vos genoux vont exercer une pression sur le cadre de la moto pour réduire les secousses et empêcher votre corps de continuer à trembler.

Dans le même temps, poussez légèrement sur vos jambes pour décoller les fesses de la selle et fléchissez les coudes pour porter le haut du corps vers l’avant, sans brusquerie.
Le but est là encore d’augmenter l’appui de la roue avant sur le sol pour que son effet gyroscopique la stabilise.

Action sur le regard

Tout en essayant de mettre fin aux mouvements incontrôlés de la moto, vous devez regarder loin devant vous pour éviter les éventuels obstacles.
Regarder vers l’avant permet aussi de repérer les courbes et virages afin de réduire le risque de sortie de route.
Pour en savoir plus, lire Où regarder en roulant à moto ?

Conclusion

On ne va pas se mentir : il reste EXTREMEMENT délicat de se sortir sain et sauf d’un fort guidonnage !

Comme pour le freinage d’urgence, le meilleur moyen de s’en sortir est de l’éviter, d’anticiper les problèmes en combinant trois niveaux d’action :

  1. l’entretien du véhicule
    principalement sur la maintenance des pneus et des suspensions
  2. l’adaptation à l’environnement
    avec la détection des zones de revêtement dégradé
  3. le comportement du conducteur
    avec une conduite préventive, sans accélérations brutales (surtout si vous ne roulez pas sur un bitume impeccable), en adaptant la conduite aux conditions d’adhérence
One thought on “Comprendre le guidonnage à moto”
  1. Ce genre d’info, c’est de l’or pour les motards. Ça rappelle qu’il y a toujours à apprendre, même pour les plus aguerris. Et puis, ça souligne l’importance de l’anticipation et de la prévention. Merci pour cet article super détaillé et hyper utile !

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