Motos et camions semblent à première vue totalement antagonistes. Mais dans le fond, routiers et motards ont plus en commun qu’ils ne le croient : leurs véhicules demandent un permis de conduire particulier, leur comportement diffère de celui des voitures, ils sont minoritaires sur la route et forment une communauté solidaire. Un peu de compréhension mutuelle pour une meilleure cohabitation sur la route…

Publication en février 2021.

Résumé

Explications et conseils sur le comportement envers les camions, bus, cars et autres poids lourds dans le cadre d’une conduite moto de sécurité.

Introduction

Chaque année en France, plusieurs dizaines de motards trouvent la mort sous les roues de camions, bus, semi-remorques et autres véhicules à grand gabarit (appelés dans les stats « PL-TC », pour poids lourds et transports en commun).

Selon les chiffres annuels de l’ONISR, ces malheureux étaient 36 en 2018 (+27 décédés dans une collision contre un véhicule utilitaire) et 30 en 2017 (+31 contre un VU).
Toujours en 2017, les usagers de deux-roues moteur (de plus de 50 cc) représentaient 9% des victimes d’accidents mortels impliquant un poids lourd, alors qu’ils ne représentent (selon l’ONISR) que 2 à 5% de la circulation.

Parce que les 2RM sont des véhicules moins visibles que les autres, parce que les motards sont des usagers vulnérables car non protégés par une carrosserie… il nous appartient de faire d’autant plus attention aux camions.
Savoir quand et comment nous en méfier permettrait d’éviter ces 50 à 60 motards tués chaque année – sans compter les blessés graves.

Les accidents mortels impliquant un PL ou un VU interviennent le plus souvent sur route et hors agglomération, voire sur autoroute.
Ils ont surtout lieu en semaine, de jour et plus particulièrement en début de matinée, après le déjeuner et en milieu d’après-midi.

Les deux principaux scenarii d’accidents mortels sont :

  1. Hors agglomération, la perte de contrôle par le motard, qui vient percuter de front le camion, dont le conducteur n’a pas le temps de tenter de manœuvre d’évitement ;
  2. En agglomération, la collision du motard par le poids lourd dont le conducteur n’a pas (ou trop tard) perçu la moto à cause de l’angle mort.

Ces éléments d’information sont là pour vous alerter sur les risques de certaines situations et la nécessité de redoubler de vigilance quand vous roulez aux abords de véhicules à grand gabarit.

Ces véhicules s’avèrent parfois compliqués à appréhender par les motards. Non seulement leurs caractéristiques sont à l’exact opposé de celles des motos, mais peu de motards connaissent le maniement d’un poids lourd – alors qu’à l’inverse, nombre de routiers et chauffeurs de camions sont aussi motards.

Même si le contexte diffère, on retrouve ici le même cas de figure et la même source de « conflits » qu’entre les motos et les véhicules agricoles.
Pour en savoir plus, lire Gérer les véhicules agricoles.

Le saviez-vous ?

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Rendez vous visible !

Être bien vu sur un deux-roues, c’est faire l’effort de se positionner en permanence de manière à ce que tous les autres conducteurs autour de vous (autos, camions, camionnettes, fourgons, utilitaires, camions-bennes, bétonneuses…) sachent que vous êtes là.

Angles morts d’un camion

De la même façon qu’il ne faut jamais « coller » une voiture en restant juste derrière, il faut encore moins rouler près d’un poids-lourd !

Roulez plutôt bien en retrait (deux à trois secondes d’écart) et décalé sur sa gauche, pour que le conducteur vous voit dans ses rétros.

Si vous voyez le visage du chauffeur, il peut vous voir.
Si vous ne le voyez pas, il y a un risque de ne pas être perçu…
Avant de vous rapprocher de son véhicule, vérifiez toujours que vous voyez son visage dans son rétro.

Une règle simple : si vous ne voyez pas son rétro de gauche (en ligne droite), lui ne vous voit pas !

L’angle mort, c’est l’espace dans lequel vous êtes invisible du véhicule en face de vous ET l’espace dans lequel vous ne verrez pas le véhicule qui vous suit.

Par conséquent, redoublez d’attention quand vous entrez dans cet espace de l’angle mort, par exemple quand vous décidez de faire un dépassement.

Ces angles morts figurent en rouge sur le croquis ci-dessus et sont démontrés par la vidéo ci-dessous.

Dans les carrefours

Premier élément à prendre en compte : le porte-à-faux.

Les poids lourds (camions, bus, autocars, semi-remorques) engendrent un déport important quand ils changent de direction, leur conducteur est obligé d’en tenir compte.
Un camion, surtout avec une remorque, va toujours se déporter vers la gauche avant de tourner sur sa… droite ! Et vice-versa.

Méfiance donc quand vous voyez un camion mettre son clignotant à droite, il risque fort de se déporter vers la gauche.
Et au moment où il le fera, il ne vous verra plus derrière lui (ou à côté de lui) à cause de son angle mort.

Un chauffeur de poids lourd ou de bus ne voit dans ses rétros que ce qu’il y a le long des flancs de son camion et dans le prolongement de ceux-ci.
Donc il ne voit pas ce qu’il y a derrière sa remorque, ni ce qui est trop éloigné sur les côtés de celle-ci, pire encore si la remorque n’est pas dans l’axe de la cabine.

Second élément à prendre en compte : l’articulation de la remorque.

Par définition, dès que le véhicule ne roule pas en ligne droite, les roues arrière ne passent pas exactement au même endroit que les roues avant.

Même sur une moto, vous pouvez en faire l’expérience : si vous braquez le guidon et avancez avec le guidon tourné, vous verrez que la roue arrière tourne plus court, surtout si vous inclinez la machine.

Cette différence s’accroît avec la longueur du véhicule.
Si vous avez déjà conduit une voiture avec remorque ou un utilitaire un peu long, vous connaissez le problème : pour que l’arrière passe, il faut prendre bien large avec l’avant.

Du coup, ce n’est pas parce que les roues avant du camion passent à un endroit de la route que l’arrière va passer au même endroit, comme le découvre un motard australien (qui roule donc à gauche) et débutant dans la vidéo ci-dessous.

Conclusion : on se méfie, on reste loin des camions dans les carrefours, quelle que soit notre situation par rapport à eux.

Dans les dépassements

Une moto se caractérise par un rapport poids / puissance très favorable qui permet de fortes accélérations et encourage les dépassements, surtout sur un véhicule lourd, forcément plus lent.

Mais un dépassement reste une manœuvre dangereuse, surtout sur un véhicule à grand gabarit qui vous masque une partie de l’environnement et vous cache aux yeux de son conducteur. Plus encore en virage !

Un routier n’empêchera jamais un motard de le doubler.
Au contraire, j’ai souvent vu des chauffeurs s’écarter et me faire signe de dépasser alors que je n’en avais pas toujours l’intention. D’autres me signalent que personne n’arrive en face.
Mais un dépassement sur un camion peut s’avérer délicat et doit se préparer.

Quelques principes :

  • Prenez large, doublez en passant le plus loin possible
  • Passez vite, évitez de rester à côté du camion
  • Ne vous rabattez pas juste devant le camion
  • Ne dépassez pas plusieurs camions d’un coup (sauf s’ils se suivent de très près et ne peuvent pas déboîter).

D’autres considérations en vrac…

Si ça souffle, passez loin, très loin !
En cas de fort vent latéral, une remorque de camion offre une surface bien plus grande que le profil d’une moto.
Si vous ressentez des rafales de vent, imaginez ce que ça doit être pour le chauffeur du camion… La remorque peut facilement se balader de plusieurs mètres et déporter la cabine.

Si vous voyez que vous allez devoir vous arrêter ou ralentir peu après le dépassement d’un camion… ne doublez pas !
Restez derrière et attendez qu’il soit arrêté ou à basse vitesse pour le dépasser. En effet, le routier concentré sur le ralentissement risque de ne pas vous voir si vous vous rabattez trop près devant lui et va percuter votre moto.

Ne faites JAMAIS une queue de poisson à un poids lourd, surtout si c’est pour piler juste devant lui !
Même si le système de freinage est dimensionné pour le poids du véhicule, un semi chargé à 38 tonnes freinera souvent moins bien qu’une moto de 180 kg (sauf les camions les plus récents qui offrent des performances de freinage impressionnantes).

Après le dépassement, si le routier a été sympa, remerciez-le !
Sortir la jambe n’est pas toujours compris, mais lever la main gauche bien ouverte est clair. Certains font un appel de feux de détresse. D’autres adoptent le code des routiers, en faisant alterner clignotant à gauche puis à droite.

Pendant le dépassement d’un camion, il faut s’attendre à ce qu’un automobiliste situé devant le camion (donc qui ne vous a pas vu) décide brusquement de changer de file ou de direction.
Soyez prêt pour l’évitement d’urgence !

En ville

Le danger principal vient encore une fois du fait que les véhicules à grand gabarit cachent tout (ils nous masquent l’environnement) et que leurs conducteurs voient très mal leur environnement proche.

Ce danger est encore plus net en ville, quand un camion, une camionnette ou un bus ralentit ou freine devant un passage pour piétons ou s’arrête au feu.

L’expérience montre qu’il y a souvent un piéton « caché » qui est en train de traverser et qui choisit ce moment pour courir à travers la chaussée.
Il arrive devant le camion juste au moment où le motard double celui-ci : vigilance, prudence et ralentissement sont de rigueur pour éviter le carton avec le piéton qui apparaît au dernier moment.
Pas question de dépasser à plus de 10 km/h si on ne veut pas risquer de buter un gamin.

De même, tout camion peut s’arrêter pour charger ou décharger une livraison, tout bus peut s’arrêter pour charger ou décharger des passagers.
Ne jamais les doubler par la droite, le risque est grand de se faire serrer contre le trottoir.

Dans les grandes villes, évitez les coins des camions ou des bus à l’arrêt quand vous remontez les files.
Si par exemple, vous essayez de passer de la droite à la gauche d’une voie en passant devant un bus, le conducteur ne vous verra pas tout de suite (vous n’êtes pas dans son champ de vision).

Pareil si vous êtes coincé à côté d’un bus ou d’un camion qui va tourner.
Pour les doubler à l’arrêt, il faut avoir prévu d’avance où on pourra se mettre en sécurité. Ne pas hésiter à klaxonner, regarder le chauffeur avant de le faire, et éventuellement lui faire un petit coucou pour attirer son attention.

Emplacement et mesure des angles morts d’un camion

Les camions et camionnettes garées

S’il y a un trou dans la file en stationnement juste devant un gros véhicule pas transparent, ce n’est pas forcément une place libre.
C’est peut-être une rue ou une sortie de garage, de parking…

C’est très fréquent à Paris : les camionnettes en livraison sont souvent trop longues pour rentrer dans une place standard. Elles se garent donc en tête ou en queue de file de stationnement, quitte à empiéter sur la rue.

Attention au chargement !

Tout chargement de camion qui n’est pas entouré d’une carrosserie peut dépasser / tomber au moment où vous passez à côté.

La plupart des chauffeurs sont des professionnels responsables qui font attention à l’arrimage de leur chargement.
Mais comme dans tout métier, il y a des bons et des moins bons. Comme pour tout être humain, il y a des jours « sans ». Un oubli, une négligence reste toujours possible. Certains se disent que ce n’est pas grave, qu’ils ne vont pas loin, qu’ils ne rouleront pas vite…
Les conducteurs de « petits » camions, les artisans, les ouvriers, les ferrailleurs, les livreurs sont plus souvent susceptibles de commettre des erreurs que les routiers professionnels.
Mais tout peut arriver !

La conséquence pour nous motards doit toujours rester la vigilance.
On passe au large, le plus loin possible.
Si nous circulons dans le même sens que le camion et le dépassons, le but est de rester le moins longtemps possible à côté de lui.
Si nous le croisons en sens inverse, il faut se préparer à ralentir et à éviter une éventuel perte de chargement mal arrimé.

Bien sûr, le pire ne se réalise pas toujours.
Mais souvent, il n’est pas besoin d’une perte de chargement pour nous mettre en danger : une simple bâche mal fixée, un coup de vent… et c’est du sable qui s’échappe de la benne, des feuilles ou des branchages qui volent, des brins de paille qui s’envolent et viennent évidemment se fourrer dans notre œil.

Sur voies rapides

Méfiance aux abord des camions et poids lourds sur autoroute !

Les poids lourds créent des turbulences lorsqu’ils roulent à grande vitesse. L’air qui circule autour d’eux crée d’importants tourbillons qui pourraient vous déstabiliser si vous circuler à proximité. Conduire une moto près de ces zones de turbulence peut augmenter vos risques d’accident.

Le danger se trouve surtout au moment de dépasser un poids lourd : le courant d’air créé par le camion à hauteur de sa cabine peut vous déporter plus ou moins vers la gauche.

Infographie Motomag.com

Quand vous arrivez derrière un semi-remorque et le longez, il se produit un phénomène d’aspiration.
En entrant dans l’air, la cabine du camion comprime l’air devant elle, ce qui produit une dépression sur les flancs du camion. Si vous êtes tout près du camion, vous vous sentez poussé vers l’avant, la moto prend de la vitesse.

Arrivé un peu en arrière de la cabine, vous allez ressentir des turbulences.
Et au niveau de la cabine, vous allez prendre une énorme claque, ce que j’appelle « la baffe de vent », comme une grosse rafale de vent latéral, qui peut déporter la moto, la faire dévier de sa trajectoire.

Attention : le risque de déport augmente encore plus en cas de vent latéral déjà présent avant le dépassement !
Pour en savoir plus, lire Rouler par grand vent.

Pour éviter ou réduire la baffe de vent, quelques astuces :

  • S’y préparer, en serrant les jambes, les genoux, les cuisses, mais sans se crisper sur les bras.
  • Garder du gaz, voire accélérer un peu au moment de sortir du cône d’aspiration.
  • Il peut être utile d’incliner légèrement la moto vers la droite, ou au moins de se tenir prêt à pousser sur le guidon de droite.
  • Et surtout, il faut éviter de serrer le camion de trop près.
    Plus vous êtes loin du camion, plus la baffe sera faible.

Le conseil est d’autant plus important qu’il existe un autre danger, certes plus rare, mais auquel on ne pense pas.
Les camions et poids lourds roulent souvent avec des pneus rechapés.

Sur un pneu (mal) rechapé, sous l’effet de la chaleur, de la déformation due à un sous-gonflage, de la force centrifuge à cause d’une vitesse trop élevée… la bande de roulement du pneu peut se décoller.
Et quand elle se décolle à grande vitesse sur autoroute, elle s’envole sur le côté !

Pour info, une bande de roulement d’un pneu poids lourd, ça pèse plusieurs kilos, c’est épais, lourd et dur, voire franchement tranchant.
Un gros bout de pneu qui part en l’air peut occasionner des blessures graves, voire couper un homme en deux.

Alors certes, c’est un accident extrêmement rare car il faut une coïncidence exceptionnellement malheureuse de circonstances pour qu’un motard se trouve à la hauteur du pneu d’un camion au moment précis où celui-ci déchape brutalement… mais ça peut arriver.

Autre accident qui peut arriver, c’est l’éclatement d’un pneu de camion.
Là, le danger n’est pas tant la projection d’objet dangereux que le bruit lui-même, vraiment énorme, qui va surprendre et peut provoquer une embardée pour le motard qui passe à côté à ce moment-là.

Astuce : l’éclatement est généralement précédé d’un échauffement, voire d’une combustion du pneu. Cette combustion dégage de la fumée noire.
Si vous apercevez de la fumée qui s’échappe des pneus d’un camion, dépassez-le rapidement en vous écartant au maximum et faites signe au chauffeur de s’arrêter.

Par mauvais temps

Contrairement aux problèmes de chargement mal arrimé, ce sont ici les remorques bâchées qui peuvent poser problème.

Par temps de pluie ou de neige, de grandes quantités d’eau ou de neige peuvent se trouver « piégées » dans les plis de la bâche de la remorque.
A l’occasion d’une rafale de vent, d’un dépassement, d’un cahot… la bâche va se tendre brutalement et éjecter le paquet de flotte ou de neige qui va aller asperger (et aveugler) le pauvre motard qui passait justement à côté pile à ce moment-là…
Pas de bol !

Encore une fois, anticipez le pire et passez loin des camions.

Le conseil devient encore plus valable en cas de fort vent latéral.
Un semi-remorque de 18 mètres de long, bien chargé à 33 ou 38 tonnes, qui se prend une rafale de vent latéral par la droite… ça bouge !
Et ça bouge parfois beaucoup, il peut se déporter de deux ou trois mètres vers la gauche.
Anticipez, ne restez pas juste à côté.

2 thoughts on “Partager la route avec les poids lourds”
  1. Excellent article, comme d’habitude, mais tu y évoques surtout la conduite sur des routes à grande circulation.
    On peut rencontrer des poids lourds sur des petites routes, et il est alors essentiel de comprendre comment le camion va tourner, de ne pas aller se mettre sous ses roues, et surtout de faire un appel de phare au chauffeur pour lui signifier qu’on ne va pas interférer avec sa manœuvre.

    Résultat : le chauffeur est content, toi aussi, et personne n’est blessé.

  2. j’ai pris pour la première fois l’autoroute A10 en moto 45 km pour rentrer chez moi et étant jeune permis (250km) quand je me suis emmenché sur l’autoroute j’ai laissé passer le camion et me suis mis derrière à 10 bons mètres peut être 20 et j’ai senti des turbulences et du coup, coup d’œil dans le rétro j’ai enquillé à 110 d’abord puis 120 pour doubler des camions qui se suivaient. J’ai fait hyper gaffe et je n’ai pas senti de claque mais je m’y attendais. Bref bon article comme d’hab !
    J’ai même fait une pointe à 130 !! Et pleins de camions mais pas de vent et beau soleil

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