On peut entendre et lire tout et son contraire à propos des écrans de casques pour motards, sur ce qui est autorisé, interdit, homologué ou non… On fait le point ensemble, avec les sources juridiques à jour qui conviennent.
Publication en novembre 2024
Sommaire de l'article
Fondements juridiques
Un principe fondamental du droit français est que tout ce qui n’est pas interdit est autorisé.
Qu’est-ce qui est interdit dans la loi française concernant les casques de moto ?
Quand porter un casque à moto ?
L’article R.431-1 du Code de la Route stipule que :
En circulation, tout conducteur ou passager d’une motocyclette, d’un tricycle à moteur, d’un quadricycle à moteur ou d’un cyclomoteur doit être coiffé d’un casque de type homologué. Ce casque doit être attaché.
« En circulation », cela veut dire « être en train de circuler sur la voie publique ou sur le point de l’être » :
- dès que la moto est présente sur la voie publique (y compris les trottoirs), dès qu’elle sort d’une propriété privée close
- avec le moteur qui tourne
- avec le conducteur assis en selle
S’il manque une de ces trois conditions, le véhicule n’est pas considéré comme étant en circulation.
Le fait de ne pas respecter ces dispositions est sanctionné de :
- une amende prévue pour les contraventions de quatrième classe, soit 135 euros ;
- une réduction de trois points sur le permis de conduire ;
- une possible immobilisation du véhicule.
Quel casque porter ?
Que signifie la formulation « un casque de type homologué » ?
Le décret d’application de cet article R.431-1 du Code de la Route français renvoie aux dispositions de l’arrêté du 21 novembre 1975, fixant les normes des casques utilisés par les conducteurs et les passagers des véhicules.
Lequel impose que les casques destinés aux conducteurs et passagers de deux et trois roues motorisés soient conformes aux prescriptions du règlement n°22 amendement 04 de Genève (réformé depuis avec l’amendement 05, puis 06).
Tous les casques homologués commercialisés en Europe doivent répondre à la norme ECE E22.05 ou 22.06, laquelle émane de la commission économique européenne, organe des Nations Unies implanté à Genève, en Suisse – totalement indépendant de l’Union Européenne.
Le respect de cette norme est signalé par une étiquette blanche cousue à l’intérieur du casque, en général sur la sangle jugulaire.
Le nom officiel de ce réglement technique européen est : « Accord concernant l’adoption de prescriptions techniques uniformes applicables aux véhicules à roues, aux équipements et aux pièces susceptibles d’être montés ou utilisés sur un véhicule à roues et les conditions de reconnaissance réciproque des homologations délivrées conformément à ces prescriptions« .
La prescription technique qui nous concerne ici est l’additif 21 : « Prescriptions uniformes relatives à l’homologation des casques de protection et de leurs écrans pour conducteurs et passagers de motocycles et de cyclomoteurs« .
De nombreux essais y sont référencés et normalisés.
Entre autres, les essais afin d’homologuer les écrans de casques moto, avec des tests obligatoires sur les points suivants :
- le champ de vision
- la transmission lumineuse
- la diffusion de la lumière
- la possibilité de reconnaissance de signaux lumineux
- la transmission spectrale
- la réfringence (propriété de réfracter la lumière)
- l’embuage (facultatif)
- caractéristiques mécaniques
- qualités optiques et résistance aux rayures
- vérification de l’angle d’ouverture de l’écran
L’obligation porte donc sur le fait de porter non seulement un casque homologué mais aussi… avec un écran homologué !
Quels écrans sont interdits ?
Les prescriptions de la dernière version de la norme européenne (ECE 22-06, en vigueur depuis le 3 juillet 2022) interdisent les écrans de casque qui ne laissent pas passer au moins 35% de la luminosité ambiante – contre 50% dans la version précédente 22-05.
C’est au nom de ce critère technique que certains écrans de casque peuvent être interdits pour un usage sur la voie publique – et uniquement sur la voie publique, chacun fait ce qu’il veut sur un circuit privé fermé.
Attentino, avec la modification du seuil de filtration de la luminosité, certains écrans – qui étaient interdits avant 2022 car filtrant entre 35 et 50% de la lumière – sont devenus autorisés.
Quels écrans sont autorisés ?
Juridiquement
D’un point de vue juridique, tous les écrans dits « OEM » (pour « Original Equipment Manufacturer« , qui signifie « fabricant d’équipement d’origine »), c’est-à-dire d’origine constructeur, homologués avec un casque répondant à la norme ECE 22-06, sont autorisés sur la route.
Le problème se pose quand l’écran n’est pas d’origine constructeur, mais adaptable, fabriqué par un accessoiriste (surtout non-européen, a fortiori chinois) qui n’a pas forcément pris la peine de soumettre ses produits aux tests européens (payants).
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Concrètement
Comme pour les autocollants rétro-réfléchissants, les forces de l’ordre ont mieux à faire que d’interpeller chaque motard qui ne porte pas des accessoires 100% homologués…
Je n’ai jamais entendu parler d’un motard qui ait été verbalisé UNIQUEMENT pour port d’un écran de casque non conforme. En revanche, certains types d’écrans vont attirer l’attention des policiers ou gendarmes, pour diverses raisons.
On peut distinguer six grands types d’écrans :
Les écrans transparents
Ils laissent passer 85 à 100% de la lumière ambiante.
Nous les connaissons tous, c’est le choix de base pour la plupart d’entre nous, grâce à leur visibilité optimale, idéale pour les conditions météorologiques normales.
Ces écrans peuvent être complétés par un écran interne dit « pare-soleil » (teinté sombre), amovible (abaissable et relevable par une commande au doigt) et qui va filtrer 50 à 75% de la luminosité.
Pas de question à se poser, c’est complètement autorisé.
Les écrans anti-buée
Il s’agit en général d’un double écran, soit d’un système interne ajouté sur un écran principal transparent (communément appelé Pinlock, du nom de la marque qui monopolise ce créneau du marché), soit d’un film souple posé à l’intérieur de l’écran principal, voire d’un traitement chimique permanent ou transitoire.
Dans tous les cas, ces écrans sont équipés d’un revêtement spécial qui empêche l’accumulation d’humidité et donc la formation de buée, permettant de conduire avec une bonne visibilité lors des conditions météorologiques défavorables.
Pas de question à se poser, c’est complètement autorisé.
Les écrans photochromiques
Il s’agit d’écrans « auto-teintants », dont le niveau d’opacité s’adapte selon la quantité de lumière reçue, exactement sur le même principe que les verres de lunettes photochromiques.
Pour en savoir plus, lire Tout savoir sur le port de lunettes à moto
Sauf que les verres photochromiques ne sont pas d’une grande utilité à moto, dans la mesure où ils réagissent en fonction de la quantité de rayons UV, alors que les écrans en polycarbonate filtrent justement une très grande partie de ces rayons UV…
Un écran photochromique va lui recevoir 100% des rayons UV et donc pouvoir réagir en fonction.
Ce type d’écrans reste encore peu répandu, notamment à cause de son prix.
Pas de question à se poser, c’est complètement autorisé.
Les écrans teintés
On peut voir un peu de tout, mais le principe de ces écrans reste qu’ils sont légèrement teintés dans un coloris particulier, choisi pour ses propriétés optiques.
Pour en savoir plus, lire Tout savoir sur le port de lunettes à moto
La teinte jaune, par exemple, augmente le contraste et permet de mieux discerner les détails, mieux lire la route, y compris par temps nuageux. Les noirs sont plus puissants, tandis que l’œil fatigue moins.
La teinte bleue lisse le décor et fait ressortir les nuances du ciel. Par temps nuageux, le relief devient impressionnant. Le contraste des teintes sombres est amplifié, à l’image du noir du bitume.
Pas de question à se poser, c’est complètement autorisé.
Les écrans fumés (ou opaques)
L’écran fumé, appelé en anglais « smoke », diminue l’intensité lumineuse, il est évidemment conçu pour réduire l’éblouissement causé par la lumière du soleil, donc lors des journées ensoleillées ou dans des zones à fort éclairage.
La plupart des écrans fumés filtrent 50% de la luminosité et sont autorisés sur la route, mais posent problème lorsqu’il fait sombre (sous-bois, tunnel) ou de nuit.
Ils comportent la mention « daytime use only » (usage de jour seulement) gravée sur le côté de l’écran. Ce marquage doit être « clairement lisible, indélébile et résistant à l’usure ». Cela permet aux fabricants de se dédouaner en cas d’accident de nuit parce que le motard n’a pas pu / voulu changer d’écran…
Attention : certains écrans fumés, dits « dark smoke », filtrent plus de 75% de la luminosité et sont donc interdits. Ils ne comportent pas sur le côté de l’écran la lettre « E » suivie d’un chiffre (numéro distinctif du pays ayant accordé l’homologation) et entourée d’un cercle.
Les écrans « iridium » ou miroir ou chromé
Fabriqués avec un revêtement réfléchissant et disponibles dans une large gamme de couleurs chatoyantes, ces écrans offrent une protection solaire optimale, en ajoutant une touche de style au casque.
Soyons clairs, c’est surtout pour le côté esthétique que certains motards choisissent ce type d’écrans !
Sauf que ces écrans posent plusieurs problèmes :
- comme les écrans foncés, ils ne permettent pas de bien voir la nuit ou en conditions de faible luminosité, ce qui vous condamne à rouler uniquement de jour par beau temps ou à emporter en permanence un écran transparent de rechange avec vous.
- de nuit, ils sont encore plus dangereux que les écrans opaques à cause de leur qualité de réfringence (capacité de réfracter la lumière), c’est-à-dire de l’effet « miroir » vers l’extérieur comme vers l’intérieur. De nuit, suivant l’angle, les phares des véhicules en face peuvent éblouir le motard et produire un effet de « flash » aveuglant.
- hormis leur aspect esthétique, ces écrans filtrent en général plus de 75% de la luminosité et sont interdits en Europe. Ils doivent être fournis avec le casque par le constructeur. Si ce n’est pas le cas, il faut impérativement vérifier qu’ils comportent l’homologation européenne gravée sur l’écran.
- le traitement « miroir » appliqué sur l’extérieur de l’écran est fragile : ces écrans sont non seulement coûteux, mais demandent un grand soin, sous peine de devoir être remplacés régulièrement si vous roulez plus de quelques milliers de kilomètres par an.
- ces écrans sont souvent adoptés par des motards plus soucieux de leur apparence que de leur sécurité. Ils attirent plus facilement l’attention des forces de l’ordre, surtout que l’effet miroir empêchent de discerner le visage du conducteur. Clairement, ils augmentent le risque de se voir interpellé et contrôlé à la recherche d’autres infractions.