Les préjugés, archaïsmes, légendes urbaines, mythes, idées préconçues, clichés… sont nombreux dans le monde moto. Notamment en matière de freinage ! Souvent fondées sur des informations qui ont été vraies dans un passé plus ou moins lointain ou issues de malentendus, d’une mauvaise compréhension d’une info véridique à la base, ces idées fausses entraînent des comportements inadaptés et peuvent créer des réactions dangereuses. Les « débunker » vous aidera à progresser dans la maîtrise technique de votre machine.

Publié en octobre 2024

Le fameux 70 / 30

La tarte à la crème où on sort des chiffres pour faire sérieux…
Nous avons tous entendu ou lu des propos sentencieux qui sonnent comme autant de variations autour d’un même refrain : « le freinage doit être réparti avec 70% à l’avant et 30% à l’arrière« …

Je ne compte plus le nombre d’élèves qui me sortent ça sans comprendre, et ça m’énaaaaaaaaaaarve !

Comment voulez-vous « calculer » que vous mettez les deux tiers de puissance de freinage sur votre main droite gantée et un tiers sur le pied droit pris dans une botte sur la pédale ?!?
Surtout en situation d’urgence quand un risque vital est engagé ?

Cela donne des choses comme :

Les moniteurs recommandent souvent de s’appuyer à 70 % sur le frein avant et à 30 % sur l’arrière.

La théorie pour le freinage à moto est une répartition, de 70% sur la roue avant, de 15 % de frein moteur et de 15% sur la roue arrière

Il est préconisé de répartir son freinage comme suit : 70 % sur l’avant et 30 % sur l’arrière

Le meilleur moyen de bien freiner sur sol sec, c’est de doser le freinage : à peu près à 70 % sur la roue avant et 30 % sur la roue arrière

Techniques de freinage efficace à moto · 70 % sur la roue avant ; · les 30 % restants répartis à égalité entre le frein moteur et la roue arrière.

Un bon freinage en moto est censé être réparti à 70% sur l’avant et 30% sur l’arrière.

En général, nous parlons de 70 % de puissance sur l’avant et 30 % sur l’arrière.

Il est impératif de doser et de répartir le freinage (environ 70 % à l’avant et 30 % à l’arrière).

Sauf que personne n’est capable de dire vraiment pourquoi, d’où ça vient, quelle est la source de ces chiffres… C’est accepté comme une sorte de vérité révélée, évidente, avérée.
Alors que c’est en fait fondé sur une mauvaise compréhension, une mésinterprétation !

La vérité technique, mécanique, est que : « Le frein avant d’une moto compte pour 70% de la puissance de freinage délivrée, contre 30% pour le frein arrière. »
C’est une formulation proche, certes… mais cela ne veut pas dire la même chose !

Quand on applique la même puissance de freinage sur le levier et sur la pédale, le frein avant permet de freiner 2 à 2,5 fois plus fort que l’arrière.
Oui, ça c’est vrai.
Une moto est conçue pour freiner des deux tiers avec le frein avant et un tiers avec le frein arrière, effectivement. Tout comme une voiture, d’ailleurs.

Exception faite des motos dites « custom » (genre Harley), dont la géométrie réduit l’efficacité du frein avant et donne une répartition du freinage à peu près de 50 / 50. C’est pour cela que les gros customs, très lourds de l’arrière, sont équipés de disques arrière plus grands que sur la plupart des autres catégories de motos.

Ce n’est pas au motard lui-même de répartir cette puissance de freinage !
Vous devez surtout retenir que l’avant freine bien plus fort que l’arrière et qu’il sera plus efficace de solliciter le frein avant plutôt que l’arrière.
En compétition de vitesse sur circuit, on n’utilise pas ou peu le frein arrière. Aujourd’hui, beaucoup de pilotes en MotoGP utilisent un frein arrière au pouce (gauche), mais il ne s’agit que d’une commande déportée. Une moto, dynamiquement, ralentit des deux freins, mais freine court grâce au frein avant.

En outre, il est incomparablement plus facile de doser le frein avant que l’arrière, en faisant varier le nombre de doigts sur le levier, leur emplacement sur le levier et accessoirement la force appliquée dans chaque doigt.

Une analyse télémétrique, réalisée par Brembo lors d’un MotoGP du Portugal, a montré qu’une machine de compétition était passée de 330 à 123 km/h (soit 207 km/h de différentiel) en seulement 243 mètres et 4 secondes, avec uniquement le frein avant, ce qui avait nécessité de la part du pilote une pression sur le levier de 7 kg (pas si énorme que ça avec deux doigts), laquelle avait suffi pour générer sur les plaquettes une pression démentielle de 14,9 bars !

Il faut toujours freiner avec 4 doigts

Un bon gros cliché qui remonte au temps des freins à tambour, où il fallait effectivement appliquer une forte puissance sur la commande de frein avant pour que ça freine correctement.

Cette idée a longtemps été propagée par les moniteurs moto, sous la contrainte des inspecteurs du permis de conduire qui exigeaient un freinage avec toute la main lors de l’exercice de freinage à l’examen plateau.
A mes débuts comme moniteur à la fin des années 2000, j’ai encore croisé en examen des inspecteurs qui appliquaient une notation C pour « exercice non réalisé » quand un candidat ne posait pas quatre doigts sur le levier !
On leur avait appris comme ça à l’INSERR de Nevers lors de leur formation initiale dans les années 1980 ou 1990, et ils pensaient dur comme fer que cela restait valable malgré les immenses progrès technologiques accomplis depuis.

Je vais aller loin dans l’iconoclaste : il ne faut JAMAIS freiner avec quatre doigts !
Tout simplement parce que l’auriculaire (le petit doigt) n’apporte rien ou presque.
Si vous voulez freiner vraiment fort, utilisez les trois longs doigts, ce sera amplement suffisant.

Avec une machine (moto ou scooter) moderne de moins de 10-15 ans, en bon état, avec un frein avant à double disque, a fortiori avec étrier à fixation radiale et/ou maître-cylindre radial… deux doigts suffisent à freiner efficacement dans 99% des situations.

Pour en savoir plus : Freiner à moto (et en scooter) – Deuxième partie

Il ne faut jamais freiner de l’avant en virage

Ce préjugé tenace date de l’époque d’avant l’ABS, où freiner fort de l’avant entraînait un blocage de la roue avant, donc une perte à la fois de l’adhérence et de l’effet gyroscopique, d’où une chute immédiate. D’autant plus qu’à cette époque, beaucoup pensaient qu’il fallait forcément freiner de l’avant à quatre doigts (voir plus haut)…

En vérité, freiner (fort et brutalement) de l’avant en virage avec la moto inclinée va entraîner deux conséquences possibles :

  1. en cas d’absence de système anti-blocage (ABS), un blocage de la roue avant et une chute (voir ci-dessus) ;
  2. un transfert de masse vers l’avant, phénomène physique qui va se traduire mécaniquement par une compression de la fourche, laquelle va redresser la machine qui va alors aller tout droit… gênant en virage !

Ces deux comportements – délicats à gérer, surtout quand on ne s’y attend pas ou qu’on n’a pas appris à y réagir correctement – font que la plupart des motards résolvent le problème en se disant de façon simpliste : pas de frein avant en virage !
Les débutantes et débutants se résignent souvent à freiner plus de l’arrière que de l’avant, ce qui est une erreur.
Alors qu’en réalité, ils devraient se dire : pas de frein avant FORT ET BRUTAL en virage.

Il est tout à fait possible de freiner de l’avant en virage, à n’importe quelle vitesse… tant qu’on sait doser son frein avec délicatesse et précision.
Donc à un (ou deux, max) doigt(s).
En s’étant exercé auparavant, de façon progressive, à freiner seulement de l’avant sans comprimer la fourche, d’abord en ligne droite, puis à basse vitesse avec guidon braqué, puis en virage.

Cela demande plus d’entraînement et de motivation, c’est certain.
Mais maîtriser son frein avant en virage amène tellement plus de sécurité et de performance !

Le frein arrière redresse la moto

Un élève m’a sorti ça récemment, citant un moniteur dans sa précédente école…
J’en suis resté comme deux ronds de flan.

Le frein arrière ne redresse jamais la moto quand elle est sur l’angle, que ce soit avec guidon droit ou braqué.

Le frein arrière permet de :

  • ralentir (un peu, pas beaucoup)
  • de comprimer la suspension arrière, ce qui
    • abaisse le centre de gravité,
    • resserre la trajectoire quand la moto est inclinée,
    • réduit le transfert de poids vers l’avant en cas de freinage fort de l’avant.

Le frein arrière vient compenser l’effet du frein avant en établissant une assiette plus neutre, meilleure pour le fonctionnement des suspensions.

L’ABS réduit la distance de freinage

Une légende urbaine qui n’existe pas que dans le monde moto, il y a eu la même pour les voitures.

Le système de freinage ABS (de l’allemand Antiblockiersystem) évite le blocage des roues en cas de freinage brusque ou intense.
Il permet ainsi de garder le contrôle de la trajectoire de la machine, ce qui constitue déjà un grand avantage.

L’ABS ne permet pas de réduire la distance de freinage, surtout sur route sèche.
Là encore, cela résulte d’une mauvaise compréhension : cette technologie permet d’éviter l’allongement de la distance d’arrêt causé par le blocage de la roue avant… ou par la peur de bloquer la roue avant !

La confusion vient du fait que l’ABS permet parfois d’éviter le rallongement de la distance d’arrêt causée par une perte totale d’adhérence à la route – mais pas de réduire la distance minimale de freinage en fonction de votre vitesse.

Le système de freinage ABS ne permet pas de réduire la distance de freinage sur route sèche.
Sur chaussée à adhérence dégradée, le système a même tendance à rallonger la distance de freinage… mais permet de ne pas tomber quand on freine fort !

Aujourd’hui, les ABS les plus perfectionnés sont connectés à la centrale inertielle et l’ECU (engine computer unit) de la moto, ce qui permet d’analyser la vitesse, le rapport engagé, voire parfois le degré d’inclinaison de la machine et d’adapter la réponse de l’ABS pour une efficacité maximale, y compris sur revêtement à basse adhérence.

2 thoughts on “Les idées fausses sur le freinage à moto”

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