A moto, se rendre le plus visible possible fait selon moi partie des fondamentaux d’une conduite sûre. Le casque y participe grandement. C’est devenu un de mes « chevaux de bataille » personnels ces dernières années, notamment auprès de mes élèves et stagiaires. Explications et réflexions.

Publié en octobre 2024

Cet article vient en complément de :
Optimiser sa visibilité à moto
Choisir son casque de moto

L’exception française

Motards français, vous connaissez tous le principe des autocollants rétro-réfléchissants à apposer sur votre casque ?

L’article R.431-1 du Code de la Route français prévoit que :

En circulation, tout conducteur ou passager d’une motocyclette, d’un tricycle à moteur, d’un quadricycle à moteur ou d’un cyclomoteur doit être coiffé d’un casque de type homologué.
(…)
Le fait, pour tout conducteur ou passager, de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
(…)
Lorsque cette contravention est commise par le conducteur, elle donne lieu de plein droit à la réduction de trois points du permis de conduire.

Contravention de 4e classe = 135 euros en amende forfaitaire.
Cette amende peut être minorée ou majorée, en fonction du délai de règlement du montant :

  • minorée à 90 € si vous vous acquittez du paiement dans les trois jours après remise en main propre du procès-verbal ou dans les 15 jours pour un envoi par courrier ;
  • majorée  à 375 € en cas de non paiement dans les trois mois.

Clair, non !
Sauf que… qu’entend-on EXACTEMENT par la formulation « un casque de type homologué » ?
S’agit-il seulement de la conformité à la norme européenne ECE 22-04, 22-05 ou 22-06 ?
Voir Connaître les normes de sécurité des casques moto.

En effet, le décret d’application de cet article R.431-1 du Code de la Route français renvoie lui-même aux dispositions de l’arrêté du 21 novembre 1975, fixant les normes des casques utilisés par les conducteurs et les passagers des véhicules.
Lequel impose que les casques destinés aux conducteurs et passagers de deux et trois roues motorisés soient conformes aux prescriptions du règlement n°22 amendement 04 de Genève (réformé depuis avec l’amendement 05, puis 06), étant précisé que les casques devront porter les « éléments de signalisation en matériaux rétro-réfléchissants », prévus au paragraphe 6.16 dudit règlement.

Le texte européen détaille les normes que les casques et leurs écrans doivent respecter pour être homologués dans les pays qui ont signé et ratifié l’accord, dont l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne.
Toutefois, le paragraphe 6.16 du règlement laisse aux États signataires la liberté d’imposer ou non la signalisation des casques. Cette dernière n’a rien d’impératif.

A ce jour, seule la France a choisi de conditionner l’homologation des casques moto à la présence de quatre stickers rétroréfléchissants.

L’arrêté de 1975 (modifié en 1985 et 1995) fixe les conditions d’homologation de ces éléments de signalisation dans un cahier des charges annexé, dont le 2e paragraphe sur les spécifications générales dispose que :

un ensemble d’éléments de signalisation pour casques comprend obligatoirement le ou les éléments en matériau réfléchissant blanc assurant la signalisation dans les 4 directions (avant, arrière, droite, gauche)

Ils « doivent contribuer à la signalisation du motocycliste par une surface continue, de forme simple ». Chaque autocollant doit avoir « une surface totale et une forme telles que dans chaque direction définie, la signalisation soit assurée par une surface de 18 cm² au moins. »

Le règlement 22-04 n’impose aucune couleur. L’essentiel est qu’à la réflexion de la lumière électrique, cette couleur soit blanche pour être visible. La couleur du sticker à la lumière du jour peut être différente.

En résumé, le fait de circuler avec un casque sans les quatre autocollants rétroréfléchissants revient à circuler avec un casque non homologué. Cela veut dire que la sanction est la même que s’ils roulent sans casque, ce qui semble complètement disproportionné !

Cette obligation est une spécificité française : vous ne la trouverez nulle part ailleurs en Europe, ni dans le monde. C’est d’ailleurs pour cela que les casques (fabriqués et conditionnés pour le monde entier) sont vendus avec les stickers réfléchissants dans une pochette à part.

Pourquoi seulement en France ?

Le règlement de la norme européenne prévoit bien la possibilité de ces éléments rétro-réfléchissants à apposer sur les casques moto. Pourtant, seule la France a choisi de les rendre obligatoires. Les autres pays européens seraient-ils plus stupides ou moins attentifs à la sécurité de leurs citoyens motards ?

Non, bien au contraire !
C’est juste qu’ils ont conclu à l’inutilité de ces autocollants qui sont :

  • pertinents seulement de nuit, quand l’immense majorité des motards roulent le moins
  • utiles seulement si les automobilistes allument leurs feux de croisement (communément appelés « codes ») ou de route (« pleins phares »), et encore, à condition que ces feux soient fonctionnels et bien réglés
  • assez petits, avec une surface de 18 cm²
  • pas forcément bien placés / orientés pour réfléchir au mieux le faisceau de lumière
  • composés d’un matériau de faible qualité en termes de rétro-réflexion, devant seulement être conforme à la classe 1, soit une valeur minimale de réflexion de 50 candelas/lux/m² pour un éclairage direct et une visibilité à 100 mètres
  • et surtout, placés sur le casque, c’est-à-dire au plus haut de l’ensemble moto et motard, endroit qui sera éclairé en dernier par le faisceau de phares d’un véhicule qui s’approche

Pour toutes ces raisons, tous les autres pays du monde ont renoncé à ces stickers sur le casque.

Par contre, la norme européenne Euro4 impose aux motocycles commercialisés depuis 2016 d’être équipés de catadioptres arrières (un rectangle rouge au-dessus de la plaque d’immatriculation) et latéraux (deux disques ou rectangles de couleur orange, généralement de chaque côté des tubes de fourche ou sur les côtés du support de plaque).

Ces réflecteurs présentent l’avantage d’être :

  • situés bas sur la machine, plus bas que le casque, donc éclairés bien plus tôt
  • composés d’un matériau rétro-réfléchissant de classe 2, avec une valeur minimum de réflexion de 180 cd/lux/m² et une visibilité jusqu’à 250 mètres
  • placés perpendiculairement au faisceau de phares d’une voiture pour une efficacité optimale
  • plus grands que 18 cm²

En résumé, le monde entier a compris que les autocollants sur le casque ne servent pas à grand-chose et qu’il vaut mieux que ce soit la moto qui soit visible plutôt que le motard – tout le monde, sauf les fonctionnaires de la Sécurité Routière française…

A titre personnel, j’ai choisi de n’apposer les stickers « de série » sur aucun de mes trois casques.
Deux d’entre eux sont dotés d’un seul autocollant rétro-réfléchissant de classe 2 (d’ailleurs fourni par la Sécurité Routière il y a bien longtemps), placé à l’arrière, là où il a le plus de chances de se montrer efficace.
Quant à celui que j’utilise le plus souvent, il en comporte deux, non homologués, décoratifs et mis là surtout pour couvrir les rayures suite à des chutes…

Par contre, je porte en permanence deux brassards rétro-réfléchissants de classe 2, visibles à 360 degrés, ainsi que des inserts rétro-réfléchissants sur ma veste, mes pantalons et mes bottes.
En plus des catadioptres réglementaires, ma moto de 2018 est équipée d’autocollants réfléchissants sur le top-case et les valises, à l’arrière et sur les côtés.
J’attends l’agent qui va venir me dire que je ne suis pas assez visible de nuit…

Ici une photo avec un de mes précédents casques et mon ancienne moto :

Le casque peut vous rendre mieux visible

Si on reprend les mêmes points qui démontrent l’inutilité des stickers, mais en les appliquant pour un usage de jour, on se trouve en présence d’un équipement :

  • obligatoirement porté par l’ensemble des conducteurs et passagers de véhicules motorisés à deux ou trois roues
  • situé au plus haut, visible du plus loin
  • visible à 360 degrés
  • qui n’est jamais caché / masqué par une bulle, un top-case, un carénage, un sac à dos
  • à peu près à hauteur des yeux des autres conducteurs

Dans ces conditions, les motards n’auraient-ils pas intérêt à rendre cet équipement le plus visible possible et donc à choisir un casque de coloris clair ?

Pas forcément « jaune fluo » ou avec un gyrophare sur la tête, comme je l’entends trop souvent de la part de certains motards qui cèdent facilement à l’argument fallacieux de « l’épouvantail » (caricaturer le discours adverse pour essayer de le décrédibiliser).

Pas besoin de donner dans le fluo, même si le jaune ou l’orange fluorescents constituent effectivement les couleurs les plus visibles du spectre parce qu’elles sont absentes dans la nature et donc se démarquent fortement pour l’oeil humain.

Il suffit de privilégier un coloris clair, comme du blanc, du vert, du bleu, du rouge, de l’orange… voire du gris argent, comme j’en ai porté pendant des années avant de passer aux casques blancs.
Bref, à peu près tout, sauf du noir ou du gris foncé.

Il suffit de regarder autour de vous : sur la route, en ville, ne distinguez-vous pas les casques clairs de plus loin que les casques noirs ?

Pourquoi choisir un casque noir ?

Dans ces conditions, pourquoi la majorité des casques moto vendus le sont-ils en noir ?

Il n’existe AUCUN argument rationnel en faveur des casques noirs.
J’attends que quelqu’un m’en donne un seul.

Bien sûr, j’ai réfléchi au sujet et j’en ai discuté depuis des années avec des dizaines d’élèves et de stagiaires.
Pas mal de motards m’ont donné leurs raisons, mais désolé, aucune n’est fondée sur un raisonnement logique.

Le principal argument des partisans du casque noir est esthétique.
Et je le comprends. Mais par définition, l’esthétique n’est pas rationnelle. « Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas » : et si ça ne se discute pas, ce n’est pas rationnel !

Par contre, les fondements d’un choix esthétique peuvent s’expliquer. Or très souvent, les motards « pro black » disent que le casque noir fait partie de l’image qu’ils se font de la panoplie motarde, que c’est « normal », que tous les motards en portent, depuis toujours…
Alors déjà, non : pas tous les motards. Une majorité, certes, mais pas tous, loin de là.
Depuis toujours ? Non plus. Le cliché du motard en cuir noir, du « blouson noir », date des années 1950. Avant ça, les motards s’équipaient principalement avec des vêtements militaires, en marron ou kaki, en cuir mais aussi souvent en coton ciré…
Le casque noir, c’est un cliché qui relève de la construction socio-culturelle.
Argument non rationnel.

Un autre argument esthétique est : « le noir, ça va avec tout ».
Oui, c’est vrai. Le blanc aussi. Le noir est l’absence de couleur, le blanc est le mélange de toutes les couleurs. Les deux s’accordent avec toutes les autres couleurs et entre eux.
Argument invalide.

Un second argument est financier.
Les casques noirs figurent souvent parmi les moins chers. On peut même dire qu’un modèle de casque est souvent proposé au moindre prix dans sa version noire.
Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est ce qui se vend le plus. Economies d’échelle. Comme c’est le moins cher, c’est ce qui se vend le plus. Et comme ça se vend le plus, ça reste le moins cher.
Et pourtant, un casque noir ne coûte pas moins cher à produire que dans un autre coloris uni. La peinture, blanche, noire ou bleue, coûte le même prix et le robot qui peint un casque ne fait pas la différence.
Il suffirait qu’une majorité de motards achète des casques blancs pour que le blanc devienne le coloris le moins cher.
Argument relatif donc.

Un troisième argument est fonctionnel.
Les motards s’équipent en noir car c’est la couleur la moins salissante, qui résiste le mieux aux poussières, au cambouis, à la crasse des particules polluantes qui nous entourent et se déposent sur nous.
C’est vrai. Mes vêtements moto sont souvent noirs, ou du moins dans des teintes foncées. Je sais combien il est difficile de garder propre un vêtement moto jaune fluo (par exemple). Et je suis le premier à me moquer des motards en cuir blanc.
Sauf que là, on parle d’un casque, non de vêtements en textile ou en cuir !
La coque extérieure d’un casque, ça se nettoie facilement en 30 secondes avec une éponge ou un chiffon microfibre humide.
De toute façon, vous allez nettoyer régulièrement l’écran pour enlever les insectes, les traces d’eau et autres salissures.
Est-ce vraiment si difficile de nettoyer le reste du casque au même moment ?
Est-ce que ça demande un entretien spécifique, long ou coûteux ? Non, n’est-ce pas ?
Argument invalide.

Un autre argument est une variation sur le thème « je n’ai pas eu le choix, y avait que ça »…
C’est vrai, beaucoup de magasins moto proposent principalement des casques noirs en exposition, voire ne montrent que ça dans leurs rayons. Encore une fois, c’est surtout parce qu’ils savent que c’est ce qui se vend le plus.
Mais peut-être qu’ils avaient le même casque dans une autre couleur en stock dans leur réserve : avez-vous posé la question ? Quand bien même ce ne serait pas le cas, il leur suffit de passer la commande pour le même modèle dans une autre couleur et ils le reçoivent en deux jours.
Là encore, il suffirait que plus de clients demandent des coloris clairs et il y aurait vite plus de diversité dans les modèles exposés.
Argument conjoncturel et relatif.

Version 1.0.0

Un dernier argument serait technique : les casques en carbone n’existent qu’en noir.
C’est pas faux… mais pas vrai pour tous !
Je porte (entre autres) un casque Schuberth C4 Pro Carbon en coloris Fusion, peint en jaune fluo (disponible aussi en blanc) sur la face arrière et sur les côtés.
Les casque en fibre carbone peinte sont rares, il est vrai, mais ça existe et ce modèle n’est pas le seul.
La vérité est surtout que la personne qui achète (cher) un casque en fibre carbone aime que ça se voit, que la trame de la fibre soit apparente, pour montrer qu’il s’agit bien de « vrai » carbone.
C’est la même chose dans le monde automobile : les pièces en carbone sont en général laissées « brut », juste vernies. Vu le prix, faut que ça se voit ! Mais ce n’est pas un impératif technique.

En conclusion, rien ne justifie véritablement de porter un casque noir.

Pourquoi aussi peu de casques clairs ?

Ayant roulé dans tous les pays d’Europe, j’ai vite remarqué que les motards d’Europe du Nord avaient bien plus tendance qu’en France à porter des casques avec des coloris à haute visibilité.

Un élément d’explication réside selon moi dans l’exemple donné par les motards professionnels, principalement par les motocyclistes des forces de l’ordre.

En France, les policiers motocyclistes portent des casques blancs, mais nous les croisons surtout dans les zones urbaines.

Sur la majorité du territoire métropolitain, nous croisons des gendarmes qui portent des casques bleu marine, bleu foncé. Pas le coloris le plus visible du monde.
Le reste de la tenue est à l’avenant, avec des déclinaisons de bleu foncé et bleu clair qui ne les rendent pas discernables à grande distance.

Eux-mêmes en sont d’ailleurs bien conscients.
De plus en plus au long des années, leurs motos sont couvertes de zones en jaune fluo de classe 2 pour rendre au moins les machines plus visibles que leur conducteur.
Au point d’ailleurs sur les derniers modèles de paraître plus jaunes que bleus, surtout à l’avant !

Alors que dans les autres pays d’Europe de l’ouest, voyez la différence dans l’équipement des personnels…

Ici, un exemple de la police néerlandaise :

La police allemande :

La police luxembourgeoise :

La police belge :

La police militaire belge :

La police anglaise :

3 thoughts on “Le casque moto, un élément de visibilité ?”
  1. Bonjour Fabien,

    Il y a un autre aspect que tu n’évoque pas dans l’article, mais qui est lié, c’est le recyclage des casques usagés. Il y a une pression de plus en plus grande sur les fabricants de casques, comme sur tous les fabricants d’objets en plastique, pour utiliser une proportion de plus en plus importante de plastique recyclé. Jusqu’ici, aucun rapport en apparence avec le sujet.

    Le hic, c’est qu’un casque jaune peut se fabriquer à partir de plastique neuf, ou à partir de plastique recyclé, mais de couleur jaune uniquement! Pareil pour toutes les couleurs vives. On imagine le bazar si les centres de recyclages devaient trier les casques par couleur. Un casque noir, lui, peut se fabriquer à partir de plastique recyclé de n’importe quelle couleur, on rajoute de la poudre de graphite et tout devient noir. Au fur et à mesure qu’on augmente la part de plastique recyclé, le casque noir devient ainsi de plus en plus une évidence économique, et tant pis pour notre sécurité. Ce n’est pas par hasard si le noir est souvent moins cher que les couleurs vives, et ce n’est pas uniquement une question de volumes de vente. Merci les écolos!

    1. Merci pour cette information !
      Le problème se pose en effet avec les casques en plastique polycarbonate, qui forment aujourd’hui la grande majorité des casques vendus (car moins chers).
      C’est moins le cas avec les casques en fibre composite (fabriqués à partir d’une combinaison de fibre de verre et de feuilles de fibre de carbone ou d’aramide), plus légers, plus protecteurs, mais beaucoup plus chers.

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