Quand on choisit d’acheter sa première moto neuve, on ne se rend pas toujours compte que cela implique de devoir réaliser son rodage. Et souvent, comme c’est par définition notre première moto… on ne sait pas faire ! Conseils et explications pour que ça se passe bien.

Publication en février 2025

Définition

Le rodage, le fait de roder une machine (ce qui n’a rien à voir avec le fait de « rôder » comme un rôdeur), c’est la phase (définie par une durée en heures ou une distance en kilomètres) pendant laquelle un mécanisme sorti d’usine doit être peaufiné, réglé afin qu’il s’ajuste parfaitement. Le nom provient d’une opération de finition, d’usinage par abrasion, réalisée sur deux pièces ou deux surfaces, pour que leur contact soit parfait et donc étanche.

Le rodage d’une moto concerne avant tout son moteur, mais pas seulement !
Une moto neuve, ce sont aussi des pneus neufs et des freins neufs qu’il faut roder.

Et c’est enfin un ensemble véhicule / conducteur, d’autant plus délicat à roder que vous êtes débutant sur votre première moto qui vous est inconnue.

Dans la vidéo ci-dessus, la partie qui nous intéresse commence à 0’55.

Le rodage des pneus

Ce n’est pas ce qu’il y a de plus difficile, mais c’est bien le plus dangereux !
Quand on vient de sortir de la concession avec sa première moto, on a parfois envie de « se faire plaisir » et de « taper dedans ». C’est juste le pire moment pour le faire…
Non seulement les pneus sont froids, mais en plus, ils sont glissants !

Qui dit « moto neuve » dit « pneus neufs », donc pas encore déparaffinés.
Pour rappel, la paraffine (ou tout autre agent gras de démoulage) sert à démouler les pneus en usine et à les stocker pour ne pas qu’ils se déssèchent avant d’être montés. C’est une très fine couche d’une substance grasse (imperméable à l’air) dont les pneus neufs sont enduits. Et ça glisse… mais vraiment !

Sur la bande de roulement des pneus, ce film gras va être abrasé par les frottements sur l’asphalte. Pour le reste des pneus, il va fondre à mesure que le pneu va monter en température et partira ensuite au moindre frottement.

La période de rodage des pneus dure quelques dizaines de kilomètres.
On vous dira souvent « 100 km » : c’est en réalité souvent moins, plutôt 40-50 km, mais cela dépend beaucoup des conditions météo. Si la route est mouillée ou humide, il va falloir plus longtemps pour complètement roder des pneus neufs. S’il fait sec mais froid, les pneus ne vont pas chauffer et la paraffine ne va pas fondre. A l’inverse, s’il fait beau et chaud et que vous roulez tout de suite sur des routes sinueuses, les pneus peuvent être rodés en 20-30 km.

Le plus grand danger concerne les 5 à 10 premiers kilomètres, tout particulièrement les premières inclinaisons des pneus, dans les tout premiers virages ou les premiers rond-points :

  • pencher la moto le moins possible au début
  • incliner de plus en plus, mais de façon très graduelle
  • ne pas accélérer sur l’angle
  • éviter les freinages appuyés, même si la moto dispose de l’ABS

C’est là que le dosage des commandes, notamment du frein avant avec un ou deux doigts, prend toute son importance.

Comme avec des pneus froids sur sol froid, il est inutile et même dangereux de slalomer, de faire des zigzags sur la route pour essayer de faire chauffer les pneus ou d’en user les bords plus rapidement. Cela ne fonctionne pas et c’est le meilleur moyen de perdre l’adhérence.

N’utilisez pas de produits solvants ou abrasifs pour frotter la surface du pneu dans l’espoir d’enlever le film gras plus rapidement. Vous risqueriez d’endommager votre pneu de manière irréversible. 

De toute façon, vous êtes en train de prendre en main votre première moto, raide neuve, que vous ne connaissez pas, dont vous ne connaissez pas les réactions, que vous n’avez surtout pas envie d’abîmer…
Tout vous dit de rouler hyyyyyyyper cool !

Ce n’est vraiment pas le moment de prévoir une balade en groupe avec vos potes motards qui ont plus d’expérience que vous et roulent sur des motos déjà rodées qu’ils connaissent bien. C’est encore moins le moment d’emmener quelqu’un en passager !

C’est un moment pour vous tout seul, où vous devez vous concentrer et rester très attentif aux réactions de cette machine. Accordez-vous du temps, profitez-en pour partir en balade hors de la ville, tranquille, de préférence par beau temps…

Comme pour le moteur, le secret du bon rodage des pneus repose sur la progressivité. Veillez à ne pas changer brusquement de mode de conduite. Soyez progressifs jusqu’à ce que vous ayez pleinement confiance dans les performances de vos pneus.

Astuce
Avec des pneus « tubeless » (sans chambre à air), il arrive que des pneus neufs perdent un peu de leur pression de gonflage lors des premiers kilomètres. Au tout début, n’hésitez pas à vérifier la bonne pression des pneus à intervalles très rapprochés, genre tous les 50 km.
Pour en savoir plus : Bien gonfler ses pneus

Le générique dure 25 secondes… Début réel de la vidéo à 0:29 !

Le rodage des freins

Comme pour des pneus neufs, des plaquettes de frein neuves doivent se roder, avec douceur et progressivité.
Le rodage des plaquettes de frein consiste à enlever la couche superficielle de ces dernières afin d’améliorer leur friction avec le disque de frein.
Il permet également d’éliminer les éventuelles impuretés et d’homogénéiser la surface des plaquettes.

Un bon rodage favorise l’adhérence entre les plaquettes et le disque, ce qui se traduit par des performances optimales de freinage et une durée de vie prolongée pour ces éléments.
A l’inverse, un mauvais rodage (ou pas de rodage du tout) risque de « glacer » les plaquettes de frein, ce qui se traduit par de mauvaises performances de freinage et une durée de vie limitée… puisque vous allez devoir les jeter pour en changer très rapidement !

Avant de procéder au rodage, il est recommandé de nettoyer le système de freinage.
Vous pouvez utiliser un nettoyant spécifique (nettoyant de frein) pour dégraisser les disques et éliminer les résidus éventuels. Normalement, sur une moto neuve, cela aura été fait en atelier lors de la « mise à la route ». N’hésitez pas à bien demander si cette opération a été réalisée.
Si vous voulez le faire vous-mêmes, utilisez un chiffon doux avec du nettoyant de freins ou de l’alcool ménager, mais surtout pas de produit gras (essence F, WD-40, essence sans plomb). L’acétone fonctionne bien aussi, mais attention : il va attaquer tout ce qui n’est pas métallique.

Une fois partis de la concession, commencez par effectuer plusieurs freinages progressifs à basse vitesse (environ 20-30 km/h).
Appliquez la pression sur les leviers de frein de manière douce et constante, avec un ou deux doigts. Répétez cette opération une dizaine de fois, en roulant pendant quelques secondes entre chaque freinage pour permettre aux plaquettes de refroidir.

Passez ensuite à des freinages plus puissants, en augmentant progressivement la vitesse de votre moto (jusqu’à environ 80-90 km/h).
Effectuez une dizaine de freinages successifs en augmentant progressivement la puissance de freinage. Entre chaque freinage, roulez pendant quelques minutes pour éviter la surchauffe des plaquettes.

Pendant la phase de rodage des freins, il est essentiel de privilégier des zones peu fréquentées : les distances de freinage sont plus longues et le fonctionnement du système de freinage peut être moins précis.

Ne surchauffez pas les plaquettes !
Enchaîner trop rapidement les freinages peut provoquer une élévation excessive de la température, ce qui risque de détériorer les plaquettes et de réduire leur efficacité. Laissez toujours du temps entre chaque freinage pour que ces dernières refroidissent. La durée de refroidissement varie selon l’intensité du freinage précédent, le vent relatif de la vitesse et la température ambiante : comptez de dix secondes à deux minutes.

Comme pour les pneus, la distance de rodage varie entre 50 et 200 km.

Le générique dure 25 secondes… Début réel de la vidéo à 0:29 !

Le rodage moteur

L’objectif du rodage moteur est d’optimiser l’ajustage des différentes pièces en mouvement (généralement en rotation) entre elles et avec les pièces immobiles (chemises de cylindre, par exemple).

Cela passe par la limitation des efforts, notamment du régime moteur, et le strict respect de la température de fonctionnement moteur, sur une période – variable de 500 à 1.500 km – durant laquelle les pièces en mouvement vont légèrement s’abraser et produire des copeaux de métal, ce qu’on appelle de la limaille.
Cette limaille devra impérativement être éliminée, évacuée, lors de la vidange d’huile réalisée à la première révision, communément appelé « révision des 1.000 km ».

De façon générale, plus le moteur est coupleux ou monte haut en régime, plus il devra être rodé avec soin et pendant longtemps.
A l’inverse, les machines de petite cylindrée (50 ou 125 cm3), peu coupleuses, peuvent se contenter d’un rodage plus court.

Les modalités précises de rodage peuvent varier selon les constructeurs et le type de moteur.
Je vous donne ici des conseils généraux, valables dans les grandes lignes. N’hésitez pas à demander conseil auprès de votre concessionnaire, surtout à un mécanicien ou au responsable atelier, plutôt qu’à un commercial.

Le respect du régime moteur

Globalement, l’idée est de ne JAMAIS dépasser les 80% du régime moteur maximal pendant toute la période de rodage, c’est-à-dire aux alentours des 1.000 premiers kilomètres.

Attention ! Quand on parle de « régime moteur maximal », ce n’est pas celui tout au bout du compte-tours (quand il est analogique), mais bien le début de la zone rouge, voire un peu avant, ce qui correspond au régime de puissance maximale. Si vous ne le connaissez pas, consultez la fiche technique de votre moto.
Pour mieux comprendre : Choisir son moteur pour débuter

Le secret d’un bon rodage moteur réside dans sa progressivité.
Il ne s’agit surtout pas de rester à 2.000 tours/minute pendant 1.000 km !
Au contraire, il faut faire « travailler » le moteur de votre moto, c’est-à-dire varier les régimes moteur, changer souvent de rapport de boîte, varier les charges, varier les vitesses…

Dans la mesure du possible, proscrivez tout trajet autoroutier (ou alors, sur moins de 50 km) et évitez de ne faire que de la ville à 30-50-70 km/h !
Allez rouler en campagne ou, mieux encore, en montagne, sans chercher à rouler « vite », mais sans vous traîner non plus.

Si vous ne savez pas du tout comment faire, vous pouvez respecter la règle des trois tiers, valable en tout cas pour les motos japonaises :

  • Sur le premier tiers de la période de rodage (soit entre 100 et 300 km), vous ne devez pas dépasser le premier tiers de la plage de régimes qui va du régime de ralenti jusqu’à 80% du régime moteur maximal. Pour la plupart des moteurs, cela équivaut à rester entre 1.000 et 3.000 ou 4.000 tr/min.
  • Sur le deuxième tiers du rodage (entre 200 et 500 km), il faut rester en-dessous du seuil des deux tiers de la plage de régimes autorisée, soit 5.000 à 6.000 tr/min maximum.
  • Sur le troisième tiers du rodage (entre 500 et 1.000 km), il faut tirer un peu plus sur les rapports de boîte, surtout les rapports inférieurs et intermédiaires (jusqu’en 4e) pour monter le régime moteur à 70-80% de la plage autorisée, mais pas plus.

N’hésitez pas à prolonger légèrement le rodage !
Parce que ça s’appelle traditionnellement « révision des 1.000 », certains motards pensent qu’il faut amener la moto au garage à 1.000 km pile poil.
En réalité, la première vidange d’huile moteur peut être réalisée entre 700 et 1.500 km, selon les modèles.

Dans l’absolu, il serait même possible de l’effectuer plus tard.
Le problème est que parfois, cette huile de rodage est très chargée en limaille, ce qui risque de générer des miro-rayures dans le moteur.
C’est pourquoi il importe de l’évacuer et de la remplacer par une huile propre.

Par contre, vous pouvez tout à fait opter pour un rodage long (sur 3.000 à 5.000 km), en plusieurs étapes (avec vidanges intermédiaires), notamment sur les moteurs bicylindres à plat (BMW et Moto Guzzi) qui présentent à la fois des cylindrées unitaires très élevées (plus de 500, voire plus de 600 cm3 par cylindre) et des régimes moteur assez élevés (entre 8.000 et 10.000 tr/min.).
Pour en savoir plus : Roder un moteur Boxer neuf

Attention, les règles et les valeurs seront différentes sur les gros moteurs V-Twin (type Harley ou Indian) qui présentent des cylindrées unitaires gigantesques, mais des régimes de fonctionnement très bas, ou à l’inverse, sur des moteurs 4-cylindres de faible cylindrée unitaire mais qui peuvent monter à plus de 14.000 ou 15.000 tr/min.
Renseignez-vous auprès d’un professionnel !

Vous pouvez commencer la vidéo directement à 1:20…

Quand on parle de « rodage moteur », bien des motards ne pensent qu’au moteur haut, aux cylindres et aux pistons.
Mais le rodage initial compte aussi beaucoup pour l’embrayage et surtout pour la boîte de vitesses !

Une boîte de vitesses séquentielle moto est un mécanisme complexe (composé d’un grand nombre d’engrenages, de pignons, de crabots, de fourchettes) qui met souvent bien plus de temps à se roder que le bloc moteur lui-même.
Pour en savoir plus : Le changement de rapports « à la volée »

Un rodage de boîte moto se fait sur minimum 2-3.000 km, parfois jusque 20.000 km selon les fabricants.
Les périodes de rodage les plus longues s’observent sur les boîtes séparées, qui sont lubrifiées par une huile spécifique, différente de l’huile moteur.
Sur les moteurs japonais et la plupart des motos européennes récentes, la boîte de vitesses est intégrée au moteur et lubrifiée par l’huile moteur, elle se rode en 3.000 km.

Pour l’ensemble des pièces mécaniques de votre moto neuve, il est important de respecter les consignes de rodage données dans la notice d’utilisation et les conseils prodigués par le mécanicien de votre concessionnaire.

Vous pouvez commencer la vidéo à 0:43, vous ne raterez pas grand-chose…

Le respect du temps de chauffe

Nous avons vu que le rodage est utile et même nécessaire pour toutes les pièces du moteur s’ajustent correctement. Ces pièces moteur sont toutes faites en métal, en général de l’acier. Et l’acier, comme tous les métaux, se dilate sous l’effet de la chaleur.
Le moteur de votre moto est conçu pour fonctionner au mieux dans une certaine plage de températures (entre 70 et 100°C).

Cette plage de températures doit IMPERATIVEMENT être respectée pendant la période de rodage.
C’est vraiment fondamental pour lui donner la meilleure durée de vie.

En-dessous de 50-60°C, le moteur est dit « froid » et c’est là qu’il s’use le plus.
Au-dessus de 110°C, le moteur est en surchauffe et il risque de s’abîmer si ça dure plus de quelques minutes.

Le rodage, c’est LE moment où il faut faire chauffer « correctement » (suffisamment mais pas trop) le moteur de votre moto !

Pendant le temps du rodage (valable tout le temps, mais surtout pendant le rodage) :

  • démarrez le moteur sur le point mort et en débrayant, sans mettre de coup de gaz
  • laissez chauffer au régime de ralenti, sur béquille latérale ou centrale, pendant 1 à 5 minutes max
  • dès que possible, roulez afin de faire circuler l’huile dans tout le moteur
  • roulez tranquillement les 5 à 10 premières minutes, voire plus s’il fait froid
  • laissez le temps de chauffer au moteur, aux pneus et aux freins
  • surveillez la température d’huile moteur si votre moto dispose de cet indicateur au tableau de bord
  • ne vous fiez pas à l’indicateur de température du liquide de refroidissement
  • ne mettez jamais la moto en surchauffe à plus de 110°C
  • si vous restez à l’arrêt sur place plus de 2-3 minutes, coupez le moteur
  • ne montez pas en zone rouge et jamais au rupteur !

Conclusion

Bien roder une moto neuve n’est finalement pas compliqué, tant qu’on sait faire preuve de patience, d’un peu de bon sens mécanique et de progressivité.

Le souci est souvent que, là encore, sur ce point comme sur tant d’autres, il circule beaucoup de préjugés, de fausses bonnes idées, de raccourcis et de simplifications outrancières… et que vous lirez ou entendrez nombre d’experts autoproclamés en mécanique qui vous dirot tout et son contraire !
Encore une fois, ne croyez pas aveuglément ce que vous pouvez lire sur les réseaux sociaux.
Vérifiez par vous-mêmes et surtout, allez poser la question à des mécaniciens professionnels de la marque de votre moto.

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