A vouloir se rendre plus visibles sur la route, certains motards en arrivent parfois à ressembler un peu trop à des motocyclistes des forces de l’ordre. D’autres aimeraient équiper leur moto d’éléments haute visibilité, mais se posent justement la question de la légalité de ces derniers. Je vous donne quelques informations et conseils issus de mon expérience personnelle.

Publication en novembre 2024

Merci à Sylvain pour l’idée de cet article !

Introduction

Faire en sorte de rendre sa machine plus visible des autres usagers de la route part d’une bonne intention et constitue en soi une bonne idée.

Un premier aspect consiste à améliorer ce qu’on appelle du mot compliqué de « conspicuité » (la propriété que possède chaque objet à attirer visuellement l’attention des individus qui regardent dans sa direction), plus communément de l’anglicisme de « détectabilité », ou du terme technique de « saillance visuelle ».

En clair, le but est de se faire mieux remarquer, se rendre plus visible ou visible de plus loin, plus détectable, par les autres usagers de la route, en particulier par les conducteurs de véhicules motorisés, tout spécialement les automobilistes.
Pour cela, on va privilégier :

  • des éclairages à diodes, pour des lumières de couleur plus froide que celle du jour, donc plus remarquables par l’oeil humain
  • des feux additionnels à l’avant, afin de créer une signature visuelle clairement identifiable
  • des zones de couleur claire, les plus étendues possible sur la moto
  • des équipements de couleur vive
  • une machine haute et/ou large

C’est par exemple dans ce but que les motards civils qui encadrent les convois exceptionnels de 3e catégorie ont pour obligation de circuler avec une moto jaune d’un coloris bien spécifique (identique à celui des autres véhicules de guidage), un casque blanc et une veste moto de couleur jaune.
Pour en savoir plus, lire Le métier de guideur moto professionnel

Clairement, tous ces éléments de saillance visuelle vont aider à se faire remarquer, mais parfois, ce n’est pas assez. Car même on se rend le plus visible possible, encore faut-il que les conducteurs nous regardent et nous perçoivent. Voir n’est pas toujours percevoir…

« Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir », dit le proverbe.
En accidentologie, on parle de cécité cognitive : même si l’oeil voit, le cerveau ne perçoit pas forcément.

Pour être détecté, il s’agit de se faire remarquer.
Et là, y a pas photo : même les automobilistes qui ne font d’habitude pas attention aux motards deviennent tout à coup bien plus attentifs quand ils pensent voir un véhicule des forces de l’ordre.
Même si le cerveau ne détecte pas consciemment la moto, le fait pour elle de ressembler à une machine d’administration (police ou gendarmerie, voire douanes, mais la plupart des gens sont moins habitués à ces dernières) la rend TOUT DE SUITE bien plus remarquable.
Donc plus « visible », mieux prise en compte.
Etonnant, non ?

Mon expérience personnelle

Quand j’ai commencé à rouler à moto au tout début des années 2000, je ne pensais pas du tout à cet aspect-là.
En 2002, quand j’ai acheté une BMW R850RT, je voulais juste la meilleure machine de grand tourisme de l’époque. Le choix de coloris était mince, je l’ai prise en gris argenté parce que j’avais un casque Schuberth Concept de la même couleur, tout simplement. Et je portais un équipement tout noir, comme la plupart des motards.

Et puis un jour, je roule par temps de brouillard sur une voie rapide quasi déserte et je dépasse une voiture qui se traîne, conduite par une personne âgée qui roule tous feux éteints. Voulant lui prendre conscience de sa négligence, je me place devant lui sur sa gauche et lui fais deux signes de la main, en montrant du doigt ses feux avant, avec le bras droit en diagonale vers le bas. Et là, le vieux met son clignotant et se range sur le bas-côté…

C’est là que je prends conscience qu’il ne faut pas grand-chose pour des automobilistes nous confondent avec des « flics ». Du coup, j’en parle à mes potes de l’époque en R1100RT et R1150RT bleues… et c’est un festival d’anecdotes à base de conducteurs qui jettent leur téléphone en les voyant, mettent précipitamment leur ceinture, freinent brutalement, etc.

Même dix ans plus tard, un copain qui roulait avec un vieux K75RT bleu, un casque modulable Nolan N100 et un blouson noir et bleu, n’arrêtait pas d’être pris pour un « MIB » par des automobilistes un peu âgés qui avaient été habitués pendant des années à cette moto de gendarmes dans les années 1980-1990…

En 2005, je passe sur GS, j’enchaîne les GS Adventure pendant dix ans et plus personne ne me confond avec un gendarme…

En 2015, suite à un accident qui entraîne de multiples expertises, mon R1200GSA reste indisponible pendant des mois en pleine saison de stages de conduite : il me faut absolument une moto routière costaude et pas chère.
En urgence, j’achète un R1150RT anciennement gendarmerie, équipé au départ de toute sa dotation d’origine.

J’enlève le gyrophare sur mât à l’arrière, la centrale de la sirène « deux tons » dans le coffre arrière et l’antenne radio. Je remplace les optiques bleues par des blanches dans les deux phares ronds (ce qu’on appelait à l’époque les « oreilles de mickey »), je fais concevoir et apposer une signalétique par une boîte spécialisée, et hop !

Je peux vous dire que bizarrement, on me voyait vraiment bien sur la route… En interfile, c’était Moïse fendant les eaux de la Mer Rouge !

Après cela, je passe sur un R1200RT bleu, puis le même en blanc.

Après être revenu sur GS Adventure de 2020 à 2022, je roule maintenant en Honda 1000 Africa Twin : aucun risque de me prendre pour un gendarme !
Pourtant, depuis 2023, je roule souvent avec un pantalon Leo Minor, le même que celui en dotation chez les motocyclistes d’administration, associé à ma veste Klim Kodiak bleu marine et gris que j’ai depuis 2018, et des brassards VFluo ArmTech.

Combiné avec le casque modulable ouvert, ça peut faire illusion de loin…

J’ai croisé sur la route des dizaines de policiers et de gendarmes, motocyclistes ou non, et aucun ne m’a interpellé pour me demander des explications ou je ne sais quoi.

Qu’est-ce qui est interdit par la loi ?

En théorie, on peut faire à peu près tout ce qu’on veut sur nos motos civiles, sauf :

  • apposer des mentions « police » ou « gendarmerie »
  • avoir des feux bleus à éclats
  • ni un avertisseur sonore à deux tons

Concernant les mentions écrites sur la moto, tout ce qui peut se rapprocher et créer une confusion va vous attirer des ennuis. Un motard, qui roulait avec une signalétique « Gérard et Marie » à l’avant de sa moto, a vite dû l’enlever après une interpellation un peu énervée.
Ce genre de choses passe aussi très mal auprès des forces de l’ordre :

De façon générale, je vous conseille également d’éviter tout ce qui ressemble à un gyrophare ou des feux à éclats (stroboscope), surtout de couleur bleue.
Même un gyrophare ou des feux additionnels à diodes de couleur orange risquent de vous attirer des ennuis. Certes, les gyros oranges sont autorisés aux civils, mais pas à tout le monde. Leur usage est réglementé (convois agricoles, convois exceptionnels, sécurité de courses sur route…), il faut avoir une bonne raison pour les installer et plus encore pour les activer.

Pour le reste, la seule limite reste l’article 433-15 du Code pénal qui prévoit que :

« Est puni de six mois d’emprisonnement et de 7.500 euros d’amende le fait, par toute personne, publiquement, de porter un costume ou un uniforme, d’utiliser un véhicule, ou de faire usage d’un insigne ou d’un document présentant, avec les costumes, uniformes, véhicules, insignes ou documents distinctifs réservés aux fonctionnaires de la police nationale ou aux militaires, une ressemblance de nature à causer une méprise dans l’esprit du public. »

En clair, on n’a pas le droit de trop ressembler à un flic sur la route, sur la voie publique…
Maintenant, où se situe le « trop » ?
La « ressemblance de nature à causer une méprise dans l’esprit du public » est laissée à l’appréciation des agents des forces de l’ordre ou, en dernier ressort, au juge.

Globalement, pour en avoir discuté avec des copains policiers ou gendarmes, tant qu’un civil (ou un fonctionnaire en dehors de son service) circule avec une moto qui ressemble – même fortement – à un véhicule des forces de l’ordre, mais que son équipement motard ne laisse aucun doute sur son statut civil… ça passe !
La preuve avec mon ancien 1150RT ex-gendarmerie.

S’il circule sur la voie publique avec une tenue ressemblant de loin à un uniforme de motocycliste police ou gendarmerie, mais avec une moto qui ne ressemble pas à un véhicule d’administration… ça passe.
La preuve avec ma tenue de route du moment et mon Africa Twin.

Par contre, si un motard lambda circule sur la route avec une moto qui ressemble à un véhicule des forces de l’ordre et en plus une tenue qui prête à confusion… il risque fortement l’interpellation s’il croise une patrouille.
Surtout s’il a le malheur de faire des gestes comminatoires aux autres conducteurs et/ou une attitude générale tendant à se faire passer pour un agent des forces de l’ordre.

Exemple bien connu en Belgique il y a quelques années, avec un motard dont la tenue et la moto ressemblent très fortement à celles de la police militaire de l’époque (années 1990-2000) :

Dans son cas, la goutte d’eau qui a emporté la décision a clairement été la sirène deux tons, identique à celle de la police belge. Et sans doute sa mauvaise foi, aussi, un peu…

Avertissement

Il peut y avoir un intérêt à vaguement ressembler de loin à un motocycliste des forces de l’ordre.
De là à vouloir se faire passer pour l’un d’eux, il y a une marge… et trois risques possibles !

Primo, se faire interpeller et verbaliser
Même si vous contestez, même si vous êtes relaxé par le tribunal, vous devrez au minimum payer les frais d’avocat pour votre défense. Pendant le temps de l’enquête, votre moto risque fort d’être saisie et immobilisée jusqu’à la décision de justice.

Secundo, ne pas pouvoir conduire comme on veut
Si vous voulez passer pour un agent motocycliste, il va falloir conduire et vous conduire comme eux… Les autres conducteurs, qui vous prennent pour un gendarme ou un policier, attendent inconsciemment de vous une certaine attitude, surtout en l’absence de gyrophare et de sirène. Si votre conduite ne correspond pas au comportement habituel des forces de l’ordre, cela va tout de suite leur mettre la puce à l’oreille et les agacer.

Tertio, être vraiment pris pour un flic par de mauvaises personnes
Tout le monde ne porte pas forcément les forces de l’ordre dans son coeur. Certains ont parfois l’envie et les moyens de « se faire un flic »… Si vous tombez au mauvais endroit au mauvais moment et que des malfaiteurs armés ou des terroristes vous confondent avec un policier, cela peut très mal se terminer pour vous qui n’êtes ni armé, ni entraîné à réagir dans ce type de situation.

Qu’est-ce qui est légalement autorisé ?

Réponse simple : tout ce qui n’est pas interdit.

Aucun problème pour ajouter des feux additionnels, dans la limite de ce qui est prévu par la loi.
Vous avez le droit d’installer des feux additionnels, destinés à faciliter la saillance visuelle des motos, sans devoir recourir aux feux de détresse (en théorie interdits hors situation d’urgence), ni aux feux anti-brouillard (réservés au temps de brouillard, justement). Pour cela, le Code de la Route a été modifié afin d’autoriser les feux diurnes (feux de jour), dans le cadre de la transposition en droit français du règlement européen 168/2013.

Depuis avril 2016, l’article R313-4-1 du Code de la Route prévoit que :

« Tout véhicule à moteur peut être muni à l’avant de deux feux de circulation diurne émettant vers l’avant une lumière blanche permettant de rendre le véhicule plus visible de jour.
Tout side-car équipant une motocyclette peut être muni à l’avant d’un feu de circulation diurne. »

Du coup, une moto peut comporter en face avant :

  • un ou deux feux de brouillard avant
  • deux feux de circulation diurne
  • un ou deux feux de position (veilleuses)
  • un ou deux feux de croisement (codes)
  • un ou deux feux de route (phares)
  • deux feux indicateurs de direction (clignotants)
  • deux feux d’angle
  • un système d’éclairage avant adaptatif (feux orientables en virage)

Aucun problème pour ajouter des bandes à haute visibilité et/ou rétro-réfléchissantes, en face avant, sur les côtés et/ou à l’arrière, que ce soit sur la moto elle-même ou sur les bagages.
Idem pour les liserés de jantes, les loupiotes diverses et variées, façon « sapin de Noël »…

Aucun problème pour porter un casque de couleur blanche ou fluo.
Lire Le casque moto, un élément de visibilité ?

Aucun probléme pour modifier la couleur de la moto, que ce soit avec une peinture perso ou du covering.
Pas de restriction sur les couleurs : la notion de « bleu gendarmerie » n’existe pas. Les véhicules et tenues de la gendarmerie nationale française sont tour à tour de couleur bleu ciel, bleu marine ou bleu nuit.

2 thoughts on “Un motard civil peut-il ressembler à un gendarme ?”

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