Comment adapter la réponse des secours médicaux à la congestion urbaine, aux difficultés d’intervention dans les grandes villes embouteillées ? Depuis longtemps, une solution est envisagée et essayée : le recours au deux-roues moteur, avec des motos transportant un secouriste. Enquête sur la longue histoire des motos de secours d’urgence.

Première publication en décembre 2019.
Mise à jour en octobre 2021.

La profession de conducteur-ambulancier de motos médicalisées n’existe pas encore, mais pourrait devenir un nouveau métier du monde moto, comme récemment celui de chauffeur de moto-taxi et celui de guideur moto de convois exceptionnels.
Deux métiers qui ont mis du temps à émerger et à se réguler, avec (là aussi) souvent un grand enthousiasme au début et beaucoup de déceptions à la clef.
Pour en savoir plus, lire Le métier de guideur moto professionnel.

Remerciements :

Je remercie avant tout la Dre Esmeralda Lucciolli dont la rencontre m’a donné l’idée en 2016 de réaliser cette enquête et de rédiger cet article, ainsi que pour son témoignage, ses photos et sa thèse de doctorat en médecine sur « La motocyclette dans les secours médicaux d’urgence : à propos de la première expérience de médicalisation du boulevard périphérique par le SAMU de Paris », parue en 1979.

Je remercie également, pour leurs apports et leurs remarques, mes amis médecins motards, les Drs Lucien Castagnera, David Popesco, Philippe Roche et Stéphane Vervoux, ainsi que ma compagne, la Dre Catherine Berthet.

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Un problème de santé publique

Le constat du problème, posé d’un côté par la nécessité d’intervenir très rapidement sur certaines pathologies (arrêt cardiaque, crise d’asthme aigüe ou accident vasculaire cérébral par exemple) et de l’autre côté par la densité du trafic qui gêne la progression des véhicules de secours dans les agglomérations, ne date pas d’hier.

Dans le cas d’un arrêt cardio-respiratoire, on estime que chaque minute passée sans réanimation cardio-pulmonaire (par un simple massage cardiaque ou une défibrillation) diminue de 10% les chances de survie de la victime.
Au bout de dix minutes, il n’y a quasiment plus rien à faire, les lésions infligées au cerveau non irrigué sont irréversibles.
D’où l’intérêt d’intervenir au plus vite, soit par une personne présente sur place qui saura appliquer les gestes d’urgence, soit par un secouriste professionnel envoyé sur les lieux.

Dans les grandes villes françaises, dotées d’un bon maillage de centres hospitaliers et de casernes de pompiers, le temps d’intervention moyen (après alerte téléphonique au 15 ou au 18) se situe entre 10 et 15 minutes. Dans la mesure où le déplacement d’une moto permet un gain de temps de 40 à 50% par rapport à un fourgon ou une voiture, les trois à quatre minutes gagnées peuvent faire une vraie différence et permettre de sauver des milliers de vies chaque année.

Une étude, conduite en 2013 et 2014 par une équipe de l’université de Lille (publiée en avril 2019 dans la revue médicale Anaesthesia Critical Care & Pain Medicine), comptabilise 46.000 arrêts cardiaques extrahospitaliers (en dehors d’un hôpital) par an en France.
Il s’agit d’ « une mort naturelle avec perte brutale de conscience dans l’heure qui suit le début des symptômes, chez un sujet ayant ou non une maladie cardiaque connue« , explique la Fondation Cœur & Recherche.
Les trois quarts de ces « crises cardiaques » se produisent à domicile, le reste sur la voie publique ou sur le lieu de travail.
Le taux de survie après 30 jours est de seulement 4,9%, augmentant à 10,4% lorsqu’un massage cardiaque a été effectué immédiatement après la perte de conscience, d’après cette étude qui a analysé les données de 14 services SMUR à travers la France pendant deux ans.

Ces données sont proches de celles constatées dans les autres grands pays européens. Elles confirment les estimations avancées depuis des années, soit entre 40.000 et 50.000 décès par arrêt cardiaque chaque année en France.
C’est-à-dire une des principales causes de décès dans notre pays, quand les accidents dits « domestiques » font environ 20.000 morts par an, les suicides environ 10.000, les maladies nosocomiales environ 4.000…

Dans ce contexte, la communauté médicale réfléchit depuis longtemps à des solutions.

Pour en savoir plus sur comment intervenir, alerter et aider, lire Les gestes qui sauvent un motard.

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Explications

En France, deux services assurent les secours d’urgence en dehors de l’hôpital, c’est-à-dire :

  • quand les victimes ne sont pas déjà hospitalisées (on parle de « secours préhospitalier »),
  • qu’elles ne sont pas en capacité de se déplacer elles-mêmes dans le service des urgences d’un centre hospitalier,
  • qu’elles ne sont pas en capacité d’aller consulter un médecin libéral,
  • et que leur état médical est jugé sérieux par le médecin régulateur.

Le premier de ces services est bien connu : il s’agit des pompiers, organisés dans chaque département au sein du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours).
Deux de ces SDIS sont constitués de sapeurs-pompiers professionnels sous statut militaire : la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et le bataillon des marins-pompiers de Marseille.
Dans les autres départements, les personnels du SDIS sont composés en grande partie de volontaires (à 80%) et de professionnels, dont des médecins et infirmiers.

Ce qu’on appelle le secours d’urgence aux personnes (au domicile ou sur la voie publique) représente aujourd’hui les trois quarts de l’activité opérationnelle des sapeurs-pompiers, mais il ne constitue qu’une partie de leurs missions.
Les pompiers se doivent de rester disponibles pour d’autres missions, tout aussi urgentes : accidents de la circulation, incendies, inondations, risques d’effondrement, sauvetage d’animaux, fuite de gaz, etc.

C’est pourquoi les urgences médicales, celles qui nécessitent l’engagement de médecins et de moyens médicaux, sont de préférence traitées par le second service de secours d’urgence : le SAMU.

Le Service d’Aide Médicale Urgente (SAMU) est un service hospitalier qui organise le traitement des urgences en dehors de l’hôpital, à l’échelon départemental.
Dans chaque département, un centre de régulation médicale (Centre de Réception et de Régulation des Appels) évalue la situation et envoie si besoin une équipe intervenir sur la voie publique ou au domicile de la victime.

Le médecin régulateur du SAMU déclenche les moyens de secours dimensionnés à la situation, par ordre croissant :

  • ambulance privée ;
  • véhicule de la Protection Civile (ADPC, Association Départementale de Protection Civile) ou de la Croix-Rouge Française (CRF), avec ambulanciers et infirmiers bénévoles ;
  • véhicule des pompiers VSAV (véhicule de secours et assistance aux victimes),
  • véhicule radio-médicalisé VRM des pompiers (avec médecin ou infirmier) ;
  • véhicule SMUR (avec équipe médicale complète) ;
  • hélicoptère SMUR ou Sécurité civile ou gendarmerie…

Le grand public confond souvent SAMU et SMUR.
Le SMUR est le « bras armé » du SAMU, le SMUR se déplace sur le terrain, alors que le SAMU reste un central téléphonique.

Ce qu’on appelle SMUR est un service d’intervention, distinct du SAMU.
Il s’agit d’une structure mobile d’urgence et de réanimation qui envoie à la demande du SAMU une équipe médicale, dans un véhicule, avec du matériel – ce qui compose une UMH (unité mobile hospitalière).

L’équipe médicale comprend au moins trois personnes :

  • un médecin urgentiste,
  • parfois un médecin anesthésiste ou un pédiatre, qui assure les soins dans les véhicules,
  • un conducteur ambulancier,
  • un(e) infirmier-ère, voire un(e) infirmier-ère anesthésiste.

Le véhicule SMUR est doté d’un matériel de réanimation complet, avec des moyens dits « lourds ».

Cette unité intervient exclusivement sur régulation du SAMU pour assurer la prise en charge, le diagnostic, le traitement et le transport des patients en situation d’urgence vitale.

Sur chaque rassemblement de foule (manifestation, épreuve sportive, etc.), au moins une équipe du SMUR est déployée, en plus des secours traditionnels comme la Croix-Rouge ou la Protection Civile.
En effet, seule l’équipe SMUR comprend un médecin apte à établir un diagnostic et à pratiquer une réanimation.

Ces équipes utilisent différents véhicules et peuvent recourir à l’outil moto pour certaines interventions.
Certaines de ces équipes missionnées par le SAMU (et autres que les SMUR) sont composées de secouristes non médecins (brevetés infirmiers ou ambulanciers), souvent bénévoles.
D’autres peuvent appartenir à des sociétés privées d’ambulances.
C’est souvent sous ce statut qu’interviennent aujourd’hui les motos de secours d’urgence.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le chemin reste encore long pour faire passer les « motos SAMU » du stade de projet expérimental à celui d’une solution de secours d’urgence dans les grandes agglomérations françaises.

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Années 1970, les débuts

La première expérience visant à utiliser la moto dans le secours d’urgence médicalisé a été mise en place dans le cadre du SAMU de Paris à la fin des années 70.

Elle est née d’un groupe de médecins et d’étudiants en médecine pratiquant la moto, qui avaient créé une association : l’Institut de recherche sur la sécurité dans les sports mécaniques (IRSSM).
Cette association a commencé par assurer le service médical du tour de Corse moto en 1977, en collaboration avec le SAMU d’Ajaccio.
Le dispositif reposait sur trois motos Honda 550 bleues et blanches, chacune montée par un médecin et un étudiant externe ou interne, et équipée en matériel de réanimation pour une ou deux interventions.
Les motos étaient dotées de feux clignotants, d’un avertisseur type police et d’un poste radio.

En 1978, il est décidé d’expérimenter ce type d’intervention sur le périphérique parisien, sur lequel les accès sont particulièrement difficiles compte tenu de l’absence de voie d’urgence.

Dans une première version et pendant deux semaines, les interventions sont assurées par une moto « médicale », montée par un médecin et un étudiant hospitalier, escortée par deux motards de la préfecture de police de Paris.
Toute l’équipe de neuf médecins et étudiants est basée au PC du périphérique porte d’Ivry, de 8 heures à 23 heures.
Les sorties sont déclenchées par le SAMU ou la police, dès qu’un accident corporel est signalé.
En fonction de la gravité du cas, le transport est ensuite assuré soit par Police secours, soit par une ambulance du SAMU arrivant sur les lieux à la suite du bilan transmis par radio.

Cette première expérience est jugée positive en termes de délais d’intervention notamment.
Là où les véhicules de secours mettent au moins dix minutes pour arriver sur les lieux à partir de cinq points de départ différents, les motos mettent entre 2 et 12 minutes à partir de la porte d’Ivry, avec une moyenne de six minutes et demi.
A partir de la même alerte, la moto est toujours arrivée la première, avec un temps d’avance variant entre 1 et 9 minutes.

Par ailleurs, un tiers des 33 interventions se concluent par un transport médicalisé. Dans les deux tiers des cas, la moto aurait pu intervenir seule et éviter le déplacement de moyens lourds et la dispersion inutile d’ambulances pouvant être requises pour d’autres secours d’urgence.

Il est décidé de renouveler l’expérimentation pendant quelques mois en 1979 selon des modalités différentes, à la suite d’un léger accident d’un médecin.
Il est jugé préférable que l’équipe médicale n’ait pas à assurer à la fois la conduite en situation d’urgence et les interventions médicales.

Dans la deuxième édition de l’expérience menée sur le périphérique, ce sont des policiers motocyclistes qui conduisent les motos biplaces, avec le médecin et l’étudiant hospitalier en passager.

Ce dispositif, reposant essentiellement sur l’engagement de médecins et étudiants hospitaliers également motards, n’est pas pérennisé et s’arrête en 1979.

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Années 1990, des initiatives ponctuelles

A l’été 1997, lors des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) organisées cette année-là sur l’hippodrome de Longchamp en banlieue de Paris, le SAMU de Paris engage deux scooters de première urgence.

Ces SPU embarquent du matériel de premiers secours, une bouteille d’oxygène, des minerves et des attelles, permettant une intervention plus rapide des médecins au milieu de la foule de fidèles.

Ces scooters, mis à la disposition du SAMU de Paris dans le cadre d’une opération de promotion, sont utilisés par les médecins en poste sur le site pour transporter leur matériel, alors même que du fait de la foule (estimée entre 700.000 et un million de personnes selon les jours), il est difficile d’envisager l’utilisation d’une automobile.

L’utilisation effective de ces scooters a finalement été limitée, du fait du faible nombre d’événements ayant nécessité une médicalisation.

A l’époque, les pouvoirs publics reconnaissent l’efficacité de cette solution, mais seulement dans le contexte d’une manifestation de ce type, caractérisée par :

  • une foule très importante, mais calme,
  • se déroulant sur un terrain parfaitement plat, encombré de peu d’obstacles
  • avec un temps clément, 
  • pour une utilisation de transport d’un matériel médical relativement lourd qui sans cela aurait dû être transporté à bras d’homme,
  • avec des motos pré-positionnées sur place.

C’est dans ce contexte que sont encore déployées aujourd’hui la majorité des motos de secours d’urgence.

Néanmoins, il s’agit là d’un contexte particulier dont il n’est guère possible de tirer les leçons pour le développement de tels moyens lors des interventions traditionnelles.

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Années 2000, des expérimentations

De 2009 à 2012, l’antenne départementale de la Protection Civile du Bas-Rhin met en place une moto de premiers secours, qui complète les autres véhicules susceptibles d’être envoyés en intervention par le SAMU 67.

Dans un premier temps, il s’agit d’une Buell Ulysses XB12XT, financée grâce à des mécènes, en particulier la concession Harley-Davidson de Strasbourg-Fegersheim.

Cette moto est équipée de gyrophares et autres feux de pénétration bleus.
Ses trois coffres permettent d’emporter tout l’équipement du secouriste : DSA, oxygénothérapie, BAVU, kit hémo, kit membre sectionné, glucomètre, saturomètre, lampe, diverses compresses, collier cervical, masque haute concentration, moyenne concentration, lunettes, kit pédiatrique, et BAVU pédiatrique.

En 2012, cette moto est remplacée par une BMW R1150RT, dotée des mêmes équipements de signalisation.

Cette nouvelle moto est équipée de matériel médico-technique de dernière génération de l’époque, à savoir oxymétrie de pouls, moniteur multiparamétrique, défibrillateur semi-automatique avec télétransmission, matériel de prise en charge de pathologies respiratoires et de réanimation… et d’un GPS pour mener les secouristes sur les lieux de l’accident le plus rapidement possible.

Lire dans les commentaires les précisions d’Yves François, président de la Protection Civile du Bas-Rhin.

Dans le même esprit, l’Association Savoyarde de Sauvetage et de Secourisme de Chambéry teste pendant quelques temps en 2010 une moto Kawasaki Versys 650.

A l’époque, ces motos d’intervention rapide pour premiers secours sont restées en phase de test.
Yves François nous précise qu’il était question dans le 67 d’une mise en oeuvre pérenne pour les reconnaissances et premiers secours, mais que l’application des directives sur la répartition des compétences SAMU / SDIS ont conduit à l’arrêt de l’usage de la moto.
« Concrètement, plus d’envoi [de la moto] sur les urgences vitales, alors que son emploi diminue les temps de réponse de moitié. »

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Années 2010, des avancées

Avec la densité croissante du trafic automobile dans les grandes villes, l’idée d’un secours d’urgence à moto revient régulièrement.
Des initiatives (toujours privées) sont ponctuellement expérimentées par des SAMU, dans l’espoir d’une homologation départementale ou nationale qui n’a pour le moment jamais été finalisée.

Des motos d’intervention médicale sont de temps en temps déployées sur le terrain, notamment pour encadrer des courses cyclistes ou des épreuves de course pédestre, mais toujours sous la responsabilité d’opérateurs privés, des organisateurs de ces différents événements.

De 2011 à 2019, Emergency City Bike

La première initiative d’importance est proposée par Raymond Loizeaux, ancien policier motocycliste, et Ali Afdjei, médecin urgentiste, tous deux à l’origine de la société Emergency City Bike (ECB).

Ils sont ensuite rejoints par Philippe Legendre, ancien gendarme motocycliste, et aidés par Arnaud Delmas-Marsalet, patron de la concession BMW « Moto Passion » à Boulazac, près de Périgueux, en Dordogne.

Le concept d’ECB diffère des expérimentations précédentes.
Le conducteur de la moto n’est plus un secouriste, mais un motard expérimenté dont la première mission est d’assurer la sécurité du médecin urgentiste en passager.

Dans la pratique, le conducteur est souvent formé aux premiers secours, voire titulaire d’un brevet d’ambulancier. Mais il s’agit avant tout d’un motard formé à la conduite d’urgence.
Par souci de sécurité, les deux occupants de la moto sont équipés chacun d’un gilet airbag.

C’est ce travail d’équipe qui fait toute la différence : le véhicule n’est pas conduit par le médecin en charge de l’intervention, mais par un motard chevronné.
Ainsi, l’urgentiste se concentre sur son intervention à venir et évite le stress induit par la conduite. À l’inverse, le pilote est uniquement focalisé sur la route.

Seule limite : la moto ne peut évidemment conduire aucun blessé à l’hôpital. Un handicap qui n’en est pas vraiment un… En effet, la moto SAMU n’a pas pour objectif de remplacer complètement l’ambulance. Les patients nécessitant d’être transférés sont toujours pris en charge par un fourgon.
De plus, certaines victimes n’ont pas besoin de se rendre à l’hôpital si l’urgentiste juge que le danger est écarté : un gain de temps et d’argent en termes de santé public.

Autre économie : la moto médicalisée coûte sept fois moins cher qu’une ambulance.

Inconvénient majeur, la moto ne peut transporter qu’un médecin.
Un médecin seul, sans infirmier, est d’une efficacité limitée sur des situations complexes. S’il n’est pas assisté, cela peut entraîner une perte de temps préjudiciable à la victime, alors que l’objectif principal du recours à la moto est justement de gagner du temps.
La solution est alors de sélectionner un conducteur de moto de secours qui soit formé à la conduite d’urgence et aussi breveté infirmier… un profil rare !

Lors du salon moto de Paris de 2011, ECB présente sa première moto médicalisée, une Honda 1800 Goldwing.

Le premier test en situation réelle se déroule à Périgueux, sur une semaine en octobre 2013, avec une BMW R1200GS transformée en « moto ambulance » et prêtée par le concessionnaire BMW local.

Quelques sorties suffisent à convaincre le docteur Michel Gautron, chef du département de médecine d’urgence de l’hôpital de Périgueux, de la pertinence du deux-roues motorisé médicalisé.

« La moto permet de s’extraire de la circulation et donc d’intervenir plus rapidement. Quand la détresse vitale d’un patient est engagée, chaque minute gagnée est précieuse », explique le chef des urgences à la fin du test.
Une appréciation positive qu’il fait remonter à l’Agence régionale de santé (ARS).
« Prise en charge optimale des patients », « réduction évidente des délais d’intervention lors des périodes denses de trafic » : Jacques Billant, alors préfet de Dordogne et qui a autorisé l’expérimentation, n’hésite pas à dire au ministère de la Santé tout le bien qu’il pense lui aussi de la moto.

« Bouteille d’oxygène, défibrillateur cardiaque, aspirateur à mucosités, ampoulier, scope qui permet de surveiller tous les paramètres vitaux… Nos motos contiennent tout le matériel d’une ambulance du Smur, mais en miniature », explique Arnaud Delmas-Marsalet.
« C’est plein de spécificités à intégrer (feux de pénétration bleus, sirènes, etc.) et de normes à respecter. Il a fallu doter la moto d’un GPS le plus rapide et intuitif possible et d’un système de géolocalisation », détaille le concessionnaire BMW de Boulazac, récompensé pour la création de sa moto médicalisée par le prix « innovation de procédé », attribué par la Chambre de métiers et de l’artisanat de Dordogne.

La deuxième expérimentation en vue d’une homologation par le SAMU commence en mars 2016 avec le SMUR de l’hôpital Lariboisière à Paris, là même d’où sont partis les premiers médecins urgentistes motards, trente ans plus tôt.

Toutes les motos ECB, soit deux Honda Goldwing et une BMW R1200GS, enchaînent les sorties en urgence dans les rues de Paris, afin de démontrer l’efficacité du concept en suivant un protocole médical pré-établi.
Les motos doivent réaliser 300 interventions avant de pouvoir être officiellement homologuées par le SAMU de Paris.

« Au début, la moto n’avait pas forcément une très bonne image auprès des urgentistes. Ils ramassaient trop de motards passés sous des voitures, explique Raymond Loizeaux. Mais les cinq urgentistes de Lariboisière se sont rendus compte qu’ils étaient en sécurité et installés confortablement. Nos pilotes doivent être aguerris. Nous avons signé une convention avec le Centre national de formation à la sécurité routière de la gendarmerie. »

Les motards sélectionnés pour devenir conducteurs de ces motos d’urgence doivent justifier d’au moins dix ans de pratique moto, passer trois jours de sélection avec des tests théoriques et pratiques, puis suivre dix jours de formation, dont les détails ont été définis avec les instructeurs de l’école de gendarmerie motocycliste de Fontainebleau.
L’objectif est d’assurer la sécurité maximale de l’équipage et de rassurer non seulement les médecins, mais surtout les décideurs des différents SAMU départementaux.

À quand l’homologation ? Très bientôt, espère alors Raymond Loizeaux.
« Ce qui révolte le plus dans cette histoire, c’est que tout le monde trouve le projet formidable, mais on ne trouve personne pour nous aider financièrement à le développer. »

Le temps lui donne raison : toujours en attente d’homologation en 2018, en dépit du soutien de la gendarmerie nationale et de la police nationale, malgré une couverture médiatique sans précédent pour un tel projet, l’entreprise consomme peu à peu ses réserves financières.
ECB cesse son activité et la société est dissoute en octobre 2019.

« Plusieurs projets de secours en moto ont vu le jour et ont été abandonnés par manque d’efficacité ou pour cause d’accident, soulignaient les fondateurs sur leur site web. Nous pensons que ces échecs sont dus à l’inexistence de travail d’équipe, alliant et maîtrisant les compétences médicales et la conduite moto. »
La double compétence n’aura pas suffi face au scepticisme des directeurs de SAMU et de SMUR.

Parallèlement à ECB, d’autres modèles de « motos SAMU » ont été testés dans la décennie 2010.

Depuis 2011, le SMUR de Garches (92)

Dans le département des Hauts-de-Seine par exemple, le SMUR de l’hôpital de Garches expérimente depuis 2011 un nouveau concept de secours, avec d’abord des Yamaha Super Ténéré 1200, puis des BMW F800GS (depuis 2013), qui servent à encadrer de grands événements, notamment sportifs.

C’est au cours d’un de ces événements (le semi-marathon de Boulogne) qu’une ambulance de réanimation s’est retrouvée dans l’impossibilité d’accéder à un patient : le véhicule de secours ne pouvait pas remonter sans danger le flot des coureurs, ni prendre un itinéraire de contournement car les routes étaient saturées…
Heureusement, cet incident fut sans conséquence pour le patient qui a pu être secouru par une autre équipe, mais il a permis de mettre en évidence un dysfonctionnement.

Les urgentistes du SMUR de Garches (92) ont imaginé une structure capable d’intervenir au plus vite, tout en étant parfaitement autonome… hormis pour le transport in fine du patient qui ne pourra être confié qu’à un véhicule à quatre roues.

L’équipe se compose de trois motos, chacune pilotées par un médecin, un infirmier et un ambulancier.
L’ambulancier ouvre la route au médecin, tandis que l’infirmier couvre ses arrières et ses côtés. Car l’élément le plus important du dispositif reste le médecin, seul habilité à pouvoir établir un diagnostic et à prodiguer les soins vitaux.

Le matériel de secours et de réanimation est réparti sur les trois motos : défibrillateur, électrocardiogramme, oxygénothérapie, kit d’intubation, extincteur, etc.
Le fabricant Schiller Médical a conçu gracieusement un défibrillateur compact et résistant aux vibrations, spécifiquement pour ce projet.

Double avantage du concept :

  1. une équipe médicale complète, avec le triptyque traditionnel médecin + infirmier + ambulancier, habitué à travailler ensemble ;
  2. une panoplie de moyens médicaux plus conséquente qu’avec une seule moto.

Comme dans le projet ECB, la sécurité des secouristes est le maître mot de ce projet.
L’accent a été mis sur la sécurité active et passive des motos et de leurs équipages : ABS, antipatinage, signalisation visuelle et sonore (gyrophare, feux de pénétration, sirène deux tons), airbag pilote, etc.
Les pilotes – tous motards à titre personnel depuis au moins dix ans – sont allés se former à l’école motocycliste de la Préfecture de police de Paris (celle-ci a depuis été intégrée au CNFM de la police nationale, à Sens).
Et les motos observent une trêve hivernale, toujours pour raison de sécurité.

C’est à ces conditions que l’équipe continue à opérer et grâce aussi au soutien financier du Lion’s Club du 92, qui a pris en charge les 30.000 euros nécessaires pour racheter les trois F800GS, initialement prêtées par BMW France de 2013 à 2017.

La différence majeure avec les autres expérimentations repose sur le fait que ces motos médicalisées n’interviennent que lors d’événements de masse, comme des marathons, des manifestations ou des concerts, sur lesquelles elles sont pré-positionnées.

« Sur ce type d’événement, nous intervenons surtout sur des pathologies cardiaques graves, comme des infarctus ou des arrêts cardiorespiratoires, où chaque minute compte », insiste Charles Groizard, médecin responsable de l’unité du Samu 92.

« En quatre ans, ce sont au moins une quinzaine de vies qui ont pu être sauvées », estime Marc Florensa, référent logistique du Samu 92.

La limite du concept est qu’il requiert non pas une, mais trois personnes avec une double compétence motarde et médicale, sans oublier trois motos.
Le coût total est plus élevé qu’avec une seule moto conduite par une seule personne à double compétence, qui transporte un médecin, lequel n’a pas besoin d’être motard.

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Depuis 2016, Moto Urgence 21

Un ancien sous-officier de gendarmerie mobile et secouriste bénévole au GIPC (groupement d’intervention de la protection civile), titulaire du permis moto mais sans être gendarme motocycliste, fort de plusieurs années d’expérience comme motard escorteur de courses cyclistes, s’est lui aussi lancé dans l’aventure de la moto de secours d’urgence.

Originaire de Dijon (Côte-d’Or, 21), Francis Pouget a créé son entreprise France Moto Médicale et a équipé à ses frais une moto Triumph Trophy 1200 avec la signalisation nécessaire et le matériel médical adapté.

Depuis 2016, il rode son concept en intervenant sur des transports de sang ou d’organes, en transportant un médecin lors de courses cyclistes et autres événements sportifs, comme le rallye moto de Côte-d’Or organisé lors des Coupes Moto Légende.

Moto Urgence 21 enchaîne les expérimentations ponctuelles pour différents SAMU départementaux, parfois sur une semaine, parfois sur un mois, en espérant parvenir un jour à faire homologuer sa solution de moto médicalisée d’intervention.

Sa solution repose sur les mêmes bases que celles d’ECB : un motard chevronné conduit la moto et transporte un médecin urgentiste, afin de libérer ce dernier du stress de la route et de lui permettre de se projeter au mieux sur l’intervention où il est engagé.

Là aussi, les deux occupants de la moto portent un gilet airbag.
Ils sont reliés par intercom afin de communiquer ensemble et une radio leur permet de rester en liaison avec le centre de régulation SAMU.
La moto est équipée d’une caméra embarquée qui filme l’ensemble de l’intervention, afin d’en analyser les conditions dans le cadre du protocole d’homologation.

Francis Pouget a investi 30.000 euros, via un crédit, pour développer son idée.
Il a récemment lancé un financement participatif pour soutenir son projet.

Pour le moment, il est seul impliqué dans ce projet.
Dans son esprit, seuls les anciens motocyclistes d’administration (gendarmerie, police, douanes) sont formés à la conduite d’urgence et susceptibles d’être capables de prendre le guidon d’une moto d’intervention médicale.

On ne peut que lui souhaiter bonne chance, quand on voit le sort subi par les projets précédents…

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Pour le moment en France, les seules motos médicalisées opérationnelles sont celles qui interviennent en étant pré-positionnées sur des événements spécifiques et missionnées par des organisateurs privés d’événements (sportifs principalement).

Le principal avantage de ce cadre est que les motos n’ont que peu de distance à parcourir pour se rendre sur le lieu d’intervention. Ce trajet s’effectue sur route fermée ou au milieu d’une foule, à faible vitesse, sans risque d’interférence avec un autre véhicule.
Ce cadre d’intervention très particulier permet une sécurité optimale de l’équipage.

La brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) utilise ainsi depuis quelques années des motos, avec chacune un équipage de deux pompiers, formés à la conduite moto par le centre national de formation à la sécurité routière de la gendarmerie à Fontainebleau.

Après avoir lancé l’expérience avec des Yamaha XJ 600 N, ces pompiers motards sont passés depuis 2016 sur des Yamaha XTZ 660. L’objectif est d’en déployer une vingtaine sur l’ensemble de la région Ile-de-France.
Ces motos d’intervention rapide (MIR) ne sont pas destinées aux interventions classiques de secours aux personnes, mais plutôt à opérer dans le cadre d’événements rassemblant de grandes foules.

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Exemples étrangers

Pourtant, l’usage de motos à des fins d’intervention médicale d’urgence est massivement répandu dans de nombreux pays à travers le monde, sur tous les continents et quel que soit leur niveau de développement économique.

Des motos d’intervention d’urgence sont déployées en Inde, au Japon, en Israël, au Royaume-Uni, à Singapour…
Dans l’Union Européenne, c’est aussi le cas en Norvège, en Pologne et au Portugal.

En Australie, la province des Nouvelles-Galles du Sud (qui comprend notamment l’agglomération de Sydney) a été la première à mettre en place dès 1993 une ‘Motorcycle Rapid Response Team‘. Aujourd’hui, deux équipes de ‘rapid responders‘ sont de garde en permanence sur Sydney.
Dans la province de Victoria, la ‘Motorcycle Paramedic Unit‘ intervient sur la ville de Melbourne aux heures de pointe et lors de grands événements, avec plus de 3.000 interventions par an.

Au Brésil, les pompiers de Sao Paulo utilisent depuis 2000 des motos conduites par un secouriste.
En 2008, l’agence fédérale des services médicaux d’urgence a passé un marché pour 400 motos-ambulances afin de les déployer dans tout le pays.

En Allemagne, la Croix-Rouge de Bavière utilise des motos depuis… 1983 !
En 2011 (dernières données disponibles), elle employait 25 motos.

A Hong-Kong, mégapole saturée s’il en est, le service des pompiers HKFSD emploie des motos depuis 1982 et compte actuellement 35 motos Honda ST 1300.

Analyse personnelle

Comment comprendre la frilosité des autorités de la santé françaises à l’égard des motos de secours d’urgence ?

Personne ne remet réellement en question l’efficacité de la moto en tant que moyen le plus rapide pour se rendre sur les lieux de l’intervention.
A partir du moment où on admet que la moto médicalisée ne peut répondre à tous les motifs d’intervention, on admet aussi qu’elle est la mieux placée pour répondre à certains motifs, principalement sur les arrêts cardiaques.

Personne ne conteste non plus l’efficacité des moyens techniques embarqués.
Certes, ils sont souvent miniaturisés par rapport aux outils à bord des fourgons, mais beaucoup sont les mêmes et la capacité d’emport des motos utilisées permet d’embarquer la panoplie nécessaire aux interventions ciblées par les motos médicalisées.

La sécurité active et passive de la moto d’intervention, avec notamment l’emploi d’un conducteur dédié, est aujourd’hui optimale.
Grâce aux moyens de signalisation sonore et visuelle, aux gilets airbag et aux outils de communication, à la fois entre les deux occupants de la moto et entre la moto et le central de régulation, les accidents subis par ce type de moto d’urgence restent rares et sans gravité.

Malgré tout, la moto garde auprès de la communauté médicale une image de véhicule accidentogène.
Même si de nombreux médecins sont eux-mêmes motards, la plupart des médecins, surtout en milieu hospitalier, ne voient que des motards accidentés. Forcément, ils ne voient pas les motards en bonne santé, ceux qui n’ont pas d’accident. Du coup, dans leur inconscient, motard = accident. J’ai rarement rencontré des gens aussi motophobes que parmi les praticiens hospitaliers, surtout dans les services d’orthopédie et de chirurgie.

Alors, qu’est-ce qui pose vraiment problème ?
A mon sens, c’est l’exception culturelle française sur le modèle de prise en charge médicale d’urgence, fondé sur ce qu’on appelle la médicalisation préhospitalière.

Dans presque tous les pays du monde, l’objectif des secouristes est de ramener la victime à l’hôpital le plus vite possible.
Après une alerte, le centre d’intervention envoie une équipe de ‘paramedics’ (ambulanciers et/ou infirmiers, on parle de « ambulancier paramédical » ou de « technicien ambulancier ») qui se rendent le plus vite possible sur les lieux et stabilisent la victime avec des moyens légers.
Les secouristes embarquent ensuite la victime dans l’ambulance et la ramènent à l’hôpital où l’attendent les médecins. Ce sont ces derniers qui vont établir le diagnostic et médicaliser avec des moyens lourds.

En France, seul pays du monde à appliquer ce modèle, c’est le médecin qui se déplace (avec évidemment une équipe médicale autour de lui).
C’est lui qui établit le diagnostic sur le lieu d’intervention et commence à médicaliser la victime en « préhospitalier », avant de la ramener à l’hôpital.
Or plus la durée des soins avant d’arriver à l’hôpital est longue, plus la mortalité augmente et plus le nombre d’interventions nécessaires augmente pendant le séjour hospitalier.

Dans le modèle anglo-saxon, c’est la victime qui vient au médecin (les Américains parlent de « Scoop and run »).
En France, c’est le médecin qui vient à la victime et la traite sur place
(on parle de « Stay and play » ).
Et c’est bien là le problème !

Dans le reste du monde, les motos de secours d’urgence transportent des infirmiers ou ambulanciers, soit au guidon, soit en passager.
En France, elles transportent un médecin.

A mon avis, l’usage de la moto en tant que moyen de secours d’urgence ne pourra pas progresser en France aussi longtemps qu’elle transportera un médecin, et non un infirmier.

En France, le médecin est pour l’heure le seul soignant habilité à poser un diagnostic et à délivrer des médicaments.

Or les missions ciblées par la moto de secours médical ne nécessitent pas forcément un médecin.
Pas besoin d’être médecin pour bilanter une victime et reconnaître un arrêt cardio-respiratoire, une détresse respiratoire ou une perte de conscience, pour utiliser un défibrillateur cardiaque semi-automatique…

Puisque la moto ne sert qu’à intervenir le plus vite possible, on pourrait fort bien imaginer qu’elle transporte un conducteur spécialisé (de préférence ambulancier) et un infirmier urgentiste (éventuellement anesthésiste).

Le rôle de celui-ci se bornerait à stabiliser la victime pour établir un pré-bilan et en informer l’équipe du SMUR.
Cette dernière aurait alors le temps de préparer le matériel nécessaire à la réanimation de la victime : préparation de drains thoraciques, voie veineuse centrale, intubation, traitement à visée cardiaque…
Autant de temps gagné sur la prise en charge !
Le fourgon SMUR avec le médecin, qui arrivera quelques minutes plus tard, pourra transporter la victime au centre hospitalier le plus proche dans les meilleures conditions possibles.

Mais ce modèle d’intervention suppose une révolution culturelle de la part des médecins urgentistes français, et notamment des dirigeants des services de secours d’urgence.

C’est ce qu’on appelle la « para-médicalisation des secours préhospitaliers », un processus déjà en oeuvre dans la plupart des pays européens.

Ce changement passe en France par le développement du statut d’infirmier dit « de pratique avancée », récemment prévu par la législation (décret du 12 août 2019). Un infirmier de pratique avancée, ou IPA, peut aujourd’hui intervenir dans certaines spécialités en appliquant des protocoles de soins établis par des médecins.

Les spécialités accessibles à l’exercice infirmier en pratique avancée s’étendent progressivement. Les secours d’urgence préhospitaliers ne sont pas encore concernés, mais il est possible d’envisager l’apparition un jour d’un IPA spécialisé en soins intensifs et aide médicale urgente.
Cet IPA pourrait alors être « projeté » au moyen d’une moto de secours d’urgence et préparer le travail des médecins, soit pour une prise en charge médicale sur place, soit pour un transport d’urgence vers un centre hospitalier, soit (comme c’est le cas pour de nombreuses interventions) pour des soins de premier niveau sans transport médical.

Ce changement de culture impose toutefois un changement complet d’organisation dans l’accueil des patients à l’entrée des services d’urgence. Une réorganisation difficile à envisager aujourd’hui dans ces services, déjà grandement fragilisés par le manque de moyens et de personnel.

Du coup, la moto de secours d’urgence attendra…

11 thoughts on “Les motos de secours d’urgence”
  1. Article pertinent et interessant. Dommage que les iades soient évincé de l’article. Les IPA urgentistes n’ont pas d’intérêt à exister. Nous existons déjà, nous sommes légions, nous sommes iades…

    1. Pour les non-initiés, car ceci est un article grand public, les IADE sont les infirmiers anesthésistes diplômés d’Etat.
      Ils sont plus de 10.000 en France (estimation fin 2019).

      Un IADE peut faire beaucoup de choses, mais… il exerce au sein d’une équipe pluridisciplinaire et sous la responsabilité du médecin anesthésiste-réanimateur.
      Donc pas seul, pas en autonomie.
      Il ne peut se suffire à lui-même.

      Se pose alors précisément la question de l’autonomie des IPA urgentistes.
      Annoncée en septembre 2019, l’arrivée de l’IPA aux urgences est désormais effective depuis très récemment avec la parution du décret du 25 octobre 2021 relatif à l’exercice en pratique avancée de la profession d’infirmiers dans le domaine d’intervention des urgences.

      Les motifs de recours et les situations cliniques sur lesquels peuvent intervenir les IPA « après décision du médecin de structure de médecine d’urgence et sous sa conduite diagnostique » sont, eux, définis dans l’arrêté publié dans le Journal Officiel du mercredi 27 octobre, parmi lesquels : tachycardie, dyspnée, insuffisance cardiaque, intoxication médicamenteuse et non-médicamenteuse, ou encore brûlures graves.

      Le texte précise que ces professionnels de santé sont compétents pour prendre en charge un patient et établir des conclusions cliniques, « dès lors qu’un médecin de la structure de médecine d’urgence intervient au cours de la prise en charge », pour certaines situations présentant un moindre degré de gravité.
      Un certain nombre d’actes ne peuvent pas être pratiqués en autonomie par l’IPA : pose d’un cathéter veineux profond, d’une ventilation non invasive, ponction d’ascite, aide à la réduction de fracture…

      Ce texte a d’ailleurs été rejeté à l’unanimité par le Haut Conseil des professions paramédicales en juin 2021.
      L’Ordre national des infirmiers a dit regretter le manque d’autonomie envisagé pour ce futur exercice.
      Le Syndicat des infirmiers anesthésistes a souligné que cette « rare unanimité au sein de professions aux exercices très diversifiés est le symptôme d’une absence totale de concertation, mais démontre également la faiblesse conceptuelle ainsi que l’impréparation technique et réglementaire de l’ensemble du dossier ».

      Le texte a pourtant été validé par le ministère et publié au JO sans changement.
      Les premiers IPA urgences, de niveau master, pourraient être diplômés à l’été 2023.

  2. Bonjour,

    Etant président de la Protection Civile du Bas-Rhin, je connais particulièrement bien le sujet de la moto de premiers secours du Bas-Rhin (et non « médicalisée » puisqu’elle ne transportait pas d’équipe médicale/paramédicale pour les interventions SAMU).

    Quelques rectifications s’imposent : nous sommes allés au-delà de l’expérimentation puisqu’il était bien question d’une mise en oeuvre pérenne pour les reconnaissances et premiers secours, ce n’est que l’application des directives sur la répartition des compétences SAMU – SDIS qui ont conduit à l’arrêt d’usage de la moto. Concrètement, plus d’envoi sur les urgences vitales, alors que son emploi diminue les temps de réponse de moitié.

    Les personnes qui en prenaient le guidon étaient bien des professionnels de l’urgence, et il doit être souligné que les motos successives n’ont jamais été accidentées de près ou de loin…
    Je reste dubitatif sur l’emploi d’une moto pour véhiculer des infirmiers ou médecins, la plupart des pays utilisant ce vecteur envoient… des secouristes.
    La BSPP, la croix-rouge allemande (Bayern), Israël, la Colombie, la Pologne font appel à des personnels non médicaux/paramédicaux.

    L’usage de la moto n’est pas mort, puisque la Protection Civile dispose toujours d’une moto HONDA TRANSALP 600, mais son usage est plus centré sur des dispositifs prévisionnels de secours et notamment l’accès à des zones non carrossables pour les raisons évoquées précédemment (urgences vitales réservées aux seuls SP).
    Son remplacement est en cours, vraisemblablement par un modèle trail.

    Bien cordialement.

    1. Merci pour vos explications !
      Elles précisent les choses sur cette expérimentation (qui devait aller plus loin, mais ça n’a pas été le cas), sans remettre en question l’article dans son ensemble.

  3. Autant je suis d’accord avec ce qu’écrit Fabien ci-dessous :

    « Puisque la moto ne sert qu’à intervenir le plus vite possible, on pourrait fort bien imaginer qu’elle transporte un conducteur spécialisé (de préférence ambulancier) et un infirmier urgentiste (éventuellement anesthésiste).

    Le rôle de celui-ci se bornerait à stabiliser la victime pour établir un pré-bilan et en informer l’équipe du SMUR.
    Cette dernière aurait alors le temps de préparer le matériel nécessaire à la réanimation de la victime : préparation de drains thoraciques, voie veineuse centrale, intubation, traitement à visée cardiaque…
    Autant de temps gagné sur la prise en charge !
    Le fourgon SMUR avec le médecin, qui arrivera quelques minutes plus tard, pourra transporter la victime au centre hospitalier le plus proche dans les meilleures conditions possibles. »

    Autant je ne suis pas en total accord avec ce qu’il écrivait avant, soit :

    « Or les missions ciblées par la moto de secours médical ne nécessitent pas forcément un médecin.
    Pas besoin d’être médecin pour bilanter une victime et reconnaître un arrêt cardio-respiratoire, une détresse respiratoire ou une perte de conscience, pour utiliser un défibrillateur cardiaque semi-automatique… »

    Pour bilanter au mieux une victime et optimiser sa prise en charge, seul un médecin qualifié peut porter des diagnostics affinés/pointus genre épanchement thoracique (informer pour préparer le drainage), épanchement intra-abdominal (informer pour préparer du sang, si le SAMU en dispose, ce qui n’est pas prévu), sévérité du traumatisme crânien, du traumatisme de la colonne vertébrale, fractures multiples des membres (préparer les attelles et les dispositifs d’anesthésie des nerfs) etc….

    D’accord pour dire que ces lésions ne sont pas les plus fréquentes, d’accord aussi pour dire que le nombre de médecins qualifiés n’est pas suffisant pour rendre possible ces affectations, mais dans donc de rares cas, ce serait le plus qui permet de gagner du temps.

  4. Très bel article, avec une analyse personnelle pertinente.
    Il est juste dommage, mais vous n’y êtes pour rien, que l’étude scientifique faite par la Ste ECB et l’AP/HP SAMU 75 SMUR Lariboisière ne soit pas disponible en ligne.
    Les chiffres parlent d’eux même et confirme le bien fondé de tels idées.
    Je rejoins PILJEAN dans son commentaire…
    Au plaisir de vous lire à nouveau.
    J.P

  5. Fabien
    Encore un excellent article à adresser à Agnès BUZIN.
    En effet, sans une décision ministérielle, rien ne se passera.
    Si la médecine d’urgence par des infirmiers ou des médecins urgentistes transportés par des motards chevronnés et formés n’est pas inscrite dans l’Organisation Nationale des Dépenses de l’Assurance Maladie (ONDAM), avec un budget de dépense publique, peu de responsables de SAMU ou de SMUR ne prendront de risques auprès des fonctionnaires directeurs d’hôpitaux, qui ne gèrent que des budgets,…
    Encore mes félicitations

  6. Article très documenté.

    Il est dit que le véhicule d’intervention doit être équipé d’un dispositif de géolocalisation de type GPS, performant et intuitif. Mais encore faut-il que la localisation du lieu d’intervention soit correctement transmis au centre de secours quelque soit ce lieu (ville, chemin de campagne… ). Flat-Fab risque de me dire que mon message est sans rapport direct avec le sujet de l’article mais je tente le coup…

    La société What3words a découpé la planète en carrés de 3*3 m et la géolocalisation de ces carrés est nommée par un triplet de mots… Pour l’utiliser moi-même, ce système est vraiment très efficace… et serait parfaitement adapté à des secours motocyclistes qui peuvent aller « au plus près » de ce fameux « carré ».

    https://what3words.com/news/emergency/three-words-for-a-faster-emergency-response/

    Evidemment, tout n’est pas si simple et pour que cela fonctionne il faut, à mon avis respecter quelques conditions :

    1) faire en sorte que les citoyens aient un smartphone sur eux (même bas de gamme),
    2) que l’application (gratuite) What3Words soit installée au préalable sur le smartphone,
    3) que le détenteur du smartphone soit à l’aise avec l’application qui est, d’ailleurs, très intuitive.

    Côté services de secours, et avec les 3 mots communiqués par la victime ou des personnes proches, ceux-ci peuvent instantanément calculer l’itinéraire avec le logiciel de guidage de leur choix.

    La limite du système What3words est que l’on localise un carré de 3*3 m mais on n’est pas capable de localiser un cube (impossibilité de localiser l’étage de l’immeuble par exemple).

    C’est vraiment un système qui fonctionne bien et que j’utilise d’ailleurs au quotidien. L’énorme avantage est que les proches de la victime peuvent communiquer sans ambiguïté la position de celle-ci sans erreur malgré une situation de stress… Ce système est d’ailleurs prévu pour les futurs systèmes de guidage à reconnaissance vocale. Autre avantage, c’est un système qui fonctionne dans de nombreuses langues et si un mot du triplet est compris comme un autre, la position affichée est tellement éloignée de la position que l’on a voulu partager que l’erreur apparaît immédiatement…

    Qu’en pensez-vous ?

    Alain

    1. Intéressant, ce que tu dis, même si on va largement au-delà du rôle potentiel de la moto dans le traitement des urgences médicales extrahospitalières.
      Et la question qui vient aussitôt à l’esprit est la suivante : dans quelles conditions es-tu amené à utiliser quotidiennement cette application dont tu nous parles, What3words ?

      1. Bonjour Philippe,

        En fait, j’utilise ce système de nommage à mon tout petit niveau…

        Je me déplace souvent sur des lycées et très souvent l’entrée du parking ne correspond pas du tout à l’adresse postale officielle de l’établissement (parking souvent situé dans une rue adjacente).
        Je demande alors par téléphone et avant le déplacement la géolocalisation What3words de l’entrée du parking… On me prend au départ pour un fou mais ce n’est pas grave… et souvent les établissements intègrent, après réflexion, 2 ou 3 carrés What3words sur leur plaquette d’accueil (entrée principale, secondaire, parking… ).

        D’ailleurs, certains véhicules Mercedes embarquent What3words sur leur GPS… On peut aussi trouver très facilement une personne dans une foule dense (et là on revient au sujet principal… porter secours le plus vite possible).

        La force de cette appli What3Words est que l’on peut choisir son système de guidage (et de cartographie)… Perso, et pour revenir à la moto, j’utilise Kurviger pro…

        Il est dommage bien sûr que What3words soit breveté et non pas « open source »… Il y a des tentatives de création de systèmes équivalents Open Source (à l’instar des cartes OpenStreetMap par exemple) mais c’est pour l’instant moins abouti…

        En tout cas je trouve ça génial sur le principe… Bon FlatFab va nous dire que l’on est un peu hors-sujet !! 🙂

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