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Mon parcours motard

Il m'arrive de croiser des gens qui pensent que je suis né avec un guidon dans les mains. Loin de là...

La moto est quelque chose qui était (et reste) largement inconnu dans ma famille. Dans mon entourage familial, même élargi, personne ne roule à moto. Un de mes oncles, collectionneur de véhicules anciens, a bien roulé un temps en side-car, mais je ne l'ai jamais vu le faire, il ne m'a jamais emmené, il n'en parlait pas spécialement... Rien de ce côté-là.

A l'époque, dans les années 1980, quelques-uns de mes copains de lycée roulent en 50 ou 125, mais cela ne m'intéressait pas.
Dans les années 1990, je commence à très vaguement m'intéresser à la moto avec des amis étudiants, mais ils ne m'ont jamais emmené. Un seul a une moto, il roule juste le week-end quand il rentre chez ses parents. Un autre a bien le permis, mais pas les moyens d'acheter une machine. Ils en parlent entre eux, j'écoute à peine.
Et puis un jour, mon regard tombe sur une Triumph Trophy III 900 vert anglais et je me dis que cela doit être sympa de voyager avec ça.

Tout juste majeur, les voyages m'intéressent déjà. Pour les vacances, je pars faire des chantiers internationaux de jeunesse en Allemagne, voir des copains et copines en Belgique, en Italie... mais toujours à pied, à vélo, en train, en bus Eurolines.
J'aurais pu acheter une Mob', un 103, une 125... Mais je n'y pense même pas, cela ne me serait pas venu à l'idée.

Le déclic se produit bien plus tard.
Je travaille comme journaliste à Paris, j'habite en banlieue, la rédaction se trouve dans le centre de Paris. J'y vais surtout en train et métro, mais comme je travaille souvent tard le soir et les week-ends, je suis alors obligé de prendre la voiture. C'est le tout début des années 2000 et déjà l'enfer pour circuler...
Au bout de quelques mois de crises de nerfs et de retards au boulot, je cherche une autre solution.
Un ami de l'époque, motard depuis toujours, me conseille évidemment la moto. Pourquoi pas ?

Lui a passé son premier permis chez lui à La Rochelle, mais a dû le repasser en région parisienne suite à une annulation.
Il a voulu faire au plus vite, il est allé chez Zebra suivre un stage intensif et a de nouveau obtenu son permis A en huit jours. Sauf que lui savait déjà conduire...
Il m'oriente vers cette école de conduite et cette formule. Comme je ne connais rien ni personne dans ce domaine, je le crois...
Mais moi, je n'ai jamais conduit un deux-roues moteur ! A part de bonnes bases en vélo et VTT, je ne suis pas spécialement sportif, pas forcément doué... Inutile de dire que la semaine de stage intensif s'avère extrêmement éprouvante et totalement infructueuse.
Celle d'après aussi, d'ailleurs. La faute en bonne partie, je le réalise plus tard, à des formateurs pas pédagogues du tout, sauf un qui savait prendre le temps d'expliquer les choses.

Après quatre échecs à l'examen plateau, je finis par le valider. Première présentation à l'examen en circulation, recalé : l'inspecteur trouve que je ne roule pas assez "dynamique".
Cinquième échec pratique, donc obligé de tout reprendre. Je repasse le code, le plateau et la circulation. Cette fois, je réussis tout du premier coup !
Au final, je mets près d'un an à obtenir mon permis moto.

Juste pour souligner que je sais ce que c'est que de ne pas y arriver, de ne pas être doué, de stresser, d'avoir du mal, de passer par des périodes de découragement...
Mais aussi l'importance de la motivation, de la détermination, de l'entraînement, de s'accrocher et de se donner les moyens de la réussite.

Première moto, je choisis une Honda NTV 650 Deauville, une occasion récente chez National Motos, gros concessionnaire Honda, heureusement situé à quelques centaines de mètres de mon domicile de l'époque.
Premier jour, première sortie, je vais m'entraîner à la prendre en main sur un parking avec mon ami motard... et je me mets par terre sur un freinage trop accentué, blocage de roue avant, pas d'ABS, je n'ai pas appris à détecter le blocage et relâcher, je me crispe, et paf !
Outre les dégâts matériels, rupture de la poche de liquide articulaire de l'épaule droite, mal à l'épaule pendant six mois. A l'époque, les coques homologuées CE n'existent pas, la norme EN 1621 est encore en projet, j'avais juste des mousses dans mon blouson Bering.
Cette première chute m'a vacciné pour des mois, je n'ai plus pris de risques inutiles.
Il y aura pourtant plein d'autres chutes, je les raconte dans cet article.

Journaliste informatique à l'époque, je passe mon temps en ligne et figure parmi les rares à disposer d'un accès internet permanent (et gratuit).
Comme mon pote motard est aussi informaticien, il me fait découvrir la communauté cyber-motarde, notamment le newsgroup FRM (fr.rec.moto).
J'y rencontre plein de motards, d'abord virtuellement, puis lors de sorties, rassemblements, concentres qui me font voyager partout en France.
Quelques mois après mon permis, j'effectue mon premier tour de France en deux semaines, en dormant soit dans ma famille, soit chez des motards contactés par FRM, dont quelques-uns font un bout de chemin avec moi et me donnent de premiers conseils pour m'améliorer.

Je roule beaucoup, loin, souvent chargé de bagages... Très vite, le moteur de la Deauville ne me suffit plus. Je reste dans la même logique et acquiers ma première BMW pour passer sur une R850RT neuve. Avec elle, je parcours 48.000 km sur ses 12 premiers mois d'existence !
En plus des balades autour de Paris, je pars en vacances à moto en montagne, je participe à tous les rassemblements possibles...
Janvier 2002, je pars à la concentre hivernale des Pinguinos en Espagne, avec des températures franchement négatives. De Valladolid, je poursuis sur Madrid, puis Algesiras. Je passe au Maroc pour aller voir une de mes sœurs qui vit alors à Tanger. Toujours à moto, je visite le nord du pays : Tetouan, Chefchaouen, Fès, Meknès, Ifrane, les montagnes de l'Atlas en hiver...
Mon premier grand voyage moto à l'étranger !

Retour à Paris, j'ai un an de permis et je sens bien que je ne suis pas toujours à l'aise avec cette moto de près de 300 kilos.
J'ai mon permis, je me débrouille, mais je ne maîtrise pas vraiment ma machine. Je commence à me renseigner et je tombe sur une association de motards (aujourd'hui disparue) qui s'appelle Moto Zen et dont l'état d'esprit correspond au mien.
Lors de leur rallye annuel de sécurité routière, en partenariat avec la gendarmerie des Yvelines, je remporte la palme du plus grand excès de vitesse, je termine du coup avant-dernier au classement général... et gagne un stage de perfectionnement chez Beltoise Evolution !
Comme ce stage se passe bien et que ça me plaît, je rempile pour un second stage à mes frais.
Je progresse, mais ces stages restent du ponctuel, je sens bien que ce ne sera pas suffisant.

Grâce à mes relations dans l'armée et par cooptation, j'obtiens de pouvoir participer aux activités de la section moto du club de sport et loisirs de l'école de gendarmerie de Fontainebleau.
Le club utilise les mêmes terrains que les stagiaires gendarmes de ce qui s'appelle alors le CNFM (Centre national de formation motocycliste). Les cadres du club sont les instructeurs du CNFM, qui continuent le samedi leurs activités de la semaine, mais avec un public composé surtout d'enfants et adolescents, avec quelques gendarmes enduristes et de rares adultes civils.
Il faut venir avec sa propre moto pour faire du tout-terrain. Au début, je suis sur une BMW R65/6 hors d'âge, puis je passe sur une R65GS un peu plus adaptée à l'enduro (soft, quand même) que je retape et entretiens avec l'aide des cadres du club.

Pendant deux ans, deux à trois samedis par mois, je vais à Fontainebleau bouffer du sable et m'entraîner sur les pistes techniques du polygone, dans toutes les conditions météo.
Là, je progresse beaucoup et améliore ma maîtrise, surtout à basse et moyenne vitesse, sur tous les revêtements possibles et imaginables, en montée, en descente, en dévers, dans les tunnels, sur la crête de murs étroits, entre deux murs de béton où le guidon passe tout juste...
Je ne suis toujours pas doué et comme je ne m'entraîne pas tous les jours, il y a une période de réadaptation à chaque fois, je progresse lentement (mais sûrement, sans me blesser). Au bout de deux saisons, j'arrive à passer (tant bien que mal) la piste bleue, j'attaque à peine la marron et je reste très loin du niveau de la piste noire...

Les aléas de la vie professionnelle font que je quitte l'Ile-de-France pour repartir dans le Nord, ce qui rend impossible la poursuite de mes activités à Fontainebleau.
Entretemps, j'accomplis quelques voyages, notamment le tour de Corse, puis celui d'Irlande et d'Ecosse : encore de très beaux souvenirs.

Au bout de trois ans de voyages, la RT enregistre 115.000 km, je la revends et passe sur ma première GS, une R1150GS Adventure édition 25e anniversaire.
L'année suivante, je l'emmène au Cap Nord et réalise le tour de la mer Baltique par la Scandinavie et les pays baltes, avant de revenir par la Pologne et l'Allemagne.

Je continue à participer à des rallyes routiers, en France et en Belgique.
Lors de l'un d'entre eux, je gagne un stage de perfectionnement d'une journée au Centre de maîtrise de la route, à Nivelles.

La parenthèse nordiste dure deux ans, au cours desquels je quitte les technologies numériques pour me reconvertir comme journaliste moto.
Je pige pour plusieurs magazines, dont la plupart ont aujourd'hui disparu.
J'obtiens de réaliser la deuxième édition du guide touristique "La France à moto" par les éditions du Petit Futé. Je rempile pour l'année suivante, mais insatisfait de la qualité du guide et du très faible investissement (en temps et en argent) mise dans ce projet, je le quitte et pars voir Michelin avec un meilleur projet sous le bras.

Les Guides Michelin valident l'idée et en 2008, je réalise la première édition des "virées moto en France", d'abord avec 80 itinéraires. Chaque année, nous en changeons quelques-uns et en ajoutons d'autres. La dernière édition date de 2013 (ré-éditée en 2015) avec 100 itinéraires.
En 2010, je réalise le guide "Les Alpes à moto", toujours aux éditions Michelin (parution 2011, ré-édition en 2013), avec l'aide de mon plus vieux pote motard et de ma compagne d'alors : dix jours dans les Alpes françaises, puis 7.000 km en deux semaines dans l'arc alpin, par la Suisse, l'Autriche, l'Allemagne, l'Italie...
Au retour de ce voyage, je décide de revendre ma R1150GSA, qui affiche 155.000 km, pour une R1200GS Adventure 30e anniversaire.

N'arrivant pas à vivre de cette activité éditoriale, je décide en 2007 de devenir formateur de conduite moto.
Pour cela, je reviens en Ile-de-France et avec mon brevet professionnel obtenu en 2008, je commence à travailler comme moniteur dans une école de conduite des Yvelines.
Etant formateur pro, je fonde en 2009 l'antenne francilienne de l'association CASIM, à l'époque appelée Casim 75, et y enseigne bénévolement. En croissance rapide, elle donnera naissance aux antennes Casim 77 et 78.
De mon côté, je continue à me perfectionner, notamment en participant aux différentes journées de sécurité moto avec des gendarmes dans l'Oise et la Marne.
Et je tiens une rubrique "Conseils de conduite" dans le mensuel Moto2.

Au bout de trois ans de métier, j'ai envie d'exercer uniquement à moto, pour les motards.
Mais il existe peu d'écoles 100% moto et celles en Ile-de-France sont des "usines" où la pédagogie est absente.
En 2011, je trouve une place à Bordeaux et quitte la région parisienne pour l'Aquitaine.

Au bout d'à peine un an dans la plus grande école moto de Gironde, les choses se gâtent, je suis licencié.
Après quelques mois à travailler comme moniteur de conduite indépendant, je décide de créer mon entreprise de stages de perfectionnement moto post-permis.
Les premiers stages commencent au printemps 2013, en même temps que je participe au démarrage d'activité de l'école de conduite CF2R à Mérignac.
Les trois premières années sont difficiles, mais depuis 2016, j'arrive à vivre de mon activité de formation moto.

En parallèle, comme j'ai un peu de temps libre, je crée une nouvelle antenne départementale CASIM en Gironde.
Parmi les activités, elle propose des stages de trial auxquels je participe pour continuer à apprendre de nouvelles techniques.
Je reprends aussi l'enduro avec un stage chez David Frétigné, puis des balades en solo et en groupe dans les chemins carrossables et lors de randonnées tout-terrain, toujours avec ma R1200GSA.
Celle-ci commence à accumuler les kilomètres, je la revends en 2018 avec 230.000 km... pour reprendre la même, mais avec "seulement" 80.000 km.

En parallèle, j'achète une R1150RT d'occasion que je revends à 140.000 km.
En 2016, ma trésorerie me permet d'acquérir ma première moto professionnelle en LOA, une R1200RT qui parcourt 60.000 km en 18 mois. Elle aurait dû durer jusque 2019 et 100.000 km... Mais en février 2018, un automobiliste me coupe la route et la moto passe épave.
Le mois suivant, je reprends la même - que je revends au bout de presque trois ans et près de 90.000 km.

Mon activité pro, concentrée sur la belle saison, et mes revenus modestes ne me permettent pas de partir pour de grands voyages.
En plus de parcourir entre 35.000 et 50.000 km par an à moto un peu partout en France, surtout en solo pour le boulot, aussi en couple et en groupe, avec différentes motos, je continue à m'entraîner en plateau et à rouler en enduro.
Je suis convaincu que seul l'entraînement continuel permet de progresser dans la maîtrise moto.

Tout ça pour dire que...
Si j'y suis arrivé, tout le monde peut y arriver. Vraiment.
Mais ça ne vient pas tout seul ! Il faut s'entraîner et rouler, rouler, beaucoup, dans toutes les conditions, avec des trajets variés.

LoupElectrique a réagi à ce message.
LoupElectrique
* * * "L'homme sage est celui qui connaît ses limites" (c) Clint Eastwood, alias "Dirty" Harry Callahan, in "Magnum Force" (1973)