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Zit

La moto a surement dans mon cas une relation initiale avec l’interdit. Enfant, on me bassinait avec cet oncle du coté de ma mère, jeune et fougueux, qui s’était tué avec une moto récupérée et planquée durant la deuxième guerre mondiale. Ayant vécu à la campagne jusqu’à l’âge de 12 ans, le vélo fut, bien avant la moto, le moyen de s’évader et de partir à l’aventure, sans but particulier sinon celui de laisser de la place à l’étonnement et au sentiment de liberté que procurent de nouveaux paysages, des lieux et des personnes inconnus. Je me rappelle comme si c’était hier l’achat de mon premier vélo de route, cette impatience lorsque mon père le déballa et le prépara. Bien des motards je crois ont gardé, grand bien leur fasse, ces émotions spontanées et profondes venues de l’enfance, en particulier lorsqu’ils montent pour la première fois sur une nouvelle moto !

A 15 ans, mon oncle chez qui je vécus trois années, jusqu’à mes 18 ans, décida de m’offrir un 101 Peugeot pour m’éviter les longs trajets pour aller à l’école en vélo et ce en dépit de l’opposition de ma mère. Qu’il en soit encore remercié aujourd’hui !

A la même époque, je vis certains de mes copains plus argentés que moi et qui avaient déjà passé le cap fatidique des 16 ans, avoir leur premier engin, par exemple la 125 twin Honda, qui vous donnait tout de suite une stature incomparable dans le groupe … La moto avait donc un pouvoir d’attraction indéniable, à ne pas négliger, sur les potes mais aussi sur les filles !

A peine deux mois après mes 16 ans, j’obtenais donc le permis A2, précieux sésame plein de promesses, que j’ai finalement gardé sur moi jusqu’en 2013, année de mes 50 ans et de l’obtention de mon permis A : j’y reviendrai. Je dus cependant attendre l’âge de 19 ans pour avoir l’autonomie de décision et l’argent nécessaire pour acheter ma première moto, une 125 Yamaha DTLC. Malheureusement, la vie est parfois ingrate et cette première moto tant désirée fut volée 3 semaines après son achat ; les voleurs de moto ne savent pas qu’au-delà des cadenas, ce sont les cœurs de leurs maîtres qu’ils fendent.

N’étant pas totalement dédommagé par mon assurance, je dus me résoudre à acheter une autre moto similaire mais moins chère, la 125 Yamaha DTMX que j’ai gardée 4 ans, avant qu’elle ne soit également volée ! C’est avec cette moto que j’ai enfin développé mon expérience à la fois sur la route et en tout terrain : ah les voyages de nuit à chercher désespérément une station d’essence ouverte, les nuits à dormir au milieu d’un champ et se réveiller couvert de piqures de moustiques sur les mains, les tentatives sous la pluie et avec de la boue sur la visière pour doubler les camions avec en place arrière ma copine (aujourd’hui mon épouse), les démarrages au kick, le dos bloqué plusieurs jours après avoir repoussé la moto qui me tombait dessus en tout terrain, les vacances dans le sud avec des copains équipés de 500 XLS et XT qui m’attendaient patiemment …

 

La vie de famille et le démarrage de ma carrière professionnelle ont alors, comme pour beaucoup de motards, pris la place de mes rêves de deux roues d’enfant, d’adolescent et de jeune adulte, peu compatibles avec les responsabilités nombreuses d’un jeune papa de trois enfants. J’ai tout de même pendant toute cette période, qui a duré de mes 23 ans à mes 50 ans, gardé le plaisir de butiner les paysages, les petites routes sinueuses, tout d’abord en vélo puis avec la course à pied, qui a toujours aujourd’hui une place importante dans ma vie. En 2012, mon épouse a renoué avec des amis du collège, dont un motard très expérimenté et passionné, qui lui a suggéré qu’elle avait surement une responsabilité dans mon arrêt de la moto. Je la revois m’en parler un peu gênée fin décembre 2012 et me dire que finalement, maintenant que les enfants étaient grands, pourquoi pas reprendre la moto ?

Une semaine après, j’étais inscrit au permis, le 25 janvier 2013, j’avais le code moto dans la poche et le 31 mai 2013 je réussissais les épreuves pratiques du permis, au deuxième essai. Le 7 juin à 11h30, je prenais possession dans la concession BMW de Bruxelles d’une 1200 RT toute neuve, qui est toujours ma moto actuelle. Début juillet, je partais pour mon premier voyage en solo de 600 km d’une traite avec une faim de route insatiable et le sentiment de renouer avec un désir profond et de retisser un lien important avec mon histoire. 100 000 km en 7 ans n’ont pas atténué la force de ces retrouvailles et la conviction que la moto nous rend plus vivant, nous permet de retrouver la spontanéité et la légèreté de notre enfance.

A 50 ans, on se pose toutefois plus de questions qu’à 20 ans, et j’avais bien conscience de mes limites en tant que pilote de moto ; l’expérience du pilotage d’avion de 1986 à 1998 (de mes 23 ans à mes 35 ans), dans un cadre professionnel, tout d’abord en vol à vue puis aux instruments, m’avait également enseigné qu’il n’y a pas de progrès sans humilité, reconnaissance de ses erreurs, et remise en question permanente. Je me rappelle un instructeur m’expliquant les jours de galère : « t’inquiète pas, l’avion, c’est 100% d’emmerdes au début et petit à petit le plaisir grandit ». J’ai donc tout naturellement recherché des informations sur internet et trouvé le site de Flatfab que j’ai lu avec grand plaisir et qui m’a donné une idée de la voie à suivre ; je me revois dans mon garage en train d’essayer de comprendre les recommandations de Fabien, serrant les cuisses sur mon réservoir comme un cinglé !

Revenant en France en septembre 2013 pour des raisons professionnelles, après 7 belles années à Bruxelles, j’ai alors tout naturellement contacté la CASIM 78 qui m’a tout de suite accepté dans ses rangs, ayant doublé ses effectifs précisément cette année-là pour résorber une longue file d’attente.

La CASIM, c’est d’abord dans mon cas une démarche personnelle de remise en question sur ma façon de pratiquer la moto, pour avoir finalement moins de stress et plus de plaisirs en toutes circonstances. J’ai particulièrement aimé dans ce cadre l’aspect concret de la formation et l’investissement passionné et généreux des moniteurs bénévoles. Le temps passant, on découvre que la CASIM, c’est aussi beaucoup de rigolades, d’échanges avec une communauté de motards tolérants, ouverts à la différence, étant eux-mêmes d’une grande diversité de parcours et d’origines. Ça devient les années passant un groupe de copains que l’on ne veut plus quitter !

Je résumerai ma perception de la moto, dans mes meilleurs moments, par un petit poème personnel :

« Et soudain ma moto danse,

Etreint mon âme et l'enroule,

Sur des routes infinies. »

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