Pendant environ 40 ans, de 1980 à 2020, l’industrie moto, le marché moto, le marketing se sont fondés sur la course à la puissance. Les temps ont changé. Depuis peu, les « consomotards » se tournent de plus en plus vers des machines à la fois légères et abordables, surtout pour leur première moto.
Publié en mars 2025
Sommaire de l'article
Précisions
Certains pourront objecter que ce type d’article n’a rien à voir avec la conduite moto de sécurité : je pense au contraire que le choix de la machine participe du comportement routier !
J’ai toujours fait l’éloge des motos légères, surtout pour débuter. Depuis 2005 et mes premiers articles sur ce site, j’ai plaidé pour choisir une moto adaptée à votre morphologie, sur laquelle vous serez à l’aise, qui ne vous fait pas peur par son gabarit, son poids, sa puissance…
Pendant des années, les « petits passionnés moto » n’ont juré que par la puissance du moteur, oubliant l’importance du couple et surtout de la tenue de route. Les « marketeux » des constructeurs moto mettaient en avant les chevaux et la vitesse maximale. C’était à qui sortirait la moto de série la plus rapide, avec d’abord le seuil des 300 km/h, puis des 400 km/h… Il fallait des motos qui roulent plus vite qu’un TGV sur le trajet Paris-Lyon ou qui fassent le tour du périph’ parisien en moins de 15 minutes…
Et puis… la vague du néo-rétro, la tendance au trail, la crise économique, l’inflation, les normes anti-pollution, la lutte contre les nuisances sonores, la répression routière, le Covid-19… un peu tout ça à la fois a fait que le marché a changé d’orientation.
Aujourd’hui, sur les 100 à 120 modèles de motos de 125 cm3 et plus (hors scooters) les plus vendus en France, environ un quart sont des machines entre 125 et 500 cm3.
Dans un monde où
- les motards roulent en moins en moins, parcourent en moyenne entre 2.000 et 5.000 km par an, principalement pour des balades en couple ou en groupe les week-ends de beau temps,
- les radars pullulent,
- les chaussées se dégradent,
- les normes antipollution brident les moteurs,
- l’essence coûte de plus en plus cher,
- l’inflation pénalise le pouvoir d’achat,
- le monde moto voit arriver chaque année de plus en plus de femmes et de personnes de plus de 50-60 ans,
- les constructeurs optent pour le « downsizing »,
- les valeurs contemporaines valorisent le « slow », la détente, l’évasion, la liberté, la décroissance…
En toute logique, le consommateur motard va vers des machines qui correspondent à cet état d’esprit !

Les meilleures motos pour apprendre
J’ai toujours estimé que prendre des machines de plus de 500 cm3 comme motos d’école n’avait aucun sens.
Attention, j’ai bien dit : »comme motos d’école » !
Faire débuter les motards sur des motos de 600, 650, 700 voire 750 cm3, c’est les pousser à la surenchère : pour eux, inconsciemment, prendre « en-dessous » serait déchoir.
Combien de fois ai-je entendu / lu des motards affirmer péremptoirement que « moins de 500, c’est pas une vraie moto » ? J’ai souvenir d’une amie qui passait le permis moto, n’y connaissait rien du tout et a demandé conseil autour d’elle à ses collègues motards pour sa première bécane : pas un ne lui a dit qu’il existait des motos de 500 cm3 ou moins.
Dans les années 1990, la moto de référence était la Honda CB500, version PC32.
Produite de 1993 à 2003, cette bécane était la plus vendue en France et la plus répandue en école moto. Avec 58 chevaux maxi, moins de 200 kg en ordre de marche tous pleins faits, elle faisait tout, aussi bien pour aller chercher le pain que pour courir la CB500 Cup, avec une fiabilité exemplaire. Mais à l’époque, l’ABS c’était « même pas en rêve » !
Kawasaki était présent sur le marché des « basiques » avec l’ER-5 et Suzuki avec la GSE 500.
Dans les années 2000, la CB500 a été détrônée par la Kawasaki ER-6.
Produite de 2005 à 2016, elle a pris partout la place de la CB500, des écoles aux circuits. Avec son moteur de 650 cm3, la puissance a bondi à 72 chevaux et le poids a franchi la barre des 200 kg. Le freinage ABS existait, mais en option, peu performant et cher à l’époque.
Honda restait présent avec la CBF500 et on trouvait aussi en école des Suzuki SV650, puis Gladius 650.
Au début des années 2010, j’ai travaillé dans une école qui proposait même des Suzuki GSR 750 (seulement pour les leçons en circulation, pas au plateau).
Puis est arrivée la Yamaha MT-07.
Commercialisée depuis 2014, elle reste encore aujourd’hui numéro 1 des ventes en France et sur le marché des écoles moto (mais de peu). On passe encore un cap avec un moteur de 690 cm3, qui augmente un peu en puissance (75 chevaux), mais pas en poids (185 kg), malgré l’ABS de série.
Honda reste fidèle à la CB500 (avec un nouveau moteur et différentes versions), Suzuki est revenu au SV650, Kawasaki est revenu fort avec la Z650…
Avant 2013, la réglementation française imposait une cylindrée minimale de 500 cm3 pour les motos utilisées pour les épreuves pratiques du permis de conduire moto A (ou AL bridé à 34 ch pour les 18-21 ans).
Cela avait une incidence directe sur le marché moto car nombre de motards débutants choisissent d’acheter en première moto le même modèle que ce qu’ils ont connu en école. C’est pourquoi les constructeurs moto attachent une grande importance au marché des écoles : ils savent que la moto la plus répandue en école devient aussi la plus vendue dans les concessions.
De 2013 à 2020, cette cylindrée minimale a été revue à 400 cm3, histoire d’exclure la KTM Duke 390.
La création de la catégorie A2 en 2013 (seulement pour les 18-24 ans), puis sa généralisation à tous les âges en 2016, a certes beaucoup développé le marché des motos de moins de 48 chevaux, mais le maintien de cette cylindrée minimale pour les motos d’école a fait que le marché des « motos de débutants » n’a pas fondamentalement changé.
Le vrai changement a eu lieu en 2020, quand l’évolution de la réglementation européenne a cette fois établi une cylindrée minimale de 250 cm3.
A l’époque, j’avais prédit que cela modifierait à terme le marché des motos A2. Evidemment, je ne pouvais pas prévoir la crise du Covid et ses conséquences. L’évolution a été longue car au début, les machines proposées alors étaient surtout des 250 et 300 cm3, qui manquaient clairement de « patate ».
Mais déjà, le marché des motos d’école avait commencé à évoluer avec de nouveaux acteurs : BMW avec les G310, Triumph avec les 660…
Et surtout, sont arrivées les 400 : Kawasaki est revenu très fort sur le marché des écoles avec la Z400, puis Triumph a fait un joli carton avec la Speed 400.
Dans ce contexte, acheter des motos de plus de 500 cm3 pour les brider en A2 n’a économiquement aucun sens pour une école.
Non seulement la moto coûte plus cher de base, mais en plus, il faut payer le bridage ! Le tout pour des motos plus hautes, plus lourdes, qui tombent plus souvent, qui peuvent « dégoûter » certains élèves, qui ne sont pas toujours adaptées aux petits gabarits, ce qui oblige soit à rabaisser les motos, soit à en acheter d’autres spécifiquement basses.
Dans mon dernier poste salarié en 2024, j’ai convaincu mon ex-patron de passer son parc de motos A2 de la MT-07 à la MT-03 : à raison de 2500 euros de moins par exemplaire, on a pu acheter quatre MT-03 pour le prix de trois MT-07. La différence de puissance est négligeable (5,5 chevaux de moins), mais le gain de poids et de hauteur de selle est substantiel. Tout le monde en a été content (sauf les élèves de plus de 1,85 m).
Les meilleures motos pour débuter
A partir du moment où l’Union Européenne a créé la catégorie A2 et où la France l’a généralisée à tous les nouveaux permis moto gros cube (sans exception d’âge), il était logique, rationnel, que les critères techniques de cette catégorie de motos favorisent les machines de « moyenne cylindrée » (entre 300 et 500 cm3).
Dès que vous plafonnez la puissance du moteur (en l’occurrence à 35 kW, soit 47,5 chevaux) et qu’en plus vous imposez aux constructeurs de limiter les émissions de polluants atmosphériques (avec les normes Euro4, puis Euro5, puis Euro5+), le meilleur moyen d’améliorer les performances des machines est de jouer sur le rapport poids / puissance… donc de diminuer le poids !
Outre le choix des matériaux, le meilleur moyen de réduire la masse d’une moto est de baisser celle de son bloc moteur, donc de favoriser un moteur monocylindre ou bicylindre.
Dans la mesure où un monocylindre de 250 ou 300 cm3 va vraiment trop manquer de souplesse et d’allonge par rapport aux 600-750, où un bicylindre de 300 cm3 va manquer de couple… le compromis idéal est un moteur bicylindre de 400 à 500 cm3.
C’est avec cette architecture que vous obtenez les meilleurs avantages, combinant une masse réduite (de 150 kg pour la KTM Duke 390 à 200 kg pour la Honda CB500X) avec une puissance maximale entre 40 et 48 chevaux et un couple maximal entre 4,5 et 5,5 mkg.
Une moto peu puissante et légère, c’est :
- moins de poids dans les virages (effet centrifuge) et au freinage (énergie cinétique)
- moins de consommation d’essence
- moins d’usure de pneus
- moins de bruit
- moins chère à l’achat
- moins chère en assurance
- moins de poids à l’arrêt, plus facile à tenir en équilibre
Bref, l’idéal pour les débutantes et débutants !
Les meilleures motos pour reprendre
Si ces motos constituent un excellent choix pour commencer la moto « gros cube », elles ne sont pas pour autant QUE des motos de débutants.
En toute logique, ce sont aussi des machines adaptées aux « retournants », ces motards qui reviennent à la moto après des années, voire des décennies, d’arrêt de pratique.
Quand on reprend la moto après plus de cinq ans d’arrêt, on ne repart certes pas complètement de zéro… mais presque !
Avec ou sans formation de « remise en jantes », il est préférable de réacquérir de l’expérience, des automatismes, de la confiance avec une machine « facile », qui pardonne les erreurs, qui permet à la fois d’éviter de se mettre dans des situations dangereuses et de s’en sortir sans trop de souci si jamais on s’y est mis quand même.
Encore une fois, le choix de la moto fait partie du comportement du motard : choisir de reprendre avec une « grosse » moto, certes puissante mais surtout lourde, parfois haute, n’est pas le choix de la prudence et de la responsabilité.
Ce n’est pas parce qu’on a un certain âge, l’expérience de la route (comme automobiliste), le bonus d’assurance, les moyens financiers… que l’on est différent d’un motard débutant.
Pour en savoir plus, lire Commencer la moto tard ou reprendre après des années
Dans mon activité de formateur post-permis, environ la moitié de mes demandes de cours concerne des personnes qui reprennent la moto après dix, vingt ou trente années d’arrêt.
Beaucoup d’entre elles ont déjà racheté une moto quand elles me contactent.
Il s’agit très souvent de grosses machines (routières, GT, maxi-trails, gros customs), non pas tant pour la performance que pour le confort. Mais cela reste des motos de plus de 300 kg… On ne va pas se mentir : une partie de ces motards changent de moto au bout de quelques mois car ils se rendent compte qu’ils ont vu trop grand.
De bonnes machines pour toute la vie
La formation complémentaire (dite « passerelle ») pour passer du permis A2 au permis A n’est pas impérative.
Elle est certes obligatoire pour obtenir la catégorie A et avoir le droit de rouler avec une moto de catégorie A. Mais rien n’oblige à la passer !
Je connais des motardes et motards qui comptent bien rester toute leur vie en A2. Pour plein de raisons diverses et variées, ce type de machines leur convient. Ils / elles ne ressentent pas le besoin de plus de puissance, n’ont pas envie de dépenser plus, préfèrent rester sur des motos légères…
D’ailleurs, même avec le permis A en poche, certains choisissent de rester (au moins pendant un temps plus ou moins long) sur des 400 ou 500. Ils n’excluent pas de prendre plus gros un jour, mais ce genre de motos répond à leurs besoins, à leurs envies : pourquoi s’embêter à rouler avec quelque chose de plus lourd ?
Pour certains, c’est un choix guidé par des valeurs socio-politiques.
De la même façon que certains motards choisissent de ne rouler qu’en ancienne (pour leur charme comme par démarche de décroissance), d’autres optent pour des machines récentes, plus sûres, moins sujettes à la panne, mais légères, pas chères et peu polluantes.
C’est une façon de refuser d’entrer dans les mécanismes de la « société de consommation motarde » où les constructeurs poussent – pour des raisons purement économiques – à changer souvent de moto pour acheter toujours plus gros / cher.
Le point sur le marché
A la publication de cet article en mars 2025, on trouve surtout des roadsters sur ce créneau de marché puisque c’est la catégorie de motos la plus simple à réaliser et la plus vendue en Europe :
- KTM Duke 390
- Honda CB500F
- Honda CB500 Hornet
- Kawasaki Z400 et Z500
- Kove 450 R
- Triumph Speed 400
- Aprilia Tuono 457
- Royal-Enfield 450 Guerrilla
- CF Moto 450 NK
- Brixton Crossfire 500
- Voge 525 R
Les deux grandes tendances du marché ont amené les constructeurs à proposer d’un côté, des néo-rétros :
- Benelli 500 Leoncino
- Honda GB 350 S
- Kawasaki W 230
- Kawasaki Meguro S1
- Royal Enfield 350 Bullet
de l’autre, des trails :
- KTM Rally 450
- KTM 390 Adventure R et X
- Suzuki DR-Z4 S
- Honda NX 500
- Honda CB 500 X
- Royal Enfield Himalayan 410 puis 450
- CF Moto 450 MT
- Morino 450 Alltrhike
- Kawasaki Versys 300
- Rieju Aventura 500
et la combinaison des deux genres, avec des scramblers :
- Triumph 400 Scrambler X
- Royal Enfield 411 Scram
- Fantic Caballero 500 Scrambler
Puis sont arrivées les sportives :
- KTM RC 390
- Kawasaki ZX-4R et 4RR
- Kawasaki Ninja 500
- Aprilia RS 457
- Honda CBR 500 R
- CF Moto 450 SR
Même des customs :
- Honda CMX 500 Rebel
- Honda CL 500
- Kawasaki 500 Eliminator
- Royal Enfield 350 Meteor
- Marshal Yes 418
- CF Moto 450 CL-C
Quelques supermotards :
- KTM 390 SMC R
- Suzuki DR-Z4 SM
Conclusion
Avec le marché moto actuel, je ne vois pas l’intérêt de payer « cher » pour une première moto de plus de 500 cm3, en tout cas pour la plupart des gens.
Mais…
- si vous pesez plus de 120-130 kg
- si vous pensez rouler tout le temps (ou très souvent) en duo
- si vous avez besoin de transporter des objets lourds ou volumineux
- si vous n’avez pas un budget d’achat d’au moins 4.000 euros (environ) pour du neuf ou de l’occasion récente
- si vous voulez attaquer à mort dans les cols de haute montagne
- si vous voulez voyager au long cours pendant plusieurs jours d’affilée avec 6-8 heures de moto par jour
Là, vous n’entrez pas dans les cases de la grande majorité des motards débutants et ce type de bécanes ne va pas forcément vous convenir !
Eloge surtout d’un gars comme toi, Fabien, qui ose dire la vérité, là où quasiment tout le monde ne cherche qu’à montrer cékikialaplugrosse. Quand je me suis pour la première fois intéressé à la moto, au début des années 1990, si tu avais une 350 cc, tu avais déjà une grosse moto, et la 125 que j’avais à l’époque était considérée par tout le monde comme une « vraie » moto, pas de discussion. Quand je suis retourné à la moto 30 ans plus tard, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’entre les 125 et en gros les 600, il n’y avait plus rien, tout avait disparu. Chaque fois que j’ai voulu aborder le sujet avec des motards, en évoquant l’idée que je serais heureux avec une 350 ou 400, je n’ai eu que des moqueries ou des sourires condescendants en retour. Au final, j’ai acheté une moto de 853 cc, soit beaucoup plus que ce que j’envisageais au départ, non pas par envie d’une grosse, mais parce que toutes les 400-450 que tu cites dans l’article, et que j’ai essayées en statique, sont conçues pour des gens de moins d’1m60. Le jour où quelqu’un sortira une moto de 400 ou 450, mais adaptée à des gens d’1m80 ou 1m90, j’applaudirai chaleureusement!
KTM Rally 450 : 960 mm de hauteur de selle, tu devrais être bien… 😉
Bon, c’est une réplica de rally cross, pas ce qu’il y a de plus facile à conduire sur route !
Mais la KTM 390 Adventure R affiche une selle à 870 mm, hors option selle haute et éventuel coussin de selle, ça laisse les genoux bien dépliés.
La CF Moto 450 MT (qui est une copie de la Yamaha Ténéré 700) propose une option selle haute à 870 mm aussi.
Même avec une Kawasaki Versys 300 (qui ne se fait plus depuis 2020, hélas), qui serait la plus routière et la moins chère de tout ça, la selle standard peut se régler à 845 mm et tu peux la faire refaire en « selle confort » plus large et plus épaisse.
Le gros défaut sur cette moto reste les leviers de série non réglables, mais ça se remplace par des adaptables réglables.
La moto coûte tellement pas cher que tu peux te permettre de la suréquiper en accessoires.